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Expert poésie

Cet insigne distingue les amoureux des pieds, qui ne négligent pas la prose pour autant.
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La dernière harde

Maurice Genevoix a déjà obtenu le prix Goncourt avec Raboliot, en 1925, lorsqu'il publie, en 1938, La dernière harde, magnifique histoire d'un grand cerf et d'un piqueux portant fort bien son patronyme, La Futaie.



Raboliot, c'était le braconnier, La Futaie, lui agit en toute légalité dans ce duel avec le grand cerf, ce cerf qu'il observe, par lequel il est lui-même observé, jusqu'au moment où la chasse devra le conduire à l'hallali.



Mais, au-delà du cerf et de la chasse, c'est encore la nature que Maurice Genevoix célèbre, particulièrement avec la forêt, l'enveloppant tout entière de son écriture parfaite, poétique, douloureuse et amoureuse, celle des très grands écrivains, ceux que l'on ne peut hélas plus rencontrer aujourd'hui. Genevoix décrit tous les mystères de la forêt avec ses laissées, ses odeurs et ses sons, et on apprécie si on aime la nature si bien sanctifiée par un auteur qui la connaît par coeur.



Ce roman peut être mis en parallèle avec La grande meute de Paul Vialar, texte tombé dans l'oubli aujourd'hui, il y a tellement de points communs dans ces deux oeuvres. Vialar n'avait probablement pas le sens poétique de Genevoix mais il partageait avec ses lecteurs la même passion de la vénerie, les mêmes émotions lorsque les chiens s'apprêtent pour la curée.



La dernière harde emporte avec ce magnifique cerf tout l'art d'un immense auteur, l'homme aux trente mille jours qu'il a vécus intensément et transmis à travers toute son oeuvre.
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La poésie est invincible

Ce 3 mai, Abdellatif Laâbi a reçu le grand prix international de poésie en langue française Georges Mailhos, prix décerné par l’Académie des jeux floraux de Toulouse qui fêtait aussi ses 700 ans d’existence. Car oui, la poésie est toujours là, bien ancrée dans nos vies, et le dynamisme et la longévité de l’académie des Jeux floraux en sont la preuve.



L’importance de la poésie, c’est bien là le propos d’Abdellatif Laâbi qui n’a jamais cesser de la lire, de l’écrire et de la proclamer.

Dans ce recueil où il « feuillette » sa vie, il revient sur cette période sombre de la prison.



« Aux huit années et quelques

Que j’ai passé en prison

Il va falloir ajouter

Une neuvième

Celle qui s’achève

Et que j’aurai purgée

" librement " ! »



Avec un humour parsemé de dérision, il nous donne de petits instantanés de présent, se moquant de lui-même et des hommes en général dont il dit : « L’homme est un accident de la vie sur terre. »

Entre malice et ironie, ce patchwork de pensées et de poèmes est d’une grande humanité. Malgré l’adversité, malgré la peur, il célèbre la vie et l’on trouve toujours dans ses textes cette lueur d’espoir qui nous permet d’aller de l’avant.

Mais, il l’écrit et le proclame, la poésie ne se rend pas



« alors,

Qu’on se le dise

Haut et fort

Ici et partout

Aujourd’hui

Et dans les siècles des siècles :

Oui

La poésie est invincible ! »



Oui, la poésie sera toujours là, bien vivante, rien ne peut l’arrêter, elle vit pour dire le monde. Lions, lisez Abdellatif Laâbi pour que vive la poésie.



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Promesses

Je remercie Nombre7 Editions pour l'envoi de ce recueil de poèmes, traduits du roumain par Gabrielle Danoux (alias Tandarica sur Babelio).

Promesses d'Ovidiu Baron nous emmène de ville en village, d'une promesse à l'autre, d'une ombre à un mot, d'une odeur à une voix, d'un brin de sagesse à un rayon de lumière.

C'est à la fois ancré quelque part et vaporeux comme un ciel. Arachnéen. On lit du bout des doigts, on chuchote. On ne connait pas les lieux ni les temps, pourtant on reconnaît comme si on avait déjà marché là, funambule entre les lignes. On écoute. Une identité se dessine, elle est la mienne, elle est la tienne, peu importe du moment que chacun conserve son idée, avec parfois quelques lambeaux d'une autre accrochés à son manteau, parce qu'on les a choisis en chemin.

