Une fois n'est pas coutume, puis-je vous convier à un petit exercice d'introspection ?
Phil56, modeste chroniqueur sur Babelio, se doit de vous avouer avoir été biberonné dès l'enfance au "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes".
Au départ des récits de la résistance anti-fasciste au Mouvement Populaire Wallon en passant par la question royale et les grèves de l'hiver 60-61, vint ensuite une approche plus personnelle, plus impliquée aussi, des mouvements régionalistes, autonomistes et indépendantistes (Wallonie, Jura suisse, Québec, Bretagne, Corse, Occitanie, Irlande du Nord, Écosse, Catalogne et ... Pays Basque).
Comme certaines et certains d'entre vous, j'ai pleuré de rage au verdict du procès de Burgos (1970) tout comme j'ai sauté de joie à la mort de Luis Carrero Blanco (1973).
Après la mort du caudillo et la transition démocratique, ma compréhension quant à la pertinence du maintien de la lutte armée s'étiola peu à peu.
Mon constat était que l'alliance objective s'étant de facto instaurée entre l'aveuglement irrédentiste de l'ETA et la violence directe ou plus pernicieuse de l'appareil répressif de l'état central madrilène pervertissait le débat politique et annihilait les revendications démocratiques portées par la gauche abertzale dans le champ associatif, culturel, syndical et politique.
Ce long préambule pour vous dire tout l'intérêt que, dès l'entame, j'ai porté au présent ouvrage.
Alfonso Zapico, talentueux représentant d'une nouvelle génération de dessinateurs/illustrateurs en terre d'Espagne, a le projet un peu fou de faire se rencontrer durant l'hiver 2016 deux de ses amis basques qu'à priori tout oppose.
D'un côté
Fermin MUGURUZA, indépendantiste ET internationaliste, artiste protéiforme à la renommée internationale, fer de lance (entre autres) du "Rock radical basque" (Kortatu, Negu Gorriak, ...) ;
De l'autre, Eduardo MADINA, jeune parlementaire en Biscaye, étoile montante du PSE (
Parti Socialiste d'Euskadi), victime en 2002 d'un attentat à la voiture piégée perpétré par l'ETA où il perdit la moitié de sa jambe gauche.
Au final nous est offert un roman graphique au crayonné en noir et blanc un peu minimaliste mais à l'élégance subtile qui a pour modeste et hasardeuse ambition (en y parvenant) d'éclaircir les zones d'ombre, briser les interdits, libérer la parole, susciter l'écoute, alternant analyses, émotion, humour et légèreté.
Pour ce faire, l'auteur n'adopte pas de démarche racoleuse et refuse de céder aux sirènes de la délation ou du règlement de compte.
Pour peu que la thématique abordée vous interpelle, vous apprécierez une bien belle oeuvre de résilience, au titre judicieusement évocateur, célébrant sans angélisme la paix des armes chèrement acquise mais enfin retrouvée.