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Critiques de Yaa Gyasi (425)
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No home

C'est un magnifique roman historique que nous livre Yaa Gyasi du haut de ses 27 ans. J'en reste toute songeuse. Les cursus d'écriture créative des universités américaines produisent des auteurs assez fabuleux dès le premier roman !



Depuis le Ghana, puis aux Etats-Unis, avec deux lignées familiales, elle nous raconte sur trois siècles, l'histoire douloureuse de l'esclavage, de la ségrégation, du métissage, et du déracinement avec l'art consommé d'une grande conteuse qui sait évoquer les esprits des ancêtres, le soir auprès d'un feu sur une plage. On entend les accents, on ressent la chaleur de la terre et à quel point pique le coton brûlant sous le soleil de l'Alabama.



Les yeux perdus sur l'horizon, on croit voir les bateaux négriers qui partent du fort vers les plantations, plein de ces corps souffrants . Combien ont été livrés aux Anglais dans les razzias commises dans ces guerres entre Fantis et Ashantis ? Combien sont morts dans ce voyage sans retour ? L'Atlantique est devenu le tombeau de l'Afrique.



On est avec chacun des protagonistes de chaque génération pour vivre avec eux le quotidien du temps, les fractures familiales, l'exploitation insoutenable. Et on découvre une histoire autre qui est en train de s'écrire avec ce merveilleux écrivain, quelque chose d'infiniment plus complexe que ce qu'on a appris, L'esclavage réel qui survit longtemps aux Etats-Unis à la fin de l'esclavage juridique par exemple.



Chaque chapitre est consacré à un descendant d'Effia ou Esi, et le récit ne faiblit jamais, toutes les générations ont quelque chose d'important à apporter, une pierre supplémentaire comme ce bijou qui passe de génération en génération. Les jeunes de notre siècle sont à leur tour des héritiers et des passeurs, ils témoignent du long chemin vers la liberté et sont également des conquérants de l'émancipation à leur façon .



Vous les aimerez tous, j'en suis sûre, comme moi je les ai aimés, ils sont par delà le temps, l'imaginaire du conte et les frontières, une part de notre histoire commune.

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Sublime royaume

°°° Rentrée littéraire 2020 #32 °°°



Sublime royaume surprend d'emblée en abordant la thématique afro-américaine hors des clichés que sa narratrice pouvait suggérer : celui d'une jeune femme noire, Gifty, née de migrants ghanéens pauvres devenue chercheuse en neurosciences après de brillantes études à Harvard et Stanford.



Tout est subtil dans ce roman, à commencer par son évocation du racisme quotidien insidieux dans la Bible belt, Gifty ayant grandi dans l'Alabama, abordé à travers le douloureux personnage du frère, mort prématurément d'une overdose : marchant courbé pour passer inaperçue dans les rayons de Walmart et éviter d'être accusé de vol ; la communauté blanche ne lui prédisant qu'une réussite par le basket sans même envisager qu'il puisse réussir par les études ; cette même communauté trouvant «  normal » qu'il sombre dans la drogue car il est noir et donc prédisposé à ce type d'addiction.



Le personnage de Gifty est tout aussi subtil dans sa quête quasi philosophique d'identité, s'interrogeant sans relâche sur l'âme et sur les traumatismes qui l'ont façonnée ( la mort du frère, la dépression catatonique de la mère qui dort toute la journée, la trahison du père qui a fuit au Ghana ). Elle qui a connu la religiosité juvénile, qui a perdu la foi suite aux tragédies familiales, qui est devenue une jeune femme sceptique, cherche un équilibre dans sa vie pour concilier sa soif de transcendance avec la rationalité scientifique qui guide sa vie. Car la science n'a pas répondu à toutes ses attentes alors que ses expériences sur les mécanismes neuronaux des souris pourraient déboucher sur une solution à l'addiction et à la dépression qui ont détruit son frère et sa mère.



Ce roman ne m'a pas touchée émotionnellement. Sans doute parce que Gifty a une voix tellement intérieure et cadenassée qu'il m'a été difficile de m'y attacher. Mais, malgré son rythme spiralaire très lent, il m'a touchée intellectuellement avec sa réflexion sage et sobre, pudique et claire sur la complexité du monde. Derrière le calme trompeur d'une récit peu spectaculaire, il y a le cri qu'une femme pousse pour trouver sa place au milieu d'identités conflictuelles tout en relevant le défi fièrement qu'en tant que femme noire, elle devrait avoir " toujours quelque chose à prouver et rien d'assez éclatant ne suffirait à le prouver".
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Sublime royaume

Gifty, brillante chercheuse en neurosciences, se débat entre le passé représenté par sa mère, le souvenir d’un frère, doué pour le sport, trop tôt disparu, ses recherches et cette idée de Dieu inculquée si profondément depuis sa plus tendre enfance.

Yaa Gyasi, auteure étasunienne que je découvre grâce aux Explorateurs de la rentrée littéraire 2020 de Lecteurs.com et aux éditions Calmann-Lévy, me laisse une impression mitigée lorsque je referme Sublime royaume, roman dense pour la lecture duquel j’ai éprouvé tour à tour passion et lassitude parce que rien n’avance, rien n’est résolu. J’ai eu, au final, l’impression de tourner en rond alors que les problèmes évoqués sont d’une grande importance.

Dans un va-et-vient constant entre plusieurs époques, l’auteure mêle un peu tout, vie familiale et professionnelle, vie sociale et religieuse, Afrique et Amérique. Elle me fait comprendre tout le mal-être d’une mère déracinée de son Ghana natal, femme dévouée dans son travail d’aide auprès de personnes dépendantes. Elle n’a qu’un fils qu’elle aime plus que tout, plus que cette fille, Gifty, la narratrice, pas désirée du tout.

Ce frère, Nana, prononcer Naaawnaaaw, est plus âgé, réussit brillamment au basket comme le souligne la jaquette du livre. Mais il y a ces fleurs de pavot sans pétales en surimpression et ce nuage qui laissent présager un sort funeste.

Gifty travaille sur le cerveau, expérimente, base ses tests sur des souris et tout cela a un lien, colle bien avec tous les problèmes qui agitent la vie d’une famille noire dans l’Alabama raciste.