Ce sont des poèmes de la couleur de ceux de Thierry Metz, comme des ballons dans le ciel dont on attrape au vol la ficelle.



J'ai particulièrement aimé

village à quitter



dans ce village on apprend avant tout à survivre

tous ceux qui en sont partis

s'en sont bien sortis de par le monde

où qu'ils soient arrivés

parce que fiston il faut savoir que si l'on part

on n'a plus de contrôle sur notre vie

c'est une autre force qui s'empare de nous

et là il faut bien résister

si on résiste pas on est réduit à néant

on nous oblige à nous enfuir

à nous réfugier

à nous cacher

à renier notre identité

à nous taire

à nous suicider

et c'est désagréable

c'est frustrant de se suicider

lorsque l'on a quelque chose à dire

heureusement on a ce village

il est bon pour rester

il est bon pour partir

mais si on le quitte ça veut dire qu'on a bien résisté

et si l'on a survécu dans ce village

on pourra aller n'importe où sans crainte

on pourra dire à l'humanité toute entière

tout ce qu'on veut

et si on réussit il faudra juste se rappeler une toute petite chose

tout cela on l'a appris au village





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Je serai le feu

"Je serai le feu"

à "consumer" et consommer lentement comme le ferait la flamme d'une bougie.



Très beau livre de poésies, la poésie vue au travers de toutes ces femmes invisibilisées, oubliées ou au contraire adoubées et reconnues.



Diglee nous fait découvrir des trésors oubliés, avec un ravissement non dissimulé, férue de poésie, elle avait bien sûr croisé "l'homme aux semelles de vent" et tant d'autres, mais jamais de poétesses.



Voilà, qui est fait, et elle a restituer à sa manière un voyage de poésie pure de ces femmes :

Filles de lune, prédatrices, mélancoliques, magiciennes, excentriques, insoumises, alchimistes du verbe, consumées ....

et les a faites nôtres.



A offrir, où , à s'offrir et se laisser bercer par les mots.



* Dès l'enfance, j'ai su que "le monde était bleu comme une orange"*.
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Sept poètes et le langage

On considère souvent que la poésie est de l'ordre de l'irrationnel, que la tentative d'analyser une oeuvre, de comprendre les ressorts d'un poème en diminue l'intérêt et que seule l'émotion que nous éprouvons à sa lecture, est le gage de son charme, de son originalité.



Pourtant, l'analyse n'épuise jamais tout à fait un poème. Au contraire, elle le magnifie, donne au lecteur la possibilité d'une plus grande proximité avec lui, sur les circonstances de son écriture, sur l'intention de son auteur.



C'est l'approche que défend Georges Mounin - linguiste et sémiologue - dans son essai « Sept poètes et le langage ».

Stéphane Mallarmé, Paul Valéry, André Breton, Paul Éluard, Francis Ponge, René Char et Victor Hugo sont les sept poètes étudiés dans le livre dans leur rapport personnel au langage, à l'écriture mais aussi à la lecture.





Les sept poètes et le langage, est un livre très intéressant dans lequel l'auteur fait une approche singulière de l'oeuvre de chacun des écrivains, en évoquant l'apport de la linguistique, de la stylistique, de la sémiologie et de la psychanalyse comme moyens d'analyse du texte mais aussi du travail de l'auteur.



Si certains passages sont ardus, l'essentiel du livre met dans une belle lumière les procédés techniques utilisés par les poètes, les récurrences sur les sons et les rythmes, les connotations entre le monde et les mots, le travail sur l'étymologie (Ponge) puis sur le lien entre poésie et science, l'influence des langues étrangères (Mallarmé et Hugo), le rapport à l'inconscient (Breton et les surréalistes), à la musique (Valéry), etc.

Dans ce livre, les points d'approche sur les auteurs et leur oeuvre poétique abondent et se succèdent, mais jamais ne se dispersent ni ne se confondent.





J'ai été heureux de lire le chapitre dédié à René Char, un poète pour qui j'ai une affection particulière et dont Georges Mounin a été un ami proche.

La poésie de Char se définit selon Mounin par une reconnaissance infinie envers les mots et leur réserve de sens. C'est tout notre rapport au langage qui se définit ici : « les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d'eux ».



