Avec un titre pareil, on ne peut qu'avoir envie d'aimer. Surtout que la couverture est pas mal non plus. Et puis il y en marre de toujours voir le nom de
Raymond Carver quand on parle de nouvelles américaines contemporaines. Et
Sam Shepard? Et
Miranda July? Et
Nell Freudenberger? Ou l'auteur de
Kafka aux fourneaux, Lydia Davis.
Ici, elle s'interroge avec acuité, élégance et humour sur le couple, la famille, le corps (les cinq sens, l'insomnie, le plaisir sexuel, la nourriture, l'accident, la mort), la relation au langage et à l'art. Son talent réside dans l'exploration minutieuse d'un malaise inexplicable, d'une dispute, d'une fessée à un enfant que l'on regrette. La tension, mais aussi l'ironie naissent toujours du même malentendu : ses « héros » semblent croire que s'ils prennent les choses calmement, rationnellement, sans se servir d'adverbes, comme je suis en train de le faire, sans affect, donc, sans personnaliser, ils vont comprendre leurs émotions et s'en débarrasser, ou en tout cas les maitriser.
C'est là que la langue de Lydia Davis prend tout son sens et toute sa force. Chaque mot doit être calibré. Il ne faut surtout pas se laisser submerger par le vocabulaire. C'est le seul moyen de ne pas se faire avaler par l'existence, qu'il s'agisse de notre quotidien ou des questions existentielles si effrayantes que dans un des meilleures nouvelles, tout le monde se met à courir dans tous les sens en pleine rue parce que soudain, « ils n'avaient plus supporté la frustration de leurs vie » Cela explique aussi pourquoi certaines d'entre elles (mes préférées) ne font que deux phrases et ressemblent plus à des poèmes. Ce qui me fait penser qu'il y en marre aussi d'entendre toujours le nom de
Bukowski quand on parle de poésie américaine contemporaine. Décidément, cette Lydia Davis va m'être bien utile.