Victoria Mas, avec Le bal des folles, a écrit un roman prenant, émouvant, un livre qui alerte surtout sur le sort de ces humains que l’on dit aliénés, que l’on enferme, que l’on tente de soigner. Pour leur bien ? Pour le bien des autres ? Ce livre détaille aussi la condition des femmes à la fin du XIXe siècle.
Début 1885, autour du bal de la mi-carême, cette tradition de l’hôpital de la Salpêtrière, établissement prestigieux, alors sous la tutelle de l’omnipotent docteur Charcot, c’est l’histoire de deux femmes : Eugénie et Geneviève. L’une est la fille d’un riche bourgeois, notaire à Paris. L’autre, fille d’un médecin de Clermont, devenue infirmière puis intendante de la Salpêtrière, se donne entièrement à son travail. Je n’oublie pas la jeune Louise, rappelant Augustine, sujet d’étude et de curiosité pour les médecins et les internes – que des hommes ! – qui savourent ou étudient son comportement lors de crises déclenchées par une séance d’hypnose hebdomadaire dirigée par Charcot.
Eugénie possède un don qui dérange terriblement sa grand-mère et son père : elle communique avec les morts, les esprits, et en parle. Un père sans cœur, alerté par une grand-mère à la duplicité atroce, l’interne à la Salpêtrière avec l’aide de Théophile, le frère d’Eugénie, qui ne se remet pas de cette complicité passive.
Tout cela est bien écrit, raconté simplement sans jamais tomber dans le jargon scientifique ou pseudo-médical. Victoria Mas met l’accent sur un monde que j’avais côtoyé en lisant La salle de bal, d’Anna Hope mais le récit parisien est radicalement différent, même si le bal est au centre. En Angleterre, en 1911, il était régulièrement organisé et ne concernait que les hommes et les femmes internés alors qu’à Paris, c’est une grande organisation annuelle à laquelle est conviée la bourgeoisie parisienne émoustillée par ce contact avec ce que nous nommons un peu trop facilement la folie.
Grâce à plusieurs portraits de femmes, Victoria Mas permet de comprendre ce que vivent ces femmes coupées du monde et de ses dangers. Certaines peuvent apprécier cela mais, pour la plupart, c’est un abandon complet, une rupture terrible avec famille et amis.
Lors des Correspondances de Manosque 2019, j’avais écouté très attentivement Victoria Mas parler de son roman et cela m’avait motivé pour le lire. Elle faisait allusion à Camille Claudel, à Augustine désacralise Charcot.
En lisant ce livre, je pensais aux articles de Yann Diener dans Charlie Hebdo, articles qui dénoncent le manque de moyens de la psychiatrie en France, des moyens allant déclinant alors que les besoins augmentent. C’est un grave problème auquel un livre comme Le bal des folles permet de penser.
De plus, ce roman inspiré de faits réels fait partie des livres sélectionnés par ma médiathèque pour le Prix des lecteurs des 2 Rives, comme Où bat le cœur du monde (Philippe Hayat), Une bête au Paradis (Cécile Coulon), À crier dans les ruines (Alexandra Koscelyk), Le ciel par-dessus le toit (Nathacha Appanah) et Mur Méditerranée (Louis-Philippe Dalembert), un choix très difficile tant ces livres sont d’excellente qualité.
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