La plupart du temps, j'ai cette impression persistante que le réel me résiste : les objets, ma volonté, les êtres humains, tous se liguent contre moi pour m'empêcher. Dans ces cas-là, seuls l'anecdotique, le faux pas, l'insensé minuscule me sauvent. Il suffit d'une faute de frappe du réel pour me sentir comme vengé : mon regard peut à nouveau se poser avec amour sur ce monde, non parce qu'il deviendrait tout d'un coup aimable, mais parce qu'il confirme qu'il est absurde.
J'aurais voulu leur dire, à l'enfant et à sa mère -je l'avais découvert dans un des trop nombreux textes lus ces derniers jours- que la plupart des oiseaux ont un deuxième larynx, le syrinx, où sont les multiples muscles vocaux qui leur permettent de chanter, pendant que le larynx leur permet de respirer.
Dans un univers où la réalité perdait la raison, il était pas illogique de se tourner vers ceux qui ne l'avaient plus depuis longtemps.
J'espérais faire de ma fuite une expédition
J'avais embarqué à bord comme l'on s'engage dans une grande aventure qui s'était transformé en petit n'importe quoi qui se transformerait peut-être en grande aventure, qui sait. (L'inverse était bien sur possible : j'avais signé pour un petit n'importe quoi en espérant qu'il se transforme, etc.)
« Il fallait me guérir de la dispersion pour disperser la dépression (…) ou l’inverse peut-être, remélanger les lettres plongées dans le sac de scrabble existentiel. »
« (…) j’avais la vie sur le bout de la langue. Sur le bout de la langue les engagements, les choix, les aventures de l’esprit, la vie sociale et les conquêtes. J’avais l’impression de passer ma vie à ne pas articuler complètement ce qui m’arrivait et à sacrifier tout un tas de syllabes, de mots et de phrases-projets. »
« J’espérais faire de ma fuite une expédition et je commençais à prendre plaisir à ce tourniquet, voilà ce qui avait changé. La plupart du temps, j’ai cette impression persistante que le réel me résiste : les objets, ma volonté, les êtres humains, tous se liguent contre moi pour m’empêcher. Dans ces cas-là, seuls l’anecdotique, le faux pas, l’insensé minuscule me sauvent. Il suffit d’une faute de frappe du réel pour me sentir comme vengé : mon regard peut à nouveau se poser avec amour sur ce monde, non parce qu’il deviendrait tout d’un coup aimable, mais parce qu’il confirme qu’il est absurde. »
C’était chez moi qu’avait eu lieu ce déluge, dans la ville où j’avais passé, avant de m’installer à Paris, les pires et meilleures années de ma vie, c’est-à-dire une enfance.