Si écrire était devenu la seule façon de le posséder, assurément je faisais tout ce qui m'était possible. Et, momentanément, cela me satisfaisait, comme si toute cette douleur n'était pas vaine, comme si je le forçais à me donner quelque chose au bout du compte, comme si j'avais un certain pouvoir sur lui, ou sauvegardais quelque chose qui autrement serait perdu. En réalité, je ne le forçais nullement à me céder quoi que ce soit: je prenais, voilà tout. Je ne le possédais pas, mais je possédais ces mots que j'écrivais, et il ne pouvait pas me les prendre.
Et pourquoi cet ennui me mettait-il si mal à l'aise? A cause du vide qu'il créait, des béances qui s'ouvraient entre lui et moi, et tout autour de nous. J'étais emprisonnée avec cet homme et cette sensation. Le vide, mais aussi le désappointement; car ce qui, naguère, avait été une telle plénitude n'était plus maintenant qu'incomplétude.
Sous-titres en français
Lydia Davis Interview: Shaping Messy Material