"Dada la première revue d'art", généreusement offerte dans le cadre de l'opération masse critique par Babelio et les Editions Arola que je remercie l'un et l'autre chaleureusement, a pour thème dans ce numéro "
Black is beautiful".
Cette revue nous promène donc dans l'art et ses représentations du Noir africain et du Noir américain, avec tout ce que chaque époque peut drainer de préjugés, mais aussi parfois, pour dénoncer leur condition.
A l'Antiquité, l'esclavage prédomine, tandis qu'au Moyen Age, la chrétienté pare le Noir d'une représentation diabolique, bourreau du Christ et des Saints.
A partir du XIIIe siècle, la représentation des Noirs dans la religion catholique est quelque peu réhabilitée avec par ex la Reine de Saba ou le Mage Balthazar. Mais cela n'a rien d'innocent puisque le message que l'on veut faire passer est que la Bible concerne tous les peuples.
Mais l'esclavage ne fait que commencer...
A la Renaissance, les Noirs sont des serviteurs, des esclaves, mais aussi des bêtes de foire. C'est un signe extérieur de richesse que de posséder un serviteur noir...
Quant à la bête de foire "Pour beaucoup, à cette époque, les Noirs sont aussi exotiques qu'un éléphant. A deux ou à quatre pattes, peu importe "l'animal", tant que le frisson est là."
On voit aussi apparaître les zoos humains, dont le premier a ouvert en 1877 au Jardin d'acclimatation de Paris.
A partir du XVIIIe siècle, certains artistes dénoncent l'esclavage : traite des Noirs revendus comme esclaves autant en Amérique que dans les colonies.
La France n'abolira l'esclavage qu'en 1848, bien que la Révolution française ait proclamé que tous les hommes naissent libres et égaux en droits en 1789...
Au XIXe siècle, les Noirs se multiplient dans la peinture et deviennent petit à petit des individus à part entière.
Au XXe siècle, le Noir est aussi le Noir américain, avec
Joséphine Baker, mais aussi la culture Jazz (mouvement artistique appelé la Harlem Renaissance).
Milieu du XXe siècle, les Noirs deviennent des artistes qui dénoncent par leurs oeuvres et luttent pour obtenir les mêmes droits que les Blancs.
Même si, officiellement, les Noirs obtiennent ces mêmes droits aux États-Unis au milieu des années 1960, ils le savent "la lutte vers la reconnaissance n'est pas terminée..."
Au XXIe siècle, les artistes réinventent un passé au présent où le Noir est puissant : empereur, roi, princesse,... tout en rappelant aussi toutes les horreurs passées.
Certaines figures pop contemporaines (Beyoncé, Jay-Z, Will.i.am) ont pris possession du Louvre afin de détourner les oeuvres en figures noires puissantes : "ils s'emparent de (...) figures blanches incarnant pouvoir et réussite."
Quel long chemin parcouru !
Il n'empêche que de mon point de vue, un travail important de mémoire - à l'instar du peuple juif avec la Shoah - doit et reste à accomplir, car le peuple noir (et je le dis ainsi à dessein puisqu'il regroupe l'Afrique noire mais aussi les Noirs américains) a longtemps été mis en état de servitude, opprimé et nié dans son humanité.
Un travail historique à faire donc au travers de l'esclavage, mais aussi des colonies, de la ségrégation, de l'apartheid, mais aussi dans les représentations artistiques (à titre personnel je m'interroge qu'une statue de Léopold II soit encore érigée, Roi dont les Belges peuvent avoir honte pour ses barbaries commises au Congo) et la représentation de ses légendes (telle le père fouettard - acolyte de Saint-Nicolas punissant les enfants qui n'ont pas été sages - qu'on prétend aujourd'hui être noir de suie... alors qu'il est représenté comme les "Blackfaces", à savoir les représentations racistes du Blanc grimé outrageusement à la Jim Crow).
Le présent doit encore nous interroger sur les stigmates racistes du passé.
Pour en revenir à la revue, je l'ai trouvée particulièrement enrichissante avec ses illustrations et ses commentaires judicieux. Une parfaite mise en bouche qui m'a donné très envie d'en savoir plus.
A noter que si le dossier thématique est passionnant, je ne me suis pas attardée sur les autres rubriques destinées à la jeunesse qui étaient en outre "hors thème".