Autre caractéristique essentielle de la poésie de René Char avancée par l'auteur : « d'un côté, il y a les existants (les humains englués dans le quotidien), qui n'ont « aucun des privilèges de l'Être » ; de l'autre, il y a l'Être, l'évidence de l'être, la permanence de l'être, c'est-à-dire l'essence presque jamais perçue de la réalité et de l'unité de l'Univers ».

Cette essence presque jamais perçue, c'est toute la poésie de René Char.





La lecture des Sept poètes et le langage m'a confirmé que si l'émotion était ce qui faisait naître le poème, ce qui créait un lien affectif entre le lecteur et le texte, il était possible d'y associer une lecture plus rationnelle, une connaissance qui porte aussi bien sur le langage que sur les circonstances, qui l'ont fait paraître.



Le poème en soi est comme une ligne d'horizon que l'on observe. Sait-on ce qui se trouve derrière lui, derrière la ligne d'horizon ? Tenter de le découvrir, de s'en approcher ne fera pas disparaître la beauté du poème. Bien au contraire.



Je ne peux terminer mon commentaire sans une nouvelle référence à René Char, avec un court extrait de son recueil Fenêtres dormantes et porte sur le toit. Bien sûr, il y a l'émotion que suscite cette phrase mais tellement de choses aussi dans ce qu'elle ne révèle pas à la lecture :



« donner joie à des mots qui n'ont pas eu de rentes tant leur pauvreté était quotidienne. Bienvenu soit cet arbitraire » .





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Et pourtant je m'élève

🧡 Chronique 🧡



Merci Soleil, Pluie, Rosée

Merci Neige, Ciel, Lune

Merci de vous être penché

Sur cette femme phénoménale

Merci d’avoir laissé de votre fraîcheur

Sur le front de cette femme

Ainsi, elle peut nous réjouir de ses mots



Car ses mots sont ainsi

Ils gonflent, s’élèvent, s’envolent

Et comme ils redescendent sur nous

Le bruit de leurs sons

Claque Danse Déchire

Ils sont bons à s’en faire un printemps



Et maintenant qu’ils sont un peu à moi

Maintenant qu’ils éclairent mon sourire

Par un effet miroir du sien qui me revient

Je trouve ma place dans ses vers

La poésie féminine et engagée parle

En chacune puisque le genre nous lie



Si j’ai oubliée d’être phénoménale

Je n’ai pas pu oublier que je suis femme

Et le travail le voyage l’expérience

Chante trop ses gammes de douleurs

Pour que le sang et le silence entonnent

Des blues pour mourir encore



Et pourtant.



Et pourtant je m’élève

Je m’élève doucement

Comme s’il y avait un secret, une connivence

Avec cette femme phénoménale

Je m’élève comme un refus

Je vois sa confiance en elle-même

Et cela m’inspire, me gonfle, me soulève

Mes pieds quittent la terre et swinguent

Parce que mes pieds savent le chemin

De la liberté

La poésie est le vent qui me poussera

A chanter l’amour à tue-tête

Coûte que coûte je puiserai

Dans la détermination de mon aînée

La force nécessaire de ne plus courber

Je m’élèverai contre les injustices

Que l’Histoire nous a laissé

Et je n’aurai plus peur



Ce matin, j’ai envie de remercier

Le seigneur, les anneaux rouges

Le jour, l’hier, l’aube, la vie

Mais surtout Maya Angelou!

Gratitude et coup de cœur

En ce dimanche matin!
Lien : https://fairystelphique.word..
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L'île haute

Quand Vadim/Vincent découvre au matin le paysage qui se déploie devant lui, il n'en croie pas ses yeux .. Les yeux écarquillés, il est fasciné et ébloui. C'est l'hiver , c'est la première saison qu'il va passer à Vallorcine. Qu'il lui semble loin le parc des Batignolles !! D'émerveillement en émerveillement Vincent, puisque c'est ainsi qu'il s'appelle à présent , va aller de découverte en découverte, d'apprentissage en apprentissage sous la férule attentive de Moinette, une gamine de dix ans pense t'il du haut de ses douze ans.

Et puis nous voilà à sa suite découvrant le dur labeur quotidien pour survivre dans le froid, l'isolement et le réconfort d'un sourire . Les jours passent , le printemps se fait attendre mais quand il est là qu'il est beau . Vient enfin l'été la saison jaune où chacun sait quoi faire, comment le faire. du matin au soir chacun s'active . Et Vincent enregistre, note les sons les couleurs et admire toujours et encore sa Montagne, les Aiguilles rouges, son île Haute ..

