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Citations de Victor Pouchet (89)


Il déployait autant de grandiloquence à se reprocher ces années qu'il en avait sans doute mis à les vivre.
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Je me suis redressé et j’ai regardé au-delà du champ de corneilles crevées. J’ai vu une aigrette blanche, haut perchée sur ses longues pattes, maladroite, mais belle, qui arpentait la plage à la frontière de la mer. De loin, on aurait dit qu’elle comptait les oiseaux morts, ou qu’elle les veillait, ou peut-être qu’elle se préparait, debout et ridicule, à affronter les ennemis de ses prochains duels.
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Il faut tellement d'acceptation de soi, des autres et de l'espace pour que ça marche un corps, que ça ne subisse pas le réel mais que les gestes l'habitent paisiblement, avec la bonne tension. Les animaux sauvages, eux ne connaissent pas la maladresse. Le léopard ne se pose pas la question de sa démarche, le vol de l'aigle n'est jamais ridicule, les sauts de chevreuil sont toujours coordonnés. Leur corps n'échappe jamais à leur contrôle alors qu'il me semble parfois qu'il faudrait toute une vie pour apprendre à ne pas rougir quand je cours dans la rue et à marcher tranquillement sur le chemin vers la mer. (p. 109)
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Oh ce n’était pas comme s’il allait dix fois plus vite, ni même deux fois plus vite, non non, il allait « un peu plus vite que la normale ». « Il court derrière lui-même et plus vite que lui-même », disait-on. On le surnomma alors « le tsarévitch-aux-pieds-rapides ». Alexeï Sergueïevitch, l’alchimiste impérial, tout en haut de la Grande Tour du Grand Palais de Verre, tressant toujours de la même main sa trop longue barbe grise aux boucles insensées, avait aussi son avis, qu’il avait envoyé au tsar dans une longue lettre alambiquée qui s’achevait ainsi : on dirait qu’il avance projeté par un espoir qui ne connait ni pause ni introspection, ses ombres même brillent de promesses. Le tsar avait répété la phrase pensivement : « ses ombres même brillent de promesses »….
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Autour du moi aujourd'hui, j'ai l'impression qu'une grande partie des gens sont déguisés en fin du monde, chacun arborant un costume différent: certains sont habillés en commerçants de ruines, d'autres en pilleurs de grains, quelques contemplatifs désespérés, des sauveteurs en haute mer, des survivalistes en appartement, des aveuglés volontaires, des éco-anxieux et des effondrés avant l'heure. Ils ont des discussions sur les massacres au Soudan, sur la montée des eaux, sur les armes à feu aux Etats-Unis, sur la disparition des oiseaux, sur l'intelligence artificielle, sur le chômage de masse, sur l'acidification des océans, ils s'inquiètent de l'égalité fiscale et des conflits sociaux, ils débattent et manifestent. Je les admire, c'est peut-être grâce à eux que le monde tourne, mais je ne sais pas comment ils font. Où trouvent-ils cette énergie pour s'indigner ? Comment réussissent-ils à se saisir des nouveaux drames qui s'ajoutent sans cesse aux anciens ? (p. 110)
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J'aime bien l'idée d'Avril de "l'option légère", de prendre face aux bouleversements la voie de la légèreté. Ce n'est pas du déni ou de la dérision, parce que la réalité de la catastrophe n'est pas effacée, mais c'est un angle face au réel. D'un coup, on regarderait les choses en se rendant compte qu'on n'y est pas complètement, qu'on peut les observer de biais, ave attention et douceur. On pourrait frôler le monde et ce serait déjà pas mal. Mais je ne sais pas bien comment on fait. (p. 110)
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Il [jeune frère du narrateur ] continuait à parler en permanence. Ce n'était plus pour raconter des histoires mais pour faire des discours: c'est peut-être ça, sortir de l'enfance. (...)

Je n'ai sauvé ni ma mère, ni Ann, après. Mais peut-être que le grand accident m'a sauvé des sauveurs. (p. 115)
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J'aimais marcher dans la forêt avec mon père. Sur ces chemins, il parlait moins, ou alors ses discours qui d'habitude m'épuisaient me semblaient plus supportables. Peut-être est-ce une question d'horizon. Sa parole était espacée par la marche, dérivée par les arbres autour. (p. 91)
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Elle [la grand-mère ] me demandait si mon père me nourrissait comme il fallait, elle me posait plein de questions sur lui, sur ce qu'il faisait, sur la maison, sur ses consultations de magnétiseur. Je ne répondais pas à toutes ou du moins, je restais assez vague, car j'avais un peu honte. Dans ces moments-là, je me sentais solidaire de lui, de son étrangeté, de ses grandes idées sur le monde et la vie. (p. 75)
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28 novembre

(...) La qualité du ciel ici réconcilie à vie avec le ciel, même si je n'ai jamais été fâchée avec lui. Le plaisir très particulier d'ouvrir une maison fermée pendant plusieurs mois, comme si on embrassait la belle au bois dormant. (p. 133)
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QUE SONT MES AMIS DEVENUS …..de Rutebeuf



«  Depuis à peu près l’an
Mille deux cent soixante et un
( On ne sait pas la date exacte )
Rutebeuf chante doucement
Sa grande complainte infidèle
Que sont mes amis devenus ?
Qu’il avait de si prés tenus
Et tant aimés
Depuis, il n’y a pas un jour
Où on ne verse larme exquise
Avec lui et avec eux
Je crois le vent les a ôtés