L’emprise psychologique des églises évangéliques qui prospèrent aux USA et en Afrique, est bien démontrée. Pour une jeune fille intelligente, désirant comprendre la vie et le monde qui l’attend, le seul interlocuteur proposé est Dieu. Alors, elle lui écrit dans son journal mais n’a jamais de réponse. Même lorsqu’elle aura tiré un trait définitif sur les croyances et les superstitions, elle ne pourra pas s’empêcher d’aller se recueillir dans l’église de son quartier. Pour y trouver la paix ?

La paix qu’elle cherche ne peut s’installer tant la terrible dépression de sa mère, après la mort du frère, obnubile Gifty. Elle est admirable. Elle tente tout mais le souvenir de ce père, le Chin Chin, reparti au Ghana, abandonnant femme et enfants pour se remarier là-bas, n’arrange rien.

Ce Sublime royaume est-il sur Terre ou dans un ailleurs hypothétique ? Il me semble que Gifty peut le trouver enfin mais que de dégâts irréparables causés par ceux qui exploitent la crédulité d’un peuple en manque de repères ! Que de drames la drogue cause-t-elle ! Comment devient-on accro ? Pourquoi il est quasi impossible de s’en sortir ? Les études neurologiques tentent de trouver les circuits empruntés par ces produits dans le cerveau humain afin de pouvoir expliquer et soigner mais le chemin est encore long et complexe comme le prouve Yaa Gyasi dans Sublime royaume.
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No home

ATTENTION COUP DE COEUR

Je veux vous parler d'un roman magnifique, d'un livre qui fait vibrer tous vos sens de lecteurs, qu'on peut difficilement lâcher lorsqu'on l'a commencé.

Le hasard et les bons conseils vous mettent parfois sur le chemin de ce genre de livre. J'ai saisi l'opportunité de découvrir cet ouvrage et au vu du bonheur que j'ai pris à le lire, je m'en félicite.

Milieu du 18ème siècle,  la Côte de l'Or (aujourd'hui le Ghana).

Effia, rejetée et battue par sa mère,  sera mariée  contre son grè à un soldat britannique, commandant du Fort Cape coast. Là,  sont amenés et enfermés dans les sous-sols, les esclaves qui embarqueront bientôt pour de lointaines contrées. Parmi ces esclaves Esi, victime des guerres tribales qui vendent leurs prisonniers au plus offrant.

Ce qu'Effia et Esi ignorent c'est qu'elles sont demi-soeurs.

Deux jeunes femmes, deux destins. Et au-delà de leur propre histoire c'est aussi celle de leur descendance qu'Ayaa Gyasi s'attache à nous faire vivre au travers des siècles, entre ce pays d'Afrique pour la lignée  d'Effia, et l'Amérique pour celle d'Esi.

Ayaa Gyasi a su me toucher avec des mots et un regard simple. Ayaa Gyasi raconte. Elle ne juge pas, elle ne dénonce pas. L'absence d'empathie pour ces personnages est à  saluer, contrairement à  ce que l'on ressent trop souvent lorsqu'on aborde ce genre de sujet, ici, point de larmes, même  si bien sûr l'histoire est terrible et les destins parfois tragiques, on ne sort pas son mouchoir à  chaque page.

L'esclavage et la condition des noirs aux États-Unis ont été  maintes fois abordé dans la littérature. Ici, l'auteure sort des schémas classiques et ne s'attarde pas sur les clichés souvent et facilement exploités.

Ce roman est une histoire d'hommes et de femmes avant tout, c'est l'histoire de leurs racines.  C'est aussi une histoire de l'humanité, une histoire de la vie. La naissance, la joie, la souffrance, la peur, la misère, l'amour, la mort.

C'est superbement écrit,  humainement décrit. Touchant.

Un roman bouleversant dont on devrait entendre parler, en tout cas je l'espère de tout mon coeur de lecteur.

Merci à Babelio et aux Éditions Livres de poche pour ce merveilleux moment de lecture.









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No home

Yaa Gyasi a choisi la fiction pour évoquer de dures réalités : la traite négrière, le commerce, la vente d’êtres humains et ses conséquences sur plusieurs générations. Chaque chapitre est consacré à une génération et à la vie d’un personnage marquant de cette génération, que l’on peut retrouver sur l’arbre généalogique du début.



Yaa Gyasi est née au Ghana et vit aux États-Unis. J’avais envie de découvrir l’histoire du Ghana, en parallèle avec celle des États-Unis, le point de vue des Africains devenus des Afro-Américains. En lisant ce roman, j’ai mieux compris le sens de ce terme et le traumatisme, transmis de génération en génération, qu’il dissimule.





Au XVIIIe siècle, le Ghana est la Côte-de-l’Or. Dans les villages, les guerriers fantis et ashantis capturent leurs semblables et les vendent aux Anglais qui les enferment dans le fort de Cape Coast.



Effia et Esi sont des demi-sœurs mais elles ne se sont jamais connues. Effia sera mariée à un Anglais qui vit dans le fort et Esi sera capturée par des guerriers qui ont pillé son village pour délivrer la fille d’un des leurs, réduite en esclavage. Esi est vendue aux Anglais, enfermée dans un cachot, entassée avec des centaines d’autres femmes, avant d’être envoyée par bateau dans les plantations du sud des États-Unis. Elle survivra aux conditions atroces de détention et de transport mais vivra par la suite un véritable enfer sur terre, ainsi que sa fille Ness.



J’ai cru jusqu’à la fin de ma lecture que No home était le titre original choisi par Yaa Gyasi mais j’ai découvert qu’il s’agissait en fait de Homegoing. Je n’ai pas compris la raison de ce changement. Homegoing me semble en effet plus correspondre au texte. « Retrouver son foyer » disait un commentateur ou une commentatrice. Pourquoi pas ? C’est un peu le sentiment que j’ai eu aussi à la fin de ma lecture. Le final émouvant donne vraiment cette impression.



Ce roman peut se lire de plusieurs façons. Tout d’abord comme un roman historique qui retrace trois cents ans de l’histoire tourmentée des Afro-Américains, avec un parti-pris réaliste, presque naturaliste, un réalisme tragique, parfois cruel, sans s’appesantir toutefois. La construction du récit permet de suggérer sans tout montrer, ce qui, pour moi, est suffisant et permet de garder une intensité émotionnelle assez forte.