Voilà je referme ce roman émerveillée. Valentine Goby nous raconte Vadim/Vincent et nous l'écoutons. Les pages se savourent, les mots deviennent sons, les sons des couleurs . j'ai pris mon temps , tout mon temps pour savourer ma lecture.

Vincent /Vadim , Vadim/Vincent : la vie a fait que Vadim est allé se refaire une santé à la Montagne pour soigner son asthme, Vadim a laissé Vincent passer devant lui , découvrir le monde, apprendre , aimer à nouveau . le gamin est devenu adolescent et Vincent a du céder la place à Vadim pour continuer sa route. Il ne connaitra pas l'automne à Vallorcine

Nous sommes en août 1943 .
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La Lèvre flâneuse de la mort

Très belle découverte pour moi que ce recueil de la roumaine Camelia Monica Cornea! Merci à Gabrielle pour cet envoi enthousiasmant.



Pourtant, le titre , si joli soit-il, suppose une thématique plutôt sombre. Si la mort est effectivement le leimotiv des textes, elle est vue comme une composante de la vie elle-même :



" La mort est juste un poème

pour s'endormir, toujours en vie" (...)



Les textes sont de longueur très variée. J'ai été particulièrement sensible à certains d'entre eux, très courts, presque des haikus, ils dégagent une atmosphère envoûtante :



" Quand la lumière dort

les ténèbres dansent

avec les rêves en promenade "



Même lorsqu'ils m'ont paru difficiles à appréhender, les poèmes m'ont toujours interpellée. Il y a une empreinte singulière, personnelle qui donne à ce recueil un charme, une force attractive.
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Treize poèmes

La place de la poésie dans l'oeuvre de Jorge Luis Borges est considérable, tant par sa valeur que par sa signification. Souvent quand je lis le grand écrivain argentin, j'éprouve le rapport particulier, une perception unique, qui va de l'écriture de l'auteur jusqu'à l'attention du lecteur, qui en second, vient comme parachever l'existence du texte et du livre.



Dans ses nouvelles comme dans sa poésie, tout chez Borges apparaît comme une série d'impressions sur le langage et sur l'imagination. Les Treize poèmes (les derniers poèmes que Borges écrira) publiés en 1978 aux éditions Fata Morgana traduits pas Roger Caillois, ne font que confirmer ce sentiment.



Dans ce court recueil en édition bilingue, Borges mêle la sagesse au mystère. Entre histoire et érudition (la mythologie et l'histoire antique y occupent une place importante), l'auteur donne à ses poèmes un fond humanisé, réaliste et dépouillé.

Ainsi, le très beau texte d'Endymion à Latmos, dans lequel Borges reprend le récit mythologique de la rencontre entre Endymion, roi d'Elide représenté ici sous les traits d'un berger, plongé dans un sommeil éternel par Séléné, déesse de la lune, qui ainsi, chaque nuit, vient le rejoindre pour le contempler et l'embrasser à sa guise :





« Je dormais au sommet du mont. Et mon corps

était beau, que les années ont abîmé.

Très haut, dans la forêt hellène, le centaure

retardait sa quadruple course

pour guetter mon sommeil. J'avais plaisir à

dormir pour rêver et pour cet autre

songe – lustral - qui esquive la mémoire

et qui nous purifie de la charge

d'être celui que nous sommes sur la terre.

Diane, la déesse, qui est aussi la lune,

me voyait dormir sur la montagne.

Lentement, elle descendit dans mes bras.

Or et amour dans la nuit incendiée !

Je serrais les paupières mortelles.

Je ne voulais pas voir le beau visage

que profanaient mes lèvres de boue.

J'ai respiré l'odeur de la lune

et sa voix infinie prononça mon nom.

Joues pures qui se cherchent !

Fleuves de l'amour et de la nuit !

Baisers humains et tension de l'arc !

J'ignore combien de temps dura ma félicité.

Il y a des choses que ne mesurent ni la grappe

ni la fleur ni la neige fragile.

Chacun me fuit. Il fait peur,

l'homme qui fut aimé par la lune.

Les années ont passé. Une angoisse

m'épouvante, lorsque je suis éveillé. Je me demande

si ce tumulte d'or sur la montagne

fut véritable ou s'il ne fut qu'un rêve.

Je me répète en vain que le souvenir

d'hier et un songe sont une et même chose.

