Citations de Virginie Despentes (3392)
Les autres mères la démoralisent. " La mienne a marché à six mois, on est resté bouche bée quand on l'a vue traverser le salon". " La mienne parlait deux langues à deux ans". " Le mien a appris tout seul à lire à trois ans". "Le mien a été repéré en grande section de maternelle pour ses qualités de footballeur ". " J'ai ouvert un compte épargne pour la mienne, on m'a demandé si elle ne voulait pas faire une série de mode, moi je n'y tenais pas mais la petite adore ça , et depuis on la demande partout" . Et que je te dégaine le fil de ma progéniture en train de faire la roue, sur une poutre, de remonter un ordi les yeux bandés ou de reprendre un air d'opéra... Clara est un ange, mais pour frimer, elle ne sert à rien.
Il avait oublié à quel point on se sent vivant, exactement à ce moment-là : quand on sait que c'est en route, et que chaque geste vient confirmer cette impression. Il avait senti ses veines se gonfler d'une euphorie étrange, et caractéristique : la délicieuse ivresse d'avant le premier baiser.
Mais des femmes sentent la nécessité de l'affirmer encore : la violence n'est pas une solution. Pourtant, le jour où les hommes auront peur de se faire lacérer la bite à coups de cutter quand ils serrent une fille de force, ils sauront brusquement mieux contrôler leurs pulsions 'masculines', et comprendre ce que 'non' veut dire.
(p. 46)
Est-ce que quelqu'un peut lui expliquer pourquoi les fabricants de vêtements cousent des étiquettes qui grattent au niveau de la taille ? C'est à croire qu'ils font des études pour trouver la matière qui t'irritera le plus possible. Et même si tu découpes le truc avec un petit ciseau, au plus près du tissu, en te concentrant à fond – ça gratte quand même.
C'est une ville adulte - on ne s'adresse pas la parole, si on ne se connait pas, ou alors c'est pour s'engueuler.
....Mais moi j'ai plus personne .Je suis comme un cerf volant sans le fil...ca fait super peur
On supporte très bien l’idée que les femmes soient tuées par les hommes, au seul motif qu’elles sont des femmes. […] La société comprend l’assassin. Elle le condamne, évidemment. Mais avant tout, elle le comprend. C’est plus fort que lui. Que ce soit sa femme ou une inconnue.
Imagine qu’à la place des femmes qui sont tuées par les hommes, il s’agisse d’employés tués par leurs patrons. L’opinion publique se raidirait davantage. Tous les deux jours, la nouvelle d’un patron qui aurait tué son employé. On se dirait, ça va trop loin. On doit pouvoir aller pointer sans risquer d’être étranglé ou criblé de coups ou abattu par balles. Si tous les deux jours, un employé tuait un patron, ce serait un scandale national. Pense à la gueule des gros titres : le patron avait déposé trois plaintes et obtenu un ordre d’éloignement mais l’employé l’a attendu devant chez lui et l’a abattu à bout portant. C’est quand tu le transposes que tu réalises à quel point le féminicide est bien toléré. (p.73)
Sa passion pour les desserts de Michel et Augustin l'a perdu. Il se descend un seau de mousse au chocolat chaque soir en regardant des séries. Plus diverses merdes qu'il ingurgite tout au long de la journée. On se protège comme on peut. Il a mis du gras entre lui et le monde.
Quand on est jeune on croit qu'on cicatrise : elle avait appris qu'on doit s'amputer pour survivre.
L'alcool attaque son foie, le tabac attaque sa langue sa gorge et ses poumons, l'alimentation grasse attaque ses artères - il devait réussir au moins ça dans sa vie : ne pas faire de vieux os.