Effia aura une descendance qui vivra sur la Côte-de-l’Or, l’actuel Ghana, et Esi, une descendance qui vivra aux États-Unis et connaîtra très souvent le pire.



Chaque chapitre peut presque se lire comme une nouvelle, avec l’histoire d’un personnage qu’on retrouve dans l’arbre généalogique, en alternant les États-Unis et le Ghana, et avec une chute tantôt tragique, cruelle ou source d’espoir.



Yaa Gyasi évoque des points peu connus de l’Histoire Afro-Américaine pour les mettre en lumière et passe au contraire sous silence les sujets habituels, comme la guerre de Sécession par exemple. C’est un choix intéressant et instructif car il donne accès à un autre point de vue, différent et source de questionnement. J’ai appris l’existence du Fugitive Slave Act, loi qui permettait d’arrêter tout esclave présumé en fuite dans le Nord et de le renvoyer dans le Sud, sans tenir compte du nombre d’années écoulées depuis sa fuite. Il y avait aussi la Bloodhound Law qui autorisait la chasse aux esclaves avec des chiens.



« Ils savaient tout ça, pourtant n’avaient-ils pas gagné leur liberté ? Les jours à courir dans les forêts et à vivre sous les planchers. N’était-ce pas le prix qu’ils avaient payé ? » Un prix atroce et cependant insuffisant car, même après avoir subi toutes ces horreurs, il était possible d’être repris et ramené au point de départ pour être torturé et assassiné en guise d’exemple. Plus le châtiment est épouvantable, plus il est dissuasif. Il y a des passages vraiment poignants. Jo a tellement souffert que la guerre civile ne le concerne pas. Il « n’était pas en colère. Il ne l’était plus (…). Si Jo éprouvait quelque chose, c’était de la fatigue. »



La fin de l’esclavage ne change rien, il est remplacé par la ségrégation. H est arrêté sous un prétexte futile et envoyé travailler à la mine alors que les Blancs sont là pour avoir tué un homme.



La lourdeur de ce passé a été transmise à la jeune génération qui peine à s’en libérer. Certains utiliseront la drogue à Harlem pour tenter d’oublier le poids de cette souffrance, de l’exclusion, de l’injustice. Le roman a une dimension sociologique, presque journalistique, comme un reportage qui montrerait de façon réaliste le vécu représentatif de certaines vies brisées, qui essaient cependant de renouer avec l’espoir de s’en sortir. Cette énergie, cette réussite seront incarnées par Yaw et Marjorie, les Ghanéens, et Marcus, l’Américain qui prépare un doctorat de sociologie mais reste tourmenté.



« À l’origine, il avait voulu centrer son travail sur l’ancien système de louage des condamnés, système qui avait spolié son arrière-grand-père H de plusieurs années de sa vie, mais plus il approfondissait la question, plus le projet prenait de l’ampleur. »



J’ai ressenti la même ampleur dans cette œuvre de Yaa Gyasi et peut-être aussi l’envie de traduire dans ses écrits cette « rage intellectuelle » dont parle Yaw, cette envie de se libérer des anciens carcans mais aussi de la peur, du traumatisme qu’elle génère ; l’envie de raconter la réalité vécue sans l’édulcorer :



« Le révérend George Lee, (…) assassiné alors qu’il tentait de s’inscrire pour voter.



Rosa Jordan (…) assassinée à bord d’un bus après l’abolition de la ségrégation, à Montgomery, dans l’Alabama. Elle était enceinte. »



Le final à Cape Coast avec Marjorie et Marcus est, pour moi, la représentation littéraire, symbolique, de la tentative d’émancipation des Afro-Américains : Marcus n’a plus peur de l’eau, de nager dans l’Atlantique où ont sombré les cadavres d’êtres humains jetés à l’eau car ils n’avaient pas survécu aux conditions épouvantables de la traversée. La mer était, pour lui, un cimetière source d’angoisse. Comment se libérer de cette peur et, plus dur encore à avouer, de la peur des Blancs : "Abro Ni" : "méchant homme", "celui qui feint d'être gentil et vous mord ensuite" ?



Homegoing est une lecture intense sur le plan émotionnel, instructive et j’y ai aussi découvert des contes et légendes africains, ainsi qu’une partie fort intéressante de l’histoire du Ghana, que je ne connaissais pas du tout.



Merci à Afriqueah-Francine pour nos échanges au début de ma lecture. Je vous invite à aller lire aussi sa chronique de ce roman.



Je n'oublie pas non plus Miss Fantomette, qui m'avait suggéré cette lecture avec un aimable petit commentaire sur un de mes billets.
Lien : https://laurebarachin.over-b..
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Sublime royaume

A vingt-huit ans, Gifty, chercheuse en neurologie dans un laboratoire californien, a fait le vide dans son existence pour ne se consacrer qu'à ses travaux sur l'addiction. le passé resurgit pourtant lorsque sa mère, dépressive, vient s'installer chez elle. Face à cette femme prostrée qui ne quitte plus sa chambre, Gifty s'interroge et se remémore le parcours de sa famille depuis son départ du Ghana peu avant sa naissance.





Construite en d'incessants aller-retours entre passé et présent, cette histoire est l'infinie quête de sens d'une jeune femme noire en Amérique, alors que, depuis l'enfance, elle a vu sombrer un par un les membres de sa famille. Le récit revient sur les espoirs, puis sur le désenchantement de l'exil, lorsque le racisme, insidieux, mine peu à peu l'équilibre des personnages. le père choisit la fuite, le fils se perd dans la drogue, la mère finit par sombrer dans la dépression. Dans cette débâcle, Gifty réussit de brillantes études mais peine à rassembler les morceaux d'une psyché fracassée depuis son jeune âge. Après s'être détournée de la religion chère à sa mère, en laquelle elle culpabilise de ne plus trouver de réponse, elle a fait de la science le réceptacle de toutes ses interrogations. Pourtant, rien n'apaise son lancinant questionnement sur le « bric-à-brac » de son existence.





Crise d'identité d'êtres traumatisés par un racisme qu'ils ont fini par intérioriser, mal de vivre débouchant sur les extrêmes de la dépression et de l'addiction, insatiable quête de sens entre foi et science, difficultés à s'autoriser une vie affective, mais aussi découverte des étonnantes avancées de l'optogénétique : toutes ces thématiques s'entrecroisent en un subtil questionnement, pour dessiner le portrait tout en nuances d'une femme dont la courageuse résilience ne parvient pas à combler les profondes béances intérieures.