Ma solitude parcourt les chemins

insipides de la terre ; mais, sans cesse,

je cherche dans l'antique nuit des dieux

l'indifférente lune, fille de Zeus. »





De longueur variable, les autres poèmes du recueil n'entretiennent pas de lien thématique évident entre eux. Parmi ces poèmes, le suicidaire et le remords ou encore le miroir, de forme très dépouillée, empruntent au Je la solitude de l'être livré à lui-même.

Le poème Héraclite, du nom du philosophe grec, solitaire et vieillissant, se promenant le soir le long d'un fleuve à Éphèse « Personne ne descend deux fois dans les eaux du même fleuve », signe d'un temps en perpétuel changement.



Les poèmes Métaphores des Mille et une nuits et Alexandrie, 641 a.d. s'inspirent de faits plus historiques. de l'influence du grand conte arabe à la destruction de la magnifique bibliothèque d'Alexandrie, Borges trouve un moyen d'expliciter son rapport étroit à la littérature et l'édification de l'individu par le savoir, choses éminemment importantes dans toute son oeuvre.



Une longue histoire commune et personnelle, qui va d'un passé lointain à un présent sans cesse en mouvement, c'est peut-être dans le poème Les Causes que se résume le mieux la poésie de Jorge Luis Borges :





« Les couchants et les générations.

Les jours, dont aucun ne fut le premier.

La fraîcheur de l'eau dans la gorge

d'Adam. L'exact Paradis.

L'oeil qui déchiffre les couleurs.

La parole. L'hexamètre. le miroir.

L'amour des loups aux heures de l'aube.

La Tour de Babel et l'orgueil.

Le soleil comme un lion sur le sable,

Les sables innombrables du Gange.

Tchouang-tsé et le papillon qui le rêve.

Les pommes d'or des îles.

Les pas du labyrinthe errant.

Le tissage infini de Pénélope.

Le temps circulaire des Stoïciens.

La monnaie dans la bouche de qui est mort.

Le poids du glaive dans la balance.

Chaque goutte d'eau de la clepsydre.

César au matin de Pharsale.

Les fastes, les trophées, les armées.

L'ombre des croix sur la terre.

Les traces des longues migrations.

Les échecs et l'algèbre du Persan.

La conquête de royaumes par l'épée.

L'incessante boussole. La haute mer.

Le roi exécuté à la hache.

Le chant du rossignol au Danemark.

Le tracé scrupuleux du calligraphe.

La face du suicidé dans le miroir.

La carte du tricheur. L'or avide.

Les formes des nuages dans le désert.

Chaque remords, chaque larme.

Toutes choses qui furent nécessaires

pour que nos mains se rencontrent. »





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Une sirène à Paris

Avec ce joli titre et un auteur musicien "Une sirène à Paris" de Mathias Malzieu est un roman qui a tout pour me plaire : la Seine, une péniche, une sirène, de la musique et de l'amour. Pourtant, la magie n'a pas opérée sur moi en raison de l'écriture beaucoup trop ampoulée à mon goût.



Sur le Flowerburger, une péniche héritée de sa grand-mère adorée, Gaspard Snow se console d'une rupture amoureuse grâce à la musique qu'il joue dans ce lieu parisien joyeux et accueillant. Il vit seul avec son chat et par une journée pluvieuse il sauve une sirène blessée dont le chant est mortel pour ceux qui y succombe. On se demande bien pourquoi Gaspard est insensible. Tant mieux pour eux car il va pouvoir la protéger grâce à des péripéties plus loufoques les unes que les autres. Et bien sûr, sa vie va en être bouleversée.



Si l'histoire d'amour avec la belle sirène est appréciable, l'abus d'adjectifs et expressions imagées est fatigant à la longue ce qui justifie mon avis mitigé et ce, malgré le clin d'oeil appuyé à Boris Vian avec l'appareil ancien nommé le Voice-o-graph.

Je pense toutefois lire d'autres livres de Mathias Malzieu pour mieux apprécier sa prose poétique.





Challenge Entre-deux 2024

Challenge Coeur d'artichaut 2024

Challenge Multi-défis 2024

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Du premier au dernier jour

D’or et d’ésotérisme, d’empreintes et de quintessence, « Du premier au dernier jour » est rémanence.

Une chapelle à flanc de montagne qui laisse les myriades de mots s’envoler.