Ils ont été tant clairsemés
L’amour est morte
Il a nommé en claudiquant
Ressassement simple et parfait
L’exil que font dans le cœur
L’amitié et la distance
( Elles marchent ensemble tu vois )
Depuis nous ne faisons que
Le redire comme on peut :
Ce sont amis que vent emporte
Et il venta devant ma porte
Les emporta . »
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Je voudrais être capable
de mieux aimer
les gens que j'aime
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J'ai l'impression que c'est sur ce trampoline trempé, lors de cet hiver déguelasse que j'ai vécu les plus belles heures de mon enfance."
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Il voulait me montrer comment sculpter la terre avec ses mains et comment y placer des ondes favorables. Il me dit : " Tu sais, nous sommes responsables de notre façon de toucher . Elle n'a pas toujours été la même. Les hommes de Néandertal ne touchent pas de la même façon qu'un Grec ancien qui ne touche pas de la même façon qu'un homme du Moyen-âge.Je ne sais pas d'où il tirait tout cela. (...)
A la Renaissance, Michel-Ange a même eu le rêve de sculpter une montagne en entier. C'est possible, s'inquiétait mon père, qu'aujourd'hui, nous oubliions cela, que nous touchions très autrement le monde, que nous nous contentions de le flairer, de loin. En repensant à ça, j'ai l'image des doigts glissant sur les écrans des téléphones, toutes les images que l'on déroule sans y penser, que l'on caresse de loin. Mon père voulait m'apprendre à toucher et tenir les choses comme avant. Il prit mes mains et me fit plier et onduler le mélange de terre et d'eau. Je me sentais à ce moment un peu comme un dieu capable de faire surgir des figures de la Terre originelle.
(p. 43)
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Jusqu’à présent, assez peu d’oiseaux étaient visibles sur le fleuve et aux alentours. Quelques mouettes parfois, des poules d’eau près des rives. En même temps, je ne savais pas quelles étaient les habitudes des diverses espèces, leurs saisons de prédilection ni leurs zones de nidification. Je faisais face à mes propres limites : mes notions d’ornithologie étaient minces, et mon instinct pouvait aussi me tromper. J’étais un peu comme un lecteur capable de ne décrypter qu’une infime partie des caractères, et encore bien maladroitement, obligé d’inventer des explications, d’intuiter des réponses, sans trop savoir les limites entre le fantasque et le fantastique. J’espérais que les vapeurs de la Seine feraient de moi une Pythie clairvoyante, un prophète crédible pour interpréter les augures et distinguer les présages des cieux.
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Vania, Tsarévitch-aux-pieds-rapides, au fond de son cœur, était triste, et seul, et maladroit. Dès qu'il essayait d'exprimer sa pensée, celle-ci avait déjà disparu. Il ne pouvait jamais s'arrêter d'avancer et n'arrivait pas à avoir de vraie conversation avec les autres. Il avait l'impression de marcher sur un tapis roulant infini tandis que les autres piétinaient enfoncés dans une profonde marmite de glu. Ivan aurait voulu être scotché comme tout le monde dans cette profonde marmite de glu.
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Plus tard, mon père m'avait expliqué ce qu'il appelait "le coup de sang sur les murs". Il disait que c'était une démonstration. C'était pour leur montrer que la maison nous appartenait. C'est notre territoire: les Aztèques faisaient pareil sur leurs pyramides, disait-il, des grandes traces de sang, c'est une façon de rappeler que notre maison est notre corps, le prolongement de notre corps. (p. 25)
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Avril avait vu un documentaire où cet ancien rite tsigane était rapporté : quand un homme mourait, on ne partageait pas ses affaires; sa caravane et avec elle tout ce qui lui avait appartenu étaient incendiés jusqu'à disparaître. Les proches n'héritaient de rien. Chacun pouvait garder au mieux un objet sans valeur en souvenir, mais le reste devait s'effacer dans le feu de l'habitation où le défunt avait vécu. (...)
Ce feu était une façon d'alléger les morts de leurs plaisirs et souffrances passés mais surtout un moyen de protéger la famille. Ainsi, l'âme du défunt ne pouvait plus tourmenter les esprits des vivants, revenir agacer ceux qui restaient. Les choses importantes, les photos et documents qui forment la matière et le récit d'une vie brillent une dernière fois, intensément, et disparaissent. On passe par un grand désordre pour créer un peu d'ordre, c'est une libération par allègement. (p. 12)
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C'est fou la durée de vie des collants : celui-ci aura vécu moins d'un jour, comme un papillon son unique journée de printemps.
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J’espérais faire de ma fuite une expédition et je commençais à prendre plaisir à ce tourniquet, voilà ce qui avait changé. La plupart du temps, j’ai cette impression persistante que le réel me résiste : les objets, ma volonté, les êtres humains, tous se liguent contre moi pour m’empêcher. Dans ces cas-là, seuls l’anecdotique, le faux pas, l’insensé minuscule me sauvent. Il suffit d’une faute de frappe du réel pour me sentir comme vengé : mon regard peut à nouveau se poser avec amour sur ce monde, non parce qu’il deviendrait tout d’un coup aimable, mais parce qu’il confirme qu’il est absurde.
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