La dignité et la discrétion d'un personnage central qui ne se dévoile que peu à peu et avec réticence donnent au récit la plus grande crédibilité. C'est avec tristesse qu'on abandonne Gifty à sa si pudique détresse une fois la dernière page tournée.


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No home

Il y a les bons, il y a les beaux, et il y a les GRANDS romans. Chaque année, les romans qui me bouleversent dès les premières pages sont à compter sur les doigts d'une seule main. No home est de ceux qui ont en eux la force de changer le regard sur la complexité de notre terrible monde. Ce premier roman de Yaa Gyasi appartient à cette catégorie, j'en suis convaincue. Le succès et les louanges rencontrés lors de sa sortie l’ont confirmé.

C'est une magistrale gifle que j'ai prise en lisant cette fresque afro américaine d'une ampleur incroyable.

Tout d'abord, il y a le charme fou de l’écriture limpide et resserrée pour un roman de survie porté par des personnages complexes et qui se lit pourtant avec beaucoup de facilité. La langue y est ciselée, directe, simple. Je l’ai adorée.



Il raconte l'histoire de deux sœurs africaines à la destinée bouleversante qui étale devant nos yeux incrédules trois siècles d'histoire terrifiante entre Afrique noire et Amérique du Nord.

Du 18e siècle à nos jours en marchant sur les traces des descendants d'Effia et d'Esi du Ghana aux États-Unis, jamais je n'ai rencontré le moindre ennui ou la plus petite lassitude au cours des pages.

Époustouflant par sa forme, formidable pour ses effets sur la lectrice que je suis, No home retrace les stigmates de l'esclavage sur huit générations d'une famille noire à travers deux lignées séparées, l'une restée en Afrique, l'autre déportée aux États-Unis.



La même question revenant toujours dans tous les peuples sur tous les continents " Il y a plus en jeu que l'esclavage, mon frère. C'est à qui possèdera la terre, les gens, le pouvoir. Tu ne peux pas planter un couteau dans une chèvre et dire ensuite « maintenant je vais ôter mon couteau lentement, et il faut que les choses se passent facilement et proprement, qu'il n'y ait pas de dégâts. ». Il y aura toujours du sang. »

C'est une traversée terrible de 250 ans d'histoire raciales, de 1770 à nos jours, dans une grande saga qui pointe pour chaque génération la manière dont la violence et les pressions se régénèrent et instillent la colère et l’incompréhension au creux de chacun. C'est tout un continent qui crie sa rage contre l'occupant blanc et ses manipulations sur certains noirs.



" Le problème de l'histoire c'est que nous ne pouvons pas connaître ce que nous n'avons ni vu ni entendu ni expérimenté par nous-mêmes. Nous sommes obligés de nous en remettre à la parole des autres."

Puisse toujours la littérature nous permettre d’ouvrir nos yeux ainsi.



L'auteur évoque, personnage par personnage, chapitre par chapitre, tantôt la vie côté africain, enfants et descendants feront face aux guerres tribales, contre les Anglais, puis la colonisation et ses retombées. Côté américain, enfants et descendants endureront esclavage, travail forcé, ségrégation raciale, incarcération abusive violence policière, drogue...



J’ai parfois dû poser le livre, quelques heures tant j’étais sonnée par la force des mots, par les faits évoqués.

Et « Effia comprenait alors que la nouvelle placidité de sa mère n'était que temporaire, que sa rage était une bête sauvage momentanément tue ».



En quelques pages j'ai été totalement emportée de mère en fils de père en fille sans jamais perdre le fil de ses destins qui se suivent, se tricotent en partant pourtant d’un siècle qu’on a nommé « le siècle des lumières ». Quelle honte !

Parfaitement rédigée, jamais larmoyant, pas dénonciateur non plus, j’ai adoré ce souffle hors du commun et résolument inoubliable pour moi.

« Tu veux savoir ce qu'est la faiblesse ? C'est de traiter quelqu'un comme s'il t'appartenait. La force est de savoir qu’il n'appartient qu'à lui-même. »



Avec un talent inouï de raconteuse d'histoire cette jeune romancière ghanéenne nous montre aussi que dans cette chaîne de la violence seuls l'amour et l'attachement peuvent faire écran.

Dans une faible mesure seulement.



Quel dommage cependant que l’éditeur français ait choisi un titre français qui dit exactement le contraire du titre anglais original Homegoing !








Lien : http://justelire.fr/no-home-..
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Sublime royaume

Grand moment de cette rentrée littéraire!



La narratrice est chercheuse en neurobiologie et étudie les mécanismes de l’addiction, avec tous les outils magiques pour le béotien, dont disposent les laboratoires pour mettre en évidence les circuits de la récompense. Hasard ou nécessité ? Ce que nous révèle peu à peu Gifty de son passé, des épreuves qui ont secouées sa famille, son frère, son père, reparti au Ghana en les laissant seuls avec leur mère, la lente descente aux enfers de celle-ci, sont autant de confidences poignantes.



On découvre avec les révélations progressives de la jeune femme son rapport ambigu avec la religion, de la foi sans limite, au doute puis au rejet, alors que les traumatismes ordinaires de la vie malmènent les certitudes.



Les combats intérieurs qui se nourrissent de la discordance entre raison et instinct, les petites vies intérieures qui déchirent le cours de la réflexion, le temps qui vient ajouter à la confusion, tous ces aspects sont habilement analysés et proposés dans une démonstration profondément humaine et poignante?



C’est aussi une observation pudique et sensible des relations complexes mère-fille déclinées tout au long d’une vie.



C’est un roman très émouvant et très profond, qui laisse des traces.


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No home

Qui n'est pas à la recherche de ses origines , de sa généalogie ...... thématique très interessante que tout le monde souhaiterai effectuer.

Ce roman dont l'auteure, n'est que YAA Gyasi , une jeune femme .....incroyable ... ce livre est un recueil de données exceptionnel sur le Ghana du 17 ème et sur trois générations.La maturité a cette Yaa Gyasi est impressionnante.

Au 17 ème siècles , deux demi soeurs Effia et Esi qui ne se connaitront jamais . Mais qui connaitrons l'existence l'une de l'autre .