La grandeur signifiante, le symbolisme comme une écharpe de laine autour du cou.

Ce macrocosme qui fige l’éternité, jour après jour.

Premier jour, l’adage comme un marque-page qui retient le théologal entre ses mains.

Les paraboles comme un cerf-volant en pleine lumière.

« C’est là que ta mère t’a fait, comme un sceau, comme la mort, beaucoup d’eau pour l’amour. »

L’essentialisme en majesté, ici, c’est la flamme qui, jamais ne meurt.

Aucun souffle pour arrêter la chute du temps.

« Effeuillée, l’ombre des arbres a pu croire à l’abandon, mais j’ai tissé la lune de fleurs jaunes. »

Sept jours, la poésie tremble et enchante les murmures édéniques.

Les rituels comme des sources où s’abreuver à l’infini, constants et assignés à perdurer.

La déambulation-cime, étreint la marche et change la direction vers cet autrement.

Le pas de côté est une respiration.

« Toi aussi, dans ta maison, reçois la moitié de tout, tout ce qui vit, le mystère, les œuvres, le don. »

L’appel est un écho. Tout resplendit ici, entre les pages, le mystique, la grâce et cette attirance métaphysique.

Tout remodeler des sept jours, chapelet laïque, où ne dispose pour survivre que la vérité du plein jour.

L’éclaircie entre les pages, souveraine et altière, œuvre qui se compose dans la main du maître absolu : Charles Sagalane.

« Qui connaît parole, qu’il soit invisible à autrui, comme une mère rayonne, en marche. »

Le sacre de ce recueil est le gardien de ce qui ne s’oublie pas.

Des entrelacs-fusions, et le sentiment stupéfiant d’une marche cardinale inoubliable.

Intemporel, un viatique. Le temps des offrandes entre nos mains.

Publié par les majeures Éditions La Peuplade.

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Le Sémaphore

Pour l'entrée dans l'univers poétique de Thibault, nous sommes accueillis par un « Moine lisant », tableau d'Odilon Redon, aussi appelé « Alsace » sur la couverture. le poète rend ensuite hommage à ses parents, en leur dédiant le livre et un « Prologue » du 18/01/2014 nous propose une explication sur la nécessité de prendre la plume. Si à premier abord, l'auteur semble enfoncer des portes ouvertes, détrompez-vous, ces pages nous réconcilient déjà avec « l'impuissance » des mots. Ainsi, « l'artiste » y est défini comme « quelqu'un qui s'arrange comme il peut avec le fait de vivre », et « c'est effrayant et excitant à la fois ». Je trouve fort juste l'affirmation qui suit : « Quand on créé, on met sa peau sur l'ouvrage et on la tanne, on la tanne jusqu'à la rendre plus lisse, moins rugueuse ». Cela paraît aller de soi, mais quel courage de le faire vraiment ! de se mettre en route « en pèlerin du verbe ».

Je reconnais ouvertement avoir ressenti beaucoup de « joie » devant la « beauté » glanée ici, versée dans des moules de rimes comme pour mieux résonner et souvent offrande à d'illustres prédécesseurs : Vincent van Gogh, Pier Paolo Pasolini, Maurice Blanchot, Rainer Maria Rilke, François Augiéras, Benjamin Fondane, Fernando Pessoa. Des dédicaces plus intimes aussi, comme « à Paul, mon petit frère », ou « à mon grand-père Pierre Marconnet », sans oublier des artistes moins connus que vous aurez envie de découvrir par vous-même. Il en va ainsi du poème « Berger du cosmos » pour Pericle Patocchi, par exemple.

Il y a une grande richesse dans les images façonnées ici, à l'aune d'une nature généreuse et sauveuse, qui répand tant de joyeuse beauté : le sel de la terre magnifie les jardins de cerisiers et les vendanges. On voyage « dans la pierre bleue du ciel » et on boit « le feu de l'infinie lumière » « dans la pierre jaune du puits ».

Bel hommage aux femmes, dans « Triangles de feu » qui salue le travail d'Aurore Lephilipponnat : « Et laissez-nous crier !/Crier dans la suie du jour !/Comme vous priez,/Comme nous faisons l'amour ! ».

J'ai une pensée toute particulière pour « les « Abeilles d'or » (cf. ma citation) et pour « Les âmes nues ».

Un recueil très travaillé, sans doute, qui peut décourager certains par la l'illusoire raideur des contraintes prosodiques.

