Citations de Victor Pouchet (89)
Mon père expliquait ses théories mais refusait de m'apprendre quoi que ce soit. Il avait refusé de m'apprendre à lire, à écrire, ou à faire du vélo. Il disait que savoir quelque chose, ça se produisait en un éclair, que le soi-disant apprentissage n'avait rien à faire avec ce qu'était un savoir : « le savoir, c'est ça : on te présente des choses, ça ne veut rien dire. Et puis, il y a un moment où tu te dépêtres, tout d'un coup ça veut dire quelque chose. Et ça depuis l'origine. » Il me mettait un vélo entre les mains, un livre, et il me disait de m'en débrouiller, et étrangement, au bout d'un moment, ça marchait.
On dirait qu'il avance projeté par un espoir qui ne connaît ni pause ni introspection, ses ombres mêmes brillent de promesses.
Je me débattais avec mon angoisse démesurée (...) et avec d'autres questions encore, des peurs d'inexistence, le sentiment de piétiner, mais aussi l'espoir mal formulé qu'un jour l'aventure commencerait peut-être.
« À l’âge de onze ans, j’avais ramassé un petit pigeon blessé dans le jardin de ma grand-mère. Il avait une aile cassée, et à la fin des vacances, on ne savait pas s’il s’en sortirait. Ma grand-mère en prenait soin en mon absence. Elle m’envoyait de ses nouvelles par lettre. Je suis retombé longtemps après sur une de ses cartes postales, qui disait seulement : bravo pour les 11 ans de mon petit-fils. Tous mes souhaits les meilleurs et tous mes vœux. Je t’embrasse très fort. PS : Le pigeon va très bien. La phrase : « Le pigeon va très bien » m’avait accompagné longtemps, comme un message codé, et j’imagine sans m’en souvenir précisément la joie enfantine que j’avais pu ressentir en la lisant la première fois le jour de mon anniversaire. Ce post-scriptum retrouvé, trace écrite de la douceur de ma grand-mère, m’émouvait encore. Même si autour de moi les oiseaux tombaient par centaines, même si la logique aviaire débloquait pas mal, je pouvais me rassurer en me répétant cette phrase, pure et simple comme une leçon de langue étrangère niveau grand débutant : « Le pigeon va très bien. Le pigeon va très bien. »
Il avait plu des oiseaux morts.
Il fallait me guérir de la dispersion pour disperser la dépression (…) ou l’inverse peut-être, remélanger les lettres plongées dans le sac de scrabble existentiel
Il avait plu des oiseaux morts. J'ai répété ça aux bateliers sur le quai du port de Paris.
je pourrais faire un poème
je pourrais faire un poème
jeu-concours
à renvoyer
jusqu’au 7 mai
avant minuit
cachet de la poste
faisant foi
Découpez votre solitude
en suivant bien
les pointillés
Peut-être que chaque jour
Peut-être que chaque jour
il y a une chose qui
mérite un poème,
un non-événement
qui laissera une trace
plus forte qu’une tempête
de pluie et de grêle
Quelques jours après
le ruisseau d’en bas
deviendra torrent
on saura pourquoi.
si une pierre te parle
si une pierre te parle
iras-tu le dire ?
Je crois en fait que les poèmes
Je crois en fait
que les poèmes
servent juste à
découper des phrases
pour qu’on les voie mieux
prendre de la place
même si on y met
rien de plus que :
j’ai faim je vais sortir
du lit, crois-tu qu’il va
encore faire beau
Peut-être que
c’est déjà beaucoup.
C'est peut-être ça qu'il faut chercher : le bon naufrage.
Il paraît que la fatigabilité est liée directement au niveau d'angoisse que provoque le monde. On s'en protège en faisant en sorte que notre corps et notre esprit n'aient plus à l'affronter debout, mais couché, de loin, les yeux mi-clos.
Assez souvent je lis des choses
qui ne semblent écrites
pour personne ou bien disons
pas pour moi, mais pour qui d'autre ?
Il y a beaucoup
de peut-être
dans ces poèmes
C'est par précaution
pour anticiper
sur l'incertitude
Je parle trop vite
donc je me protège
et j'aime les deux mots
comme j'aime le début
d'une histoire nouvelle
Peut-être que ta main
s'est formée à l'issue
d'une explosion solaire.
C'est ainsi dans l'entrouverture
je revois encore son visage
aux angles aigus à Lisbonne
et dans l'église de Lugo
J'aperçois aussi celle qui boxe
le soir dans une ville lointaine
avec ses angoisses et les miennes
Je te sens aussi tu es là
derrière mes épaules et esprit
Tu me racontes des histoires
et me comprends sur le chemin
comme on regarde à travers vitre
Je devrais mieux ne rien dire
c'est vrai que vous êtes nombreuses
et je ne confonds jamais vos noms
et je vous aimerai toujours
Tu sais souvent je le regrette
je ne peux pas faire autrement
je ne ferme jamais la porte.
C'était une évidence dont j'attendais qu'elle soit si explicitement formulée : j'avais la vie sur le bout de la langue.
À ce moment là, je me dis qu'elle pourrait s'électrocuter dans ce reflet et que je suis absolument amoureux d'elle.
Le matin, [Elias] me passe une clé de chez lui : "Ça sera plus pratique pour ouvrir la porte."
À cause de l'adjectif, le "Petit" Jésus me semblait un personnage sympathique, une sorte de petit super-héros qui habitait au ciel et parlait bizarrement.