Ainsi nous aspirons vraiment dans sa toile les senteurs de la terre ; des souffles de brises marines nous apportent aux oreilles ces orchestres hurlants du large ou la chanson apaisée des criques ; nous voyons les terres se soulever sous l’amoureux travail des sèves bouillonnantes, le soleil décroître ou monter le long des troncs d’arbres, l’ombre envahir progressivement les verdures ou les nappes d’eau qui s’endorment dans la gloire pourprée des soirs ou se réveillent dans la virginité des matins. Tout s’anime, bruit, se colore ou se décolore, suivant l’heure qu’il nous représente et suivant la lente ascension, et le lent décours des astres distributeurs de clartés. Et il nous arrive cette impression que bien des fois j’ai ressentie en regardant les tableaux de M. Claude Monet : c’est que l’art disparaît, s’efface, et que nous ne nous trouvons plus qu’en présence de la nature vivante complètement conquise et domptée par ce miraculeux peintre.
Extrait d’un article publié dans Le Figaro, le 10 mars 1889
Il se mit à peindre, un jour, par hasard. Et il se trouva que, du premier coup, cette première toile fut presque un chef-d’oeuvre. Elle révélait un instinct extraordinaire de peintre, de merveilleuses et fortes qualités de vision, une sensibilité aiguë qui devinait la forme vivante et remuante sous l’aspect rigide des choses, une éloquence, une abondance d’imagination qui stupéfièrent ses amis. Alors Vincent Van Gogh s’acharna. Le travail, sans trêve, le travail, avec tous ses entêtements et toutes ses ivresses, s’empara de lui. Un besoin de produire, de créer, lui faisait une vie sans halte, sans repos, comme s’il eût voulu regagner le temps perdu. Cela dura sept ans. Et la mort vint, terrible, cueillir cette belle fleur humaine. Il laissait, le pauvre mort, avec toutes les espérances qu’un tel artiste pouvait faire concevoir, une oeuvre considérable, près de quatre cents toiles, et une énorme quantité de dessins dont quelques-uns sont d’absolus chefs-d’oeuvre.
Article publié dans L’Écho de Paris, le 31 mars 1891
En dépit de son apparente robustesse morale, M. Gauguin est une nature inquiète, tourmentée d’infini. Jamais satisfait de ce qu’il a réalisé, il va, cherchant, toujours, un au-delà. Il sent qu’il n’a pas donné de lui ce qu’il en peut donner. Des choses confuses s’agitent en son âme ; des aspirations vagues et puissantes tendent son esprit vers des voies plus abstraites, des formes d’expression plus hermétiques. Et sa pensée se reporte aux pays de lumière et de mystère qu’il a traversés. Il lui semble qu’il y a là, endormis, inviolés, des éléments d’art nouveaux et conformes à son rêve. Puis, c’est la solitude, dont il a tant besoin ; c’est la paix, et c’est le silence, où il s’écoutera mieux, où il se sentira vivre davantage.
Extrait d’un article publié dans l’Écho de Paris le 16 février 1891
M. Rodin aura été non seulement le plus grand statuaire de son temps, il en aura été aussi un des penseurs les mieux avertis des souffrances de l’âme humaine et des mystères de la vie. Non seulement il exprimera, avec une puissance toujours renouvelée, la logique beauté des formes, mais avec de la glaise, de la cire, du bronze et du marbre, il modèlera de la passion et créera de la pensée.
Article publié dans Le Journal le 4 juin 1895
M. Pissarro a introduit dans l’art des éléments novateurs qui ont rendu possibles la conquête pittoresque de certains phénomènes atmosphériques jusqu’alors inexprimés, une plus intime et plus profonde pénétration de la nature. Par conséquent il a élargi le domaine du rêve, ayant été un des premiers - le premier peut-être - à comprendre et à innover ce grand fait de la peinture contemporaine : la lumière.
Extrait d’un article publié dans Le Figaro, le 1er février 1892
Le livre est disponibles sur editions-harmattan.fr : https://www.editions-harmattan.fr/livre-les_ecrivains_decadents_et_l_anarchisme_une_tentation_fin_de_siecle_alexandre_lecroart-9782336410142-78065.html
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La fin du XIXe siècle est marquée par une série d'attentats anarchistes. Ces actes récoltent le soutien d'écrivains d'avant-garde comme Paul Adam, Octave Mirbeau