C'est plutôt triste, un homme perdu

Quand je commence un recueil de nouvelles courtes, c'est souvent parce que je n'ai pas l'envie ou le temps de lire longtemps d'une traite. Je souhaite aussi que ces moments soient pleins car à l'évidence, ce sont des jours où, justement, personne ne souhaiterait galvauder les occasions de se faire plaisir. Ces petites pages numériques de Emmanuelle Urien ont le bon profil et répondent à cette attente.

Cette auteure aux talents multiples(1) a plusieurs romans à son actifs et le premier constat est l'écriture assurée, avec une concision dans les formules qui font mouche: "afficher une préoccupation fabriquée de toutes pièces et démentie seulement par le vide du regard", pour dire l'attitude sur les trottoirs affairés de Paris, "intellectualiser l'incident pour oblitérer tout sentiment de culpabilité", après le refus à un quêteur. J'aime ce laconisme: briefly said for a better short story, je ne sais plus qui l'a dit, peut-être moi qui le pense à l'instant et c'est mon credo pour tous les auteurs de nouvelles, a fortiori courtes: de grâce, évitez le délayage.

Je ne donnerai cependant pas un dix car à mon sens, Autopsie d'une pierre tombe dans ce travers: l'image du désabusé de pierre est belle mais se tiendrait mieux en quelques lignes qu'en six pages : la métaphore pèse.

Des hommes à la dérive sont l'objet de tous les textes, rien que des hommes, un chercheur atteint de burnout, un amoureux transi, un sans domicile, un mari excédé,... tous en quête ou en fuite ont pris un chemin de traverse périlleux, et se retrouvent là où les gens ne vont pas. Toute nouvelle réussie implique que le lecteur soit tenu par l'attente d'une chute qui force ou renforce une interprétaion du récit et c'est aroitement mené ici. Trois textes sortent vraiment du lot : Mélodies urbaines, Gaudium et Têtes mortes.

Publié aux Éditions ONLIT 100% numériques qui ont présenté quatre nouveaux livres fin avril après les débuts remarqués de février. Visitez le site: des textes libres en ligne et une nouvelle gratuite d'Edgar Kosma à l'achat d'un titre.

(1) Emmanuelle Urien est romancière, traductrice, musicienne et chanteuse.

Lu sur Sony T1 dans un bon format ePub.


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L'auteur nous propose 7 nouvelles égrenées tout au long d'une soixantaine de pages. Toutes s'appuient sur des situations originelles assez ordinaires, du domaine du quotidien. Et c'est tout le savoir faire de l'auteur qui nous fait subrepticement basculer vers le rêve ou vers une réalité décalée, mettant l'imagination du lecteur aux commandes.

Les ambiances narratives sont très différentes les unes de autres :
Sous une table de librairie, une petite fille mutique déchire une page d'un beau livre et déclenche un bouleversement émotionnel chez le libraire. Ailleurs le narrateur retrouve les notes d'un botaniste fou travaillant sur les plantes carnivores. Ou encore un homme est envouté par une vois de sirène en plein Paris. Il peut aussi arriver qu'au cours des tournées du Samu social, on recueille un malheureux familier. Ou bien on vole un bateau pour séduire (ou pas) une femme…

Par conséquent, il n'y a pas de risque d'accoutumance, car à chaque nouvelle histoire, le lecteur se trouve plongé dans un univers original, sans point commun ni fil rouge entre les nouvelles.

L'attrait dominant de ces récits (mais pas uniquement, je le répète, chaque histoire éveille l'intérêt), est l'utilisation de la langue entièrement au service du propos. C'est une belle écriture, qui a l'élégance de ne pas « montrer ses coutures » : s'il y a eu travail du vocabulaire et de la syntaxe, le résultat est très naturel et raffiné et prodigue un vrai plaisir de lecture.

Belle découverte pour laquelle je remercie les éditions Onlit


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