Effia sera mariée à un anglais et vit au cap Coast. elle vit aisément .De son union avec son époux le petit Que , enfant métisse voit le jour.

Esi pendant que sa demi soeur est dans le fort , elle est esclaves à quelques mètre .

La suite du roman est originale et bien pensée car elle reprend chaque descendant soit d'Effia , soit Esi et au fur et mesure des siècles ...3 générations.



Les points forts qui sont évoquées sont les guerres entre tribus , l'esclavage, la traite des humains, les enjeux financiers de toute cette souffrance.

Là encore souffrance physique et psychologique. On note quand même des séquelles surtout dans les premiers chapitres



J'ai vraiment apprécié ce premier roman de Yaa Gyasi , il y a évidemment une recherche importante pour nous donner autant de détails.

Je ne connaissais pas l'histoire du Ghana et bien je suis satisfaite .



Je ne peux que vous recommander ce livre .





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No home

« Comment expliquer à Marjorie que ce qu'il voulait capter avec son projet était la sensation du temps, l'impression d'être une part de quelque chose qui remontait si loin en arrière, qui était si désespérément vaste qu'il était facile d'oublier qu'elle, lui, chacun d'entre nous, en faisait partie – non pas isolément mais fondamentalement. [...] [Les ancêtres de Marcus] avaient tous fait partie de leur temps et [...] Marcus était une somme de ces époques ».



La somme de ces époques, c'est ce qu'est « No home », qui raconte, génération après génération, 250 ans de l'histoire de deux familles noires, issues de la même ancêtre.

Tout commence à la fin du 18ème siècle, en Côte-de-l'Or (le Ghana actuel). Maame, d'origine ashantie, est l'esclave d'un notable de la tribu fanti, dont elle a eu une fille, Effia. A la suite d'un incendie, Maame s'enfuit, en abandonnant son bébé. Quelques années plus tard, mariée à un Ashanti, elle aura une autre fille, Esi. Effia et Esi ne se rencontreront jamais, mais les deux demi-soeurs se sont pourtant trouvées brièvement au même endroit (le fort de Cape Coast) au même moment, mais dans des conditions de vie bien différentes, Effia offerte comme épouse au capitaine anglais du fort, Esi vendue comme esclave, enchaînée dans un cachot du même fort, quelques mètres sous les pieds d'Effia, attendant d'être embarquée sur un bateau négrier à destination des Etats-Unis et de leurs champs de coton.

Le roman se poursuit en abordant un nouveau personnage dans chaque chapitre, en suivant l'arbre généalogique, sautant alternativement de la branche descendant d'Effia à celle d'Esi. De la lignée restée en Afrique et qui décide à peu près de son destin, à celle qui prend souche malgré elle aux Etats-Unis, on passe des « arrangements commerciaux » entre esclavagistes européens et africains aux rivalités entre tribus, des plantations et des coups de fouet à l'abolitionnisme, de la guerre contre les Anglais à la colonisation, des mines de charbon à l'arbitraire et aux violences policières, puis à Harlem qui devient peu à peu un ghetto de junkies.

Esclavage et racisme sont les fils conducteurs, et si le premier a aujourd'hui disparu aux USA, le poison du deuxième continue à en imbiber les cicatrices et à peser encore et toujours sur le quotidien des Afro-américains (« la somme des époques », disais-je).

« No home » (qui est la bizarre « traduction française » du titre original « Homegoing ») est donc une fresque romanesque qui couvre presque trois siècles d'une histoire incroyablement douloureuse, indigne de l'Humanité, et d'autant plus poignante qu'elle est ici écrite avec poésie, sans pathos et sans manichéisme. Devant une construction aussi maîtrisée et documentée et devant un tel talent de narration, on s'étonne qu'il s'agisse d'un premier roman.

Le projet était ambitieux, le résultat à la hauteur, et Yaa Gyasi une romancière à suivre.
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No home

«  Comment un homme noir aurait- il eu envie de nager?

Le fond de l'océan était déjà jonché d'hommes noirs... »



A quoi bon un message de plus ? Tout a été dit déjà ....Et pourtant ...



Quelle performance que cette magnifique saga historique écrite avec brio par Yaa Gyasi , jeune auteure de vingt-sept ans faisant voyager le lecteur entre Afrique et Amérique , elle - même née au Ghana avant d'émigrer aux États - Unis dés l'âge de deux ans .

Que d'émotions , pour nous , lecteurs !

Un roman où chaque personnage recèle une histoire passionnante et prenante, chaque chapitre intelligemment construit concentrant un petit roman . Un bout de la grande Histoire ....



Au travers de deux longues lignées sur près de Trois siècles elle conte l'histoire ô combien douloureuse, de l'esclavage, du métissage, de la ségrégation , du déracinement , des meurtrissures à vie de personnes même éduquées inlassablement jugées pour la couleur de leur peau .

Effia, battue par sa mère mère Baaba épousera un soldat anglais contre son gré , James Collins, commandant du fort de Cape Coast....

Or, dans les sous- sols étaient enfermées, enchaînées d'une manière inhumaine des esclaves embarquant assez vite pour de lointaines contrées ....

Parmi elles Esi, victimes des guerres tribales et vendue au plus offrant .....la soeur d'Effia.

Les captifs seront expédiés en Amérique vers les champs de coton jusqu'à Harlem ...

Les descendants d'Effia métissés , éduqués, souffriront eux aussi .....

Ness , la fille d'Esi , portait les plus épouvantables cicatrices de fouet, H , le fils d'Anna et Kojo avait été enchaîné à dix autres hommes et vendu par l'état d'Alabama pour travailler dans les mines de charbon pas loin de Birmingham ...



La traite des esclaves en Afrique et la ségrégation des noirs en Amérique rappelle au lecteur avec une grande dignité les Injustices de l'Histoire, celui des crimes commis au nom de la suprématie supposée des Blancs ...



Un voyage époustouflant au coeur de cette fresque qui conte et ( cela rappelle la grande Toni-Morrison) la barbarie , l'indignité poignante , révoltante qui fait de ce pavé un roman ambitieux , un coup de coeur pour moi.

L'écriture est ample, limpide, ciselée, sans pathos ni fioriture, la construction maîtrisée, la documentation impressionnante , la portée universelle ....l'auteure conte avec naturel et chaleur humaine ....

