Citations de Éric Giacometti (796)
Emil secoua la tête. Si la peur l’avait d’abord submergé, il était parfaitement lucide désormais.
- Aucun des sultans qui se partagent la Terre sainte ne possède de telles unités de combat.
- À moins que ce ne soient des schismatiques…, répliqua Montfort.
À la différence de beaucoup de croisés qui se contentaient de mépriser et de maudire les musulmans, les frères du Temple avaient, eux, une curiosité inlassable envers leurs adversaires. Langnau comprit aussitôt l’allusion. De même que les disciples du Christ étaient divisés en latins, grecs, égyptiens, éthiopiens, chaldéens, arméniens… chacun pratiquant son propre rituel, les musulmans étaient traversés par différents courants religieux, parfois aussi antagonistes que fanatiques.
- … Sauf que je ne connais aucun groupe musulman capable de monter une telle opération meurtrière, reprit Langnau. Il faut une volonté d’exception et une discipline de fer.
Plus près du transept, un groupe compact de Coptes – des chrétiens d’Égypte – se ruaient sur une colonne qu’ils baisaient avec ardeur.
- Selon la tradition, Marie, la mère de Dieu, a laissé son empreinte sur la pierre, expliqua gravement Emil en faisant un signe de croix.
Al-Seif se tint coi. Comment Dieu pouvait-il avoir une mère ? Comment des hommes sensés pouvaient-ils croire pareille folie ? Son étonnement tourna à l’effarement quand il vit une longue cohorte de pèlerins avançant à genoux. Leurs vêtements étaient misérables, leur visage buriné par la fatigue, mais dans leur regard brillait une lueur extraordinaire. Celle de la foi.
- Dieu seul sait combien d’épreuves ils ont dû traverser pour venir se recueillir ici…, dit Emil avec une émotion sincère.
Il montra une porte basse à gauche du transept.
- Venez, nous sommes attendus.
Ils étaient à nouveau plongés dans les ténèbres. Un souffle retentit tout au fond du tunnel. Et une lumière apparut. Blanche, irradiante. Elle fonçait vers eux et grossissait à vue d’œil dans un bruit de tempête. Ils sentaient un vent les fouetter. La lumière devint distincte, c’était un chiffre. Le 8, couché. Il y en avait des centaines qui se suivaient. Marcas le reconnut tout de suite. C’était le signe de l’infini.
Le savent connaît l’ignorant, parce qu’il le fut, mais l’ignorant ne connaît point le savant, parce qu’il ne l’a pas été.
A l'évidence, le nazisme musclait le bras mais atrophiait le cerveau.
P 168
Parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler sont les deux principes majeurs et rigoureux de tous ceux qui feraient mieux de la fermer avant de l'ouvrir.
Tristan ne se fit pas prier. Il se coula entre la chair tendre des cuisses et vint s’abreuver à la source de toutes choses.
Marie, elle, leur trouvait un autre charme : celui d’une virilité hautaine et affirmée. Tout le contraire des petits intellectuels français qu’elle fréquentait avant, falots et minables. Dès l’entrée des Allemands à Paris, elle avait choisi sa collaboration. À géométrie variable : souvent verticale et parfois horizontale.
La Nuée. Il est dit dans le texte que la race des anges déchus sera comme une nuée invisible aux yeux des hommes. Une Nuée chargée de protéger les hommes.
— Depuis la nuit des temps, cette vallée perdue est notre refuge, notre royaume. Depuis toujours, c’est ici que nous avons réussi à échapper aux persécutions pour affirmer toujours plus haut notre mission. Regarde entre les pierres.
Bashir se pencha et sursauta comme s’il avait été mordu par un serpent. Tout le long du mur, de profondes niches étaient creusées et chacune contenait un crâne dont les orbites creuses contemplaient fixement l’éternité.
— Ici reposent dans la paix du Savoir tous nos prédécesseurs. Et c’est là que toi aussi tu finiras. D’ailleurs ta place est déjà prête.
- Je croyais que la France était votre alliée à l'époque.
- Une bien curieuse alliée. Elle nous a ouvert ses frontières pour échapper à Franco, mais pas question de laisser en liberté une armée en déroute avec son cortège de familles apeurées. Elle nous a internés dans des parcs à bestiaux où notre sort dépendait de l'humanité de ses commandants. A Collioure, manque de chance, c'était le capitaine Raulet qui officiait. Un légionnaire, admirateur du caudillo.
P 417
Neuman fronça les sourcils. Intellectuel et nazi... Quel sinistre oxymore, songea-t-il.
P 21
Un mois avant les événements, son propriétaire a fait casser les murs pour en faire un loft. La totale, béton ciré au sol, cuisine américaine, mise en étanchéité de tout l'appartement et suppression des conduites de gaz remplacées par l'électricité. Résultat : c'est le seul appartement non relié aux anciennes conduites.
Dans cette guerre, la vie elle-même est devenue plus étrange que la mort.
L'Anglais contempla les champs qui bordaient les bois aux alentours. Tout était blanc. Ce n'était pas de la neige, mais une mince couche de givre qui nappait la terre à perte de vue. Comme au fin fond du Surrey ou du Pays de Galles. Il se rendait compte qu'il n'avait jamais associé le froid à la France. Avant la guerre, il traversait la Manche pour se rendre à Paris ou sur la Côte d'Azur, pas dans un coin paumé de la Gironde. Pour lui, la France se devait d'être joyeuse, ensoleillée et verte. Désormais, elle se peignait en gris et en kaki, les couleurs du désespoir, et se déchirait en deux, du lac Léman jusqu'aux contreforts des Pyrénées.
Tu as eu la main lourde sur la teinture, patron ! On dirait un mafieux du New Jersey.
Ce bar est aussi désespérant qu'une caserne.
Joseph était sidéré. Il devait déjà subir les interminables discours d'Hitler sur les bienfaits des flocons d'avoine... Et maintenant, Himmler allait lui chanter les louanges du chou fermier et de la rave élevée en pleine terre.
Waow ! Je suis tombé sur le roi des comiques !
Son interlocuteur passa de Dante à Molière dans le moindre effort.