Voici la belle histoire d'un cerf rouge. le Rouge. Ce daguet orphelin né dans l'enceinte des Orfosses Mouillées est devenu un splendide dix cors, où il passe pour « l'esprit des bois » et fascine ses habitants, hommes et bêtes.
Au coeur de cette histoire Genevoix nous décrit la relation entre le Rouge et la Futaie, le piqueux d'un équipage de chasse à courre, pour qui le dix cors est devenu une obsession ; l'animal ultime, celui qu'on ne chasse qu'une fois dans sa vie. Une quête d'absolu.
Maurice Genevoix n'est pas encore secrétaire perpétuel de l'
Académie Française quand il publie
La dernière harde (1938). Mais il est déjà connu pour ses écrits sur la guerre (cinq livres qui seront regroupés en 1950 sous le titre
Ceux de 14) et pour
Raboliot qui lui apportera le prix Goncourt en 1925.
C'est de la belle écriture. Une poésie constante mais qui ne fait aucune concession à l'âpreté de la nature. Sa beauté paisible, celle des écharpes de brouillard sur l'étang à l'aube, quand l'écorce des arbres grincent sous la froidure hivernale. Une beauté qui ne permet aucunement d'oublier la loi féroce de la prédation.
Maurice Genevoix décrit avec acuité et précision les multiples dangers que la harde de biches et de cerfs traversent à travers le cycle des années : les luttes de territoire avec les chevreuils ; les voisins brutaux que sont les sangliers ; les pièges sournois du Tueur, ce braconnier qui restera marqué à vie par une lutte avec le Pigache, un sanglier redoutable ; les chasses à courre qui déciment les mâles de la harde.
Quand retentit la trompe, les cerfs déploient pour survivre des stratégies où l'innocent a peu de chance d'en réchapper. Malheur à celui qui sera trop lent à comprendre, trop docile ou trop faible. La nature est belle, mais elle a ses lois. Et elles sont impitoyables.
A lire comme un poème en prose. Mais aussi comme un roman d'action dont l'écriture est très moderne.
Un lexique de la chasse et de la vénerie complète en fin d'ouvrage fort utilement ce livre.
La dernière harde est à mettre en toute les mains : celles des amateurs de nature comme celles des urbains qui ne connaissent pas les halètements des chiens, le brame dans la nuit ou « le cri rouillé du coq faisan ». L'aventure est proche, elle a l'odeur de l'humus et de l'herbe foulée.
T. Sandorf