Une histoire forte de racines, de souffrances, d'amour, de mort , de survie , de misère humaine, de courage, de déracinement, inoubliable, bouleversante, unique ...

Un premier roman en plus !

Lisez - le .





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No home

La nuit où naquit Effia, le feu ravage les ignames de son père.

Abandonnée par sa mère, maltraitée par la femme de son père, la petite fille est mariée à un soldat anglais et mène une existence confortable dans le fort de Cape Coast.



L'histoire se poursuit dans le feu des armes et la colère des hommes ; on est au temps de la colonisation de l'Afrique, des guerres tribales, du commerce d’êtres

humains.



Cette histoire-là est celle d'Esi, la demi-soeur qu'Effia ne connaîtra jamais, enfermée dans les cachots du fort de Cape Coast en attendant son départ pour les plantations des Amériques.



Chaque chapitre invite ensuite le lecteur dans la vie d'un fils, d'une arrière-petite-fille, d'un arrière-arrière-arrière-petit enfant d'une de ces deux femmes aux destinées contrariées.



De Quey, fils métisse d'Effia, impliqué à la suite de son père dans le commerce d'esclaves; à Marcus qui, à la fin du XXème siècle, entame une thèse de doctorat à l'université; cette multitude de récits aborde les sujets universels de la famille, de l'héritage et de la filiation, mais aussi les thèmes plus graves de l'esclavage, du racisme et de la violence sociale.



Dans une langue émotive, puissante, pleine d'images colorées comme la terre d'Afrique, dans ces échanges incessants entre les personnages et les époques, Yaa Gyasi dessine avec finesse des sociétés qui entrent peu à peu dans la modernité.



Cette belle mosaïque, où chaque chapitre est un roman en soi, est un livre comme je les aime: de ceux qui nous font découvrir de nouveaux horizons et de nouvelles perspectives sur le monde.



Une très belle lecture.

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No home

En 1760, le Ghana est appelé La Côte-de l'Or.

Au début du roman l'auteure nous dresse un étrange arbre généalogique séparé en deux branches dont les origines remontent à Effia et Esi, deux demi-soeurs qui ne se connaîtront jamais.

Effia deviendra l'épouse du capitaine anglais du fort de Cape Coast. Capitaine qui pour la petite histoire, est marié en Angleterre mais y vit si peu. Elle a un fils qui sera envoyé en Angleterre pour y faire ses études et reviendra au Ghana.

L'auteure nous montre que ces enfants issus de mariages mixtes ne sont pas reconnus comme Ghanéens dans les villages avoisinant le fort.

J'ai été très étonnée que les populations autochtones faisaient du commerce d'esclaves avec les Anglais pour enrichir leurs villages.

Esi, sa demi-soeur, sera vendue comme esclave et nous suivons la lignée de ses descendants comme esclaves éprouvant toutes les peines du monde à retrouver leur liberté. On les retrouve en Alabama dans les champs de coton, dans les mines, dans les chantiers navals.

Tout au long de ces trois siècles, on vit la guerre de Sécession, l'ignorance des lois d'abolition de l'esclavage par le peuple américain.

Chaque chapitre constitue un petit roman à lui tout seul car les chapitres sont consacrés tout à tour à une personne de l'arbre généalogique en alternance. Pas de difficulté pour effectuer les liens entre eux grâce à l'arbre fourni par l'auteure.

J'aurais aimé avoir les dates à chaque début de chapitre : je me suis débrouillée avec le fait qu'un génération dure plus ou moins trente ans et aussi avec les évènements historiques.

Un très beau premier roman qui nous amène à encore plus respecter le peuple ghanéen, africain en recherche de respect, de liberté et de droit à une vie digne , tranquille.

Même si j'ai lu pas mal de romans sur l'esclavage, les combats des années 1960 avec Martin Luther King et d'autres, celui-ci offre encore un autre point de vue qui amène à encore plus d'empathie.

"No home" pour les enfants de mariages mixtes restés au Ghana.

"No home" pour ces personnes d'origine africaine arrivées en Amérique.

Le livre est paru en 2016 aux USA sous le titre "Going home"

La traduction en français par Anne Damour est de grande qualité et très certainement l'écriture en langue originale. L'une ne va pas sans l'autre.

Encore une pépite découverte grâce à mes ami(e)s babeliotes.





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No home

Avec une couverture attrayante et des centaines d'avis positifs sur Internet, je ne voulais pas passer à côté de No home. En effet, j'avais été intéressée par cet ouvrage dès sa sortie en librairie, en lisant le résumé.



Et l'histoire, que raconte-t-elle ? Nous sommes au XVIIIème, au Ghana, au moment de la traite des esclaves. Deux soeurs qui ne se sont jamais rencontrées vont avoir un destin complètement différent : Effia va se marier avec un anglais et aura des enfants métisses, tandis qu'Esi, prisonnière, va être vendue, parmi tant d'autres.



À partir de là, nous allons suivre leurs destins et ceux de d'autres membres de leur famille, génération après génération. Ainsi, nous allons suivre quatorze protagonistes à un moment de leur vie, toujours à des époques différentes.



Ce schéma narratif permet d'introduire des temps variés dans le récit, et de voir comment l'esclavage a influencé la vie de chacune de ces personnes issues de la même lignée et originaires du Ghana. Malheureusement, j'étais plutôt frustrée de ne pas pouvoir suivre plus longtemps les individus présentés par l'autrice.



En effet, j'aurais aimé en apprendre plus sur leur vie, et je trouvais que parfois, les chapitres qui leur étaient consacrés étaient trop courts, ne nous laissant pas le temps de nous imprégner de leur histoire. De ce fait, j'avais un peu de mal à entrer dans le roman.



Malgré ce bémol, j'ai bien aimé le style d'écriture de Yaa Gyasi, où j'ai trouvé, d'ailleurs, de très jolies citations. Pour un premier roman, elle a fait fort, autant dans le sujet traité que dans la rédaction. Seulement, ce changement permanent de protagonistes ne m'a pas convenu.