Et si vous parliez vous aussi à l'herbe avec « L'enfant » ?

« Tu es le sein vert des vaches,

Le lait qui jaillira de leurs pis ;

Apprends-moi la vie ».



Une belle éclosion poétique, qui m'a nostalgiquement soufflé : « N'oublie pas d'où tu viens » !

Des prières « de survivants », et de simples « vivants », des prières à écouter, et si possible à exaucer, y compris en prolongeant cette lecture par de nouvelles choisies au sein des auteurs qui y son cités.
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Le sourire de Mona Dialysa

Le poète belge Jean-Pierre Verheggen évoque en humour les problèmes de santé qui arrivent lorsque l'on vieillit.

Il préfère rire de ses diagnostics plutôt que de s'apitoyer sur son sort.

Son infirmière préférée qui sourit devient sa Mona Dialysa à lui.



D'abord la vieillesse elle-même peut être perçue comme une maladie car elle rend aigri, et gris.

Puis le corps commence à lâcher sans crier gare, sans grève, sans manif, sans pancarte à slogan, sans gants.

Rendez-vous de routine chez le médecin, et bam maladie. Scanner. Dialyse.

Vache, ça va de mal en pis, c'est pas trop soupe au lait cette histoire.



Alors rire, ça paie pas de mine, ça fait pas grise mine, ça peut être mineur mais c'est pas faire un détournement de mineur. C'est un progrès majeur, pas un progrès médical, certes, mais c'est comme montrer son majeur à la maladie et lui faire un toucher rectal.

C'est jubilatoire, cette vengeance sur cette épée de Damoclès.

C'est libérateur, cet outrage à la résignation et à la tristesse.



Qui a dit qu'on ne pouvait pas rire de tout, messieurs dames ?

Pas Jean-Pierre Verheggen en tout cas.

Le poète nous fait réfléchir, nous fait sourire comme sa Mona Dialysa

Chapeau bas l'artiste, ce recueil est un joyeux ramdam.
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Veilleur de nuit

"Une balle de ping-pong blanche sort

d’entre la couverture du livre qui nous endure"



Dès le début de la lecture du VEILLEUR DE NUIT, je me prends une balle de ping-pong ou même une grosse gifle en pleine figure. Une poésie forte, unique, impulsive, rebelle au déchiffrement, presque autistique (je parle de l'écriture non de la personnalité de l'écrivain).



En effet, les images non conventionnelles souvent se heurtent à notre vision romantique de la poésie ! La langue poétique baigne dans une atmosphère obscure que tentent de maîtriser les gardiens de nuit, nos guides à nous, lecteurs, qui nous cognons un peu partout contre les mots, tentons de comprendre la relation entre les protagonistes (veilleurs et professeures) ainsi que la relation entre les métaphores et les thèmes abordés.



La poésie est forte, massive mais reste volontairement démembrée.

"nous apprécions l’autocollant

avec 50 % de réduction sur un cercle de vie"



Gabrielle, je devine ta difficulté à traduire cette poésie car moi, sans pourtant connaître la langue roumaine et les jeux de mots que le poète y met, je ressens une telle expressivité, densité dans ses choix de métaphores que vouloir rendre cela en français est à chaque vers un réel défi. Bravo !



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Les plus beaux poèmes sur l'eau

Une anthologie poétique sur le thème de l'eau ? C'est le pari un peu osé qu'a tenté Jean Breton au travers de son ouvrage « Les plus beaux poèmes sur l'eau », publié en 1999 au Cherche midi éditeur.



De la source qui coule à travers champs et va jusqu'à l'océan, des nuages qui traversent le ciel et apportent la pluie ou la neige, de la rivière dont monte l'épais brouillard, de la tempête jusqu'à l'accalmie, d'une balade en barque sur une rivière jusqu'au navire perdu en haute-mer, de la rosée du matin jusqu'à l'irrigation du jardin, du besoin de se désaltérer jusqu'aux larmes qui coulent au souvenir du temps passé, tout va au fil de l'eau dans ce bel ouvrage.



Dans ce recueil figurent bien évidemment des poèmes intemporels comme le lac De Lamartine (que je relis toujours avec émotion), le Pont Mirabeau d'Apollinaire ou encore le bateau ivre de Rimbaud, mais à leurs côtés sont rassemblés de nombreux autres textes qui viennent irriguer tout un chant d'imaginaire, tel ce poème de Robert Desnos :







« ENFIN SORTIR DE LA NUIT –



Enfin sortir de la nuit,

Sortir de la boue.

