(...); les robinets étaient si vieux qu'aucun plombier n'était jamais parvenu à les serrer assez fort pour les empêcher de goutter, on ne parvenait à convaincre les fenêtres de s'ouvrir ou de se fermer qu'en secouant leurs huisseries, (...).
Le professeur St. Peter se trouvait seul dans la maison démantelée où il vivait depuis son mariage, où il avait connu les différentes étapes de sa carrière et élevé ses deux filles.
C’était bien la route par laquelle Antonia et moi étions passés après être descendus du train à Black Hawk : nous étions tous deux nichés dans la paille deux enfants qui nous posions bien des questions et qu’on emmenait dieu sait où. Il me suffisait de fermer les yeux pour entendre le roulement des chariots dans la nuit et me sentir une fois encore submergé par cette crainte d’envahissante nouveauté. Les sentiments que j’avais éprouvés cette nuit-là étaient si proches qu’il me semblait que, si je tendais la main, j’arriverais à les toucher. J’avais la conviction que je rentrais en moi-même et que j’avais découvert à quel petit cercle se ramène l’expérience humaine. Pour Antonia et pour moi, cette route avait été celle du destin…
« Antonia avait les yeux les plus confiants et les plus expressifs qui soient au monde ; l’amour et la crédulité semblaient vous regarder à visage découvert. » (p. 229)
J'étais complètement heureux. C'est peut-être comme cela que nous nous sentons quand nous mourrons. Nous devenons alors une partie d'un immense tout, que ce soit le soleil et l'air ou le bien et la connaissance. De toute façon, c'est le bonheur ; se dissoudre dans la totalité et l'immensité. Quand ça nous arrive, cela vient aussi naturellement que le sommeil.
Il arrive que des natures aussi violentes que la sienne se retournent ainsi contre elles-mêmes...Contre elles-mêmes et contre les objets de leur idolâtrie.
L'argent protège, comme un grand manteau; il permet de s'offrir la tranquillité, une certaine dignité.
Elle avait l'air d'une vieille femme spirituelle et plutôt méchante qui en voulait à la vie de lui avoir infligé ses défaites et l'aimait pour ses absurdités.
Dites-moi les choses que vous préférez; c'est le meilleur raccourci qui mène à l'amitié.
Il avait été le témoin de la fin d'une époque, du couchant des pionniers.
Il y était entré au moment où, déjà, ses plus beaux feux s'éteignaient. C'est ainsi qu'au temps des bisons, le voyageur découvrait les cendres du feu d'un chasseur sur la prairie, après que le chasseur lui-même eut quitté les lieux; à coups de talons, on avait éteint les braises, mais le sol était encore tiède, et l'herbe couché là où il avait dormi et où son poney avait brouté disait toute l'histoire.
C'étaient les tout derniers moments de cet Ouest qui avait posé les voies ferrées; les hommes qui avaient passé ce harnais de fer aux plaines et aux montagnes étaient vieux; certains étaient pauvres, et même ceux qui avaient réussi étaient en quête de repos, tentant d'arracher un bref répit à la mort.
C'en était déjà fini de cette époque; rien ne la ramènerait jamais plus. Son goût, son odeur et ses chants, les visions que ces hommes avaient eues dans le ciel, et qu'ils avaient suivies, tout cela il ne l'avait guère saisi que dans les lueurs déclinantes qui hantaient leurs visages et cela, à tout jamais, demeurerait sien.
"Aux jours heureux!"
Tel était le toast qu'il prononçait toujours à dîner, l'invocation qu'il ne manquait jamais lorsqu'il prenait un verre de whisky en compagnie d'un vieil ami. Quiconque l'avait entendu dire une fois ces paroles aimait à les lui entendre répéter. Nul autre que lui ne pouvait à sa manière prononcer ces trois mots, avec une telle gravité, une si exquise courtoisie. On aurait dit un moment solennel, quelques coups discrètement frappés à la porte du Destin derrière laquelle se dissimulait l'intégralité des jours de l'existence, qu'ils fussent ou non beaux.
Niel but son vin, l'échine parcourue d'un agréable frisson, en se disant que rien ne faisait paraître la vie si précaire, l'avenir si secret, si insondable, que ce toast rapide dit par cet homme massif : "Aux jours heureux!".
St. Peter s’était toujours moqué de ceux qui lui parlaient de leurs « rêveries », tout comme il se moquait des gens qui avouaient naïvement qu’ils avaient de l’ »imagination ». Toute sa vie, son esprit s’était tourné vers des activités positives. Lorsqu’il n’était pas au travail, ou qu’il ne s’amusait pas ferme, il s’endormait. Jamais sa pensée n’était entre chien et loup. Et voilà que maintenant il appréciait énormément cette espèce d’oisiveté cérébrale semi-éveillée, comme s’il s’agissait d’un nouveau sens qui se manifesterait sur le tard, ou comme des dents de sagesse.