C'est un beau roman qui traite de l'esclavage et de la ségrégation, sans pour autant nous tirer des larmes à chaque page. Ce livre est prenant, même si j'étais déroutée par tous les changements de personnages, de lieux et d'époques, il n'en reste pas moins intéressant.
Lien : http://anais-lemillefeuilles..
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No home

No home commence par un arbre généalogique inversé, celui de Maame, une jeune Ashantie du XVIIIè siècle. Tout comme leurs ennemis héréditaires les Fantis, les Ashantis sont une ethnie de ce qui s'appelait à l'époque la côte-de-l'or et s'appelle aujourd'hui le Ghana.



Maame a donc eu 2 filles, Effia et Esi, qui ne se sont jamais connues et ont eu des destins très différents. Effia a été mariée au capitaine anglais qui supervisait le trafic des esclaves, tandis qu'Esi est devenue une esclave. Cela signifie-t-il qu'Effia a eu une vie et une descendance heureuses ? Et Esi une vie et une descendance tragiques ?



Non et oui. Car l'esclavage a fait des ravages partout. Chez les esclaves eux-mêmes, bien sûr, traités comme du bétail sur les bateaux comme aux Etats-Unis. Chez leurs descendants aussi, qui gardent en mémoire tous les sévices atroces racontés de générations en générations, et qui peinent souvent à trouver leur place dans l'Amérique du XXIè siècle.



Mais les tribus africaines qui vendaient des esclaves n'ont pas été épargnées non plus. Là aussi, il y a eu des traumatismes, de la honte, des guerres, des violences, des haines. Et les générations d'après n'ont pas eu la vie douce et tranquille que leurs parents leur souhaitaient.



C'est cette effroyable histoire de l'esclavage que retrace No home sur 8 générations, 250 ans et 2 continents. Un livre puissant, terrible et passionnant écrit par une ghanéenne de seulement 27 ans.
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No home

Deux sœurs, deux destins déchirés. Elles sont noires, la vie les sépare sans même qu'elles se connaissent et chacune doit endurer les affronts d'être née noire. Un destin subi, une même peine, une même souffrance, qu'elles transmettront sans le savoir à leur descendance. Leur destinées parallèles finiront malgré tout par bifurquer et les coïncidences (ou pas?) de la vie les feront se croiser à nouveau grâce à la rencontre de Marjorie et Marcus.

Se peut-il qu'il subsiste en chaque Noir aujourd'hui les traces des souffrances d'hier auxquelles s'ajoutent, trop souvent malheureusement, les souffrances d'aujourd'hui ? Je le crois oui, je crois ressentir cette souffrance, ces siècles de violences empilées comme des cicatrices sur les vies d'aujourd'hui. Mais comme le dit le personnage de Marcus à propos du travail forcé des Noirs emprisonnés sans raisons, "C'était une chose de faire des recherches sur un sujet, une autre, ô combien différente, de l'avoir vécu. De l'avoir éprouvé."

J'entends souvent des Blancs dire que l'esclavage est loin, que les Noirs pourraient tourner la page, que le racisme n'est pas partout. Je comprends ce point de vue mais il me paraît trop simpliste car ce serait oublier que chacun d'entre nous porte le poids de l'héritage ancestral car, consciemment ou inconsciemment, cet héritage influe sur nos vies. Yaa Gyasi le démontre brillamment dans ce livre à travers neuf générations marquées de façon indélébile par l'esclavage. Le récit de ces vies, parfois brisées toujours abîmées, est parfaitement maîtrisé et, qui plus est pour un premier roman, je suis baba d'admiration.
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No home

L’écrivaine, 27 ans, a mis quatre ans à faire ce roman basé principalement sur l’esclavage. Il en ressort un travail de qualité pour le respect du lecteur qui lui retourne bien. Fresque de deux familles sur trois siècles. C’est par une nuit d’incendie qu’une femme noire doit abandonner son bébé. Elle aura une autre fille dans un autre village. Les deux sœurs ne se connaîtront jamais. On va suivre leurs descendances sur une trentaine de pages pour chacun. Mon chapitre préféré est celui du mineur. Je me pose la question est-ce un courant nouveau que le lecteur sache les liens entres les personnages sans qu’ils le sachent eux-mêmes ? Deuxième livre (Générations de Paula McGrath) presque de suite que je lis avec ce même procédé. Lu grâce aux critiques de ceux qui se reconnaîtront.
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No home

Pour arriver au couple que forment aujourd'hui Marcus et Marjorie, deux afro-américains, il faut remonter le temps pour comprendre comment leur rencontre a pu avoir lieu. Il faut revisiter l’histoire. Les histoires de deux pays et de deux peuples. Il faut se tourner vers le Ghana d’abord à l’heure où les premiers hommes noirs ont été arrachés à leur terre natale pour servir de main d’oeuvre, ou plutôt de bêtes de somme, aux propriétaires de grandes exploitations de coton américaines. Il faut retrouver l’histoire de la traite négrière au coeur du XVIIIe siècle. Mais d'abord, Il faut découvrir l’histoire d’Effia et d’Esi, deux soeurs nées de la même mère mais aux destins bien différents quoique bien marqués chacun par les évènements.



Voilà un roman palpitant, admirable, ambitieux, de haute valeur historique et humaine. Voilà les traces laissées par les déracinés qui retrouvent grâce à la plume de Yaa Gyasi une consistance, une vie, une aura. Qui retrouvent une place, leur place dans l’Histoire. Un beau, un très beau roman.




Lien : http://mespetitesboites.net
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No home

Premier roman d'une très jeune femme, qui a grandi aux États Unis, No home commence à la fin du XVlll siècle, au Ghana, et couvre 2 siècles à travers deux histoires parallèles, dont nous apprendrons qu elles sont liées : deux demi soeurs, qui ne se connaîtront jamais, et deux destins.

L'une maltraitée par sa mère, a grandi dans le pays Fanti , près de la mer et se marie au gouverneur anglais du fort de Cape Coast, l' autre, fille d'un chef Ashanti , dans l'intérieur des terres, est capturée et mise en esclavage comme bien d'autres et aboutit dans les caves de ce même fort, puis doit passer la « porte de non retour », sinistre porte.

Nous sommes en Afrique, là où les guerres entre deux branches d'un même peuple, les Akans, se font la guerre , prennent des prisonniers, les vendent aux Anglais ou aux Hollandais, selon le bénéfice apporté.

Puis en Amérique, où l'esclavage réel a été remplacé par une autre persécution, le Fugitive Slave Act de 1850.

L'important est ailleurs cependant .