Ho ! Comme elles tiennent aux pieds et aux membres,

La nuit et la boue !

Ce chemin me conduira aux rivières claires où l'on

se baigne entre deux rives de gazon.

Rivières ombragées par les arbres,

Effleurées par l'aile des oiseaux,

Eau pure, eau pure, vous me lavez.

Je m'abandonnerai à ton courant dans lequel

naviguent les feuilles encore vertes que le vent fit tomber.

Eau pure qui lave sans arrêt les images reflétées.

Eau pure qui frissonne sous le vent,

Je me baignerai et je laisserai le reflet de moi-même en toi-même,

eau pure !

Tu le laveras, ce reflet où je ne veux me reconnaître,

Ou bien emporte-le, loin,

Jusqu'aux océans qui le dissoudront comme du sel. » *









Divisé en six chapitres comme en autant de thèmes (Portrait de l'eau, L'eau et la nature, L'eau et le rêve, L'eau, la femme, l'amour, L'eau et l'écriture, L'eau et le destin), Jean Breton a réuni des textes en vers et en prose d'auteurs de la Renaissance (Pierre de Ronsard, Charles d'Orléans, Louise Labé,…), de représentants du romantisme (Lamartine, Hugo, de Nerval,…), du symbolisme (Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Mallarmé,…), du surréalisme (Apollinaire, Éluard, Desnos et Aragon) et plus contemporains comme Ponge, Jabès, Bonnefoy et Chonez. Autant d'époques, de noms et de tendances qui forment les précieuses variations de cette anthologie.



Écrire l'eau, comme une tentative de confondre son pouvoir imaginaire avec le réel, de mettre le rêve en mesure de signifier, de traduire en impressions, en images toute son inépuisable dimension poétique. Ecrire l'eau, pour tendre l'abstrait jusqu'à l'universel, l'éphémère jusqu'à l'immuable.

Ici, ce poème d'Yves Bonnefoy :







« IMAGINE QU'UN SOIR...



Imagine qu'un soir La lumière s'attarde sur la terre, Ouvrant ses mains d'orage et donatrices, dont La paume est notre lieu et d'angoisse et d'espoir. Imagine que la lumière soit victime Pour le salut d'un lieu mortel et sous un dieu Certes distant et noir. L'après-midi A été pourpre et d'un trait simple. Imaginer S'est déchiré dans le miroir, tournant vers nous Sa face souriante d'argent clair. Et nous avons vieilli un peu. Et le bonheur A mûri ses fruits clairs en d'absentes ramures. Est-ce là un pays plus proche, mon eau pure ? Ces chemins que tu vas dans d'ingrates paroles Vont-ils sur une rive à jamais ta demeure « Au loin » prendre musique, « au soir » se dénouer ? » **







Divers par le style et la signification, par la forme et le rythme, tous les poèmes contenus dans cette anthologie parlent du parcours d'une vie qui va de la source jusqu'à l'estuaire, qui s'écoule avant de se jeter dans l'immensité de l'océan. L'eau possède en elle notre présence, elle est le seul élément de la nature qui contient notre reflet et le rythme du temps qui passe. C'est peu de le dire, mais c'est déjà immense :







« LE LAC



Ainsi toujours poussés vers de nouveaux rivages,

Dans la nuit éternelle emportés sans retour,

Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges

Jeter l'ancre un seul jour ?



Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,

Et, près des flots chéris qu'elle devait revoir,

Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre

Où tu la vis s'asseoir !



Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes ;

Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés ;

Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes

Sur ses pieds adorés.



Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;

On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,

Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence

Tes flots harmonieux.



Tout à coup des accents inconnus à la terre

Du rivage charmé frappèrent les échos ;

Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère

Laissa tomber ces mots :



« Ô temps, suspends ton vol, et vous, heures propices,

Suspendez votre cours !



Laissez-nous savourer les rapides délices

Des plus beaux de nos jours !



(…) » ***







(*) Robert Desnos - le Satyre, extrait de Fortunes, 1942.

(**) le dialogue d'angoisse et de désir, extrait de Pierre écrite, 1965.

(***) Alphonse de Lamartine, le Lac extrait de Méditations poétiques, 1820.





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