Difficile, pour ne pas dire impossible, de ranger dans une boite de genre ce roman. Fantastique, technologique, psychologique, thriller, je crois que j'en passe ! D'ailleurs, pourquoi vouloir absolument classifier une oeuvre ? Lecteurs à étiquettes ou dans l'incapacité imaginative de pénétrer dans un univers fantastique, instable et déroutant, passez votre chemin, ce bouquin n'est pas pour vous… Lisez donc le dernier Musso ou le dernier Levy. Ce sera plus confortable et moins dérangeant. En fait, quand on prend la peine de parcourir la fiche auteur que j'ai dégotée sur Amazon, et que l'on découvre que
Jean Benjamin Jouteur est comédien, thérapeute et psychosociologue, je crois, on comprend mieux pourquoi la presque totalité des personnages qu'il nous présente dans « Chronique d'un avatar » sont torturés, allumés, voir totalement barrés ! Et c'est ça l'une des forces de ce bouquin, tous, et ils sont nombreux, restent logiques dans leur délire, et le pire, c'est qu'ils nous y entrainent dans ce sacré univers inclassable. le personnage principal, Coralie, est insaisissable, parfois pas très sympa, allumé, dangereux, surdoué, et pourtant, on s'y attache très rapidement. On a tout à la fois envie de l'aider, de la consoler, mais aussi parfois de la gifler… Son avatar, La belle Asuna, et je ne dévoile rien en la qualifiant de psychopathe, semble si belle, si féminine, si bien décrite, si efficace… Et encore une fois, si logique avec elle-même, qu'elle en devient craquante. Je suis tombé amoureux d'elle dès notre première rencontre ? D'ailleurs, on finit par se demander qui est l'avatar de l'autre et où se situe le virtuel !
Autour de ces deux « héroïnes » tout un panel de personnages mal dans leur peau ou perdus, dépeint avec force et détails. Ils sont barges, mais ils sont vrais. Et surtout ils nous posent plein de questions.
Il y a plusieurs histoires dans l'histoire… Des lieux différents, des personnages différents, des univers différents… Des thèmes différents. Les dangers, mais aussi les plaisirs et la force du virtuel, les ados paumés face à des parents qui ne suivent plus, les techniques d'art-thérapie que j'ai découverte avec intérêt, le monde des asiles psychiatriques, dur et froid. L'auteur nous navigue dans chacun d'eux par des chapitres très courts qui nous permettent de ne jamais réellement nous perdre tout à fait. On sent bien sûr les inspirations. Il flotte sur l'asile d'aliénés une ambiance « Vol au-dessus d'un nid de coucou » sur Life Tower, on retrouve « L'Âge de cristal » dans ce rapport spécial avec le virtuel qui se mélange à la réalité, on ne peut que penser à cet excellent film de
Mamoru Oshii, « Avalon » sortie en 2002, avec en prime quelque clins d'oeil qui nous viennent de Matrix.
L'histoire (secondaire, mais importante) du père de Coralie, buvant, fumant de de l'herbe, et vivant en ermite, planqué dans son camping-car, lui-même garé le garage d'une immense maison désertique et glauque, dont il a peur, est aussi assez prenante que surprenante.
Bref, je conseille ce livre étonnant qui interpelle sur bien des points. Je l'ai lu d'une seule traite. Et la fin… Je n'en dirais rien… On ne la voit pas arriver ! J'ignore s'il est prévu une suite, je l'espère. Il me manque de retrouver Coralie et Asuna… Et aussi Saint Thomas… Oui, car il y a également de saints personnages dans cet ouvrage !