Yaa Gyasi arrive , à travers l' histoire , la généalogie de ces deux familles, (facilitée par un arbre auquel on se réfère sans cesse, puisque chaque chapitre porte un prénom )ainsi que de leurs liens que nous seuls lecteurs connaissons, à nous faire vivre dans ces villages africains, leur parler basé sur la nature, leur humanité et leur responsabilité vis à vis de l'esclavage. Et ensuite dans cette Amérique raciste, qui évolue cependant.

C'est un roman magique, chaque personnage est décrit d une façon inoubliable, chaque époque dans les deux continents est typée, ceci sans grand effet de phrases élaborées. Une vraie écriture, une voix, pas de mélodrame ni de poésie ni d ‘intervention de l ‘auteur.



A t elle écouté ses ancêtres lui raconter l ‘histoire de sa famille? On se croirait en effet autour d'un feu écoutant les anciens, ne voulant plus faire qu ‘écouter, ravis et émerveillés, redoutant la fin de l'histoire, en regardant le feu.

Le feu qui a une importance primordiale, car celui qui embrase la forêt à la première page hantera toute la lignée. Feu et eau, symboles de l amour physique « mon mari me regardais comme si j'étais de l'eau et lui du feu, et chaque soir il fallait éteindre l'incendie. »

Feu et eau, qui se retrouvent aussi dans les dernières pages.

Chef d'oeuvre , absolu chef d'oeuvre.
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Sublime royaume

Un roman aussi singulier que prenant , qu'on ne peut pas lâcher! Au final… captivée, intriguée… étonnée d'un récit aussi dense, avec mille questionnements sur le sens d'une vie, j'ai fait traîner ma lecture.



Un texte incroyable d'une jeune auteure ghanéenne que j'avais choisi en décembre 2020…dont je reprends aujourd'hui avec bonheur la lecture !

L'histoire débute avec la narratrice, chercheuse en « neurobiologie » qui doit accueillir chez elle sa mère profondément dépressive et apathique…après la mort de son fils aîné ! elle, qui fut toujours sur-active et combattive…



La narratrice , Gifty, au fil de son quotidien de « chercheuse » et de sa vie privée de célibataire, s'occupant de sa « maman fragilisée et dépendante, va remonter le temps et évoquer l'histoire de sa famille ghanéenne, de son enfance avec son grand frère, la vie de famille…



Un couple ghanéen venant d'avoir un petit garçon, « Nana » ; la maman , pour lui offrir une meilleure vie réussit à décider son époux d'émigrer aux Etats-unis ; une petite fille , Gifty, naîtra après, notre narratrice. Une famille ghanéenne heureuse, qui se bat pour s'intégrer à son nouveau pays, en dépit du racisme ambiant, jusqu'au moment où la famille commence à se fissurer avec le départ du père, voulant retourner dans son Ghana natal qui lui manque de trop… Ils se retrouvent à trois ; Nana se lançant dans la compétition sportive, adolescent brillant, aimé…il subit une blessure sérieuse, en prenant des calmants puissants pour l'aider, il devient addict… le début de sa dégringolade jusqu'à l'issue fatale. La famille se réduit au fil des deuils et des épreuves : seules restent la maman et la fille cadette, qui poursuivent leur chemin, comme elles peuvent !



Un style agréable…fluide, des questionnements multiples se croisent : comment construire son existence, sans les êtres aimés ? ; l'inné, l'acquis, la complexité du cerveau humain, vivre en accord avec soi, la difficulté de « vivre dans ce monde », etc.



« Il me fallut bien des années pour admettre qu'il est difficile de vivre dans ce monde. Je ne parle pas de la mécanique de la vie, car pour la plupart d'entre nous, nos coeurs battent, nos poumons aspirent de l'oxygène sans que nous ayons à le leur dire. Pour la plupart d'entre nous, mécaniquement, physiquement, il est plus dur de mourir que de vivre. Pourtant, nous bravons la mort. Nous roulons trop vite sur des routes sinueuses, nous faisons l'amour sans protection avec des inconnus, nous buvons, nous nous droguons. Nous essayons de demander un peu plus à la vie. Il est naturel de se comporter ainsi. Mais être en vie dans le monde, chaque jour, tandis que nous recevons chaque jour davantage, tandis que la nature de ce que « nous pouvons supporter » change et que nos façons de le supporter changent également, c'est une sorte de miracle.”



Deux visions , deux quêtes pour affronter la vie, lui trouver un sens, celle de la mère et celle de la fille : La religion [dont la mère de la narratrice est habitée ] et la Science [ qui motive notre « héroïne », pour comprendre la mort de son frère à cause de son addiction à la drogue ]

Notre « protagoniste » est tiraillée , de par son éducation religieuse, et la foi chevillée au corps de sa mère, par Dieu, de l'autre, par la recherche scientifique, et plus spécialement la neurologie : une passion-obsession qui englobe son besoin de comprendre l'addiction soudaine de son frère et sa mort ainsi que l'état dépressif de sa mère, sa volonté de comprendre sa maladie : «l' Andhédonie », maladie intense de la dépression, « sentiment du « rien » qui faisait que sa mère ne quittait pas son lit… en dépit de ses propositions et ses encouragements. Elle passe , hormis ses soins à sa mère, ses journées au laboratoire… est plus à l'aise avec « ses » souris qu'avec ses congénères !

"Tu passes plus de temps avec les souris du laboratoire qu'avec des gens. Tu sais que ce n'est pas sain, hein ," me lança-t-il un jour.

Comment lui expliquer que le temps que je passais seule dans mon laboratoire était pour moi une façon de passer du temps avec des gens ? Pas exactement avec eux, mais de penser à eux, de communier avec eux au niveau de l'esprit, ce qui me paraissait aussi intime que n'importe quel dîner ou nuit passée à boire des verres. Ce n'était peut-être pas sain, mais d'une manière abstraite, il s'agissait de recherche pour améliorer la santé, cela ne comptait-il pas ? (p. 339)



Encore des tas de choses seraient à dire, mais ce roman très singulier apporte plus de questions que de réponses…J'allais omettre les détails des traditions, usages ghanéens, Les Etats-Unis , la nouvelle terre d'adoption de cette famille, prenant la part la plus large du récit.

Une écrivaine dont je retiens le nom et l'originalité du ton et des sujets abordés…



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