Comment garder l'espoir, après que l'espoir est mort ? Nous n'avons pas pour vocation d'accueillir toute la misère du monde. Nous avons pour vocation de vivre séparés du monde par des murs. Nous avons pour vocation de vivre entourés de barbelés de militaires de douaniers. Nous avons pour vocation de bouffer du sucre, par tonnes, nous avons pour vocation de détruire des forêts entières pour produire des milliards de rouleaux de papier hygiénique, nous avons pour vocation de déambuler dans des rayonnages saturés et de chérir des objets manufacturés. Nous avons pour vocation de couler des bateaux de migrants avant qu'ils ne gênent le tourisme. Nous avons pour vocation la rigidité le refus de l'accident de nous enduire de protection solaire avant de bouffer des glaces de nous empêtrer dans la Toile en gobant toujours les mêmes idioties, nous avons vocation à compter les espèces disparues, nous avons vocation à dépouiller les vulnérables, nous avons vocation à ingérer des hectolitres de soda. Nous avons vocation au mépris, mépris de tout ce qui est gratuit, de tout ce qui est donné, de la beauté, du sacré, mépris du travail d'autrui, du consentement d'autrui, de la vie d'autrui...
(p. 351-352)
Post-viol, la seule attitude tolérée consiste à retourner la violence contre soi. Prendre vingt kilos, par exemple. Sortir du marché sexuel puisqu'on a été abîmée, se soustraire de soi-même au désir. En France, on ne tue pas les femmes à qui s'est arrivé, mais on attend d'elles qu'elles aient la décence de se signaler en tant que marchandise endommagée, pollué.
Il s'est retrouvé à dix heures du matin à errer dans une rue piétonne du centre [de Barcelone]. Il n'était pas dépaysé : les enseignes sont les mêmes qu'en bas de chez lui. C'est toujours la même merde où qu'on aille.
A-t-on jamais entendu parler de quelqu'un qui fasse un pacte avec un ange ? Jamais. Les anges ne font pas de deal. Le problème de la rédemption, c'est que c'est comme passer du crack à la camomille : on se doute que ça a des vertus, mais sur le coup, c'est surtout vachement moins ludique.
Rien n'est plus intolérable pour une fille, que de voir qu'on a trompé son père – sauf, peut-être, de découvrir qu'il y a cru.
C’est étonnant qu’en 2006, alors que tant de monde se promène avec de minuscules ordinateurs cellulaires en poche, appareils photos, téléphones, répertoires, musique, il n’existe pas le moindre objet qu’on puisse se glisser dans la chatte quand on sort faire un tour et qui déchiquetterait la queue du premier connard qui s’y glisse.
Le viol est un programme politique précis : squelette du capitalisme, il est la représentation crue et directe de l’exercice du pouvoir. Il désigne un dominant et organise les lois du jeu pour lui permettre d’exercer son pouvoir sans restriction. Voler, arracher, extorquer, imposer, que sa volonté s’exerce sans entraves et qu’il jouisse de sa brutalité, sans que la partie adverse puisse manifester de résistance. Jouissance de l’annulation de l’autre, de sa parole, de sa volonté de son intégrité. Le viol c’est la guerre civile, l’organisation politique par laquelle un sexe déclare à l’autre : je prends tous les droits sur toi, je te force à te sentir inférieure, coupable et dégradée.
Marque mes mots : le plus important, c'est la mère. Il ne faut pas faire des enfants avec une meuf sous prétexte qu'elle te fait bander. Ton gamin, sa mère a de beaux nibards, ça ne l'avance pas à grand-chose.
Depuis qu'elle a les cheveux rasés, les mecs sont moins collés à son cul. Mais quand même. C'est toujours les Français les plus lourds. Tout le monde le dit, ici. Tous les gens qui bossent en bar, restau ou musée disent la même chose – les mecs français, c'est les pires. Tu les reconnais à cinq cents mètres. C'est toujours eux qui gueulent en faisant chier le monde. C'est toujours eux qui font chier les filles. Même les Italiens sont moins lourds. Tout est dit.
Ce n'est pas un mac à discours. Il a dit "ça fait du bien d'être là" et c'était déjà un long monologue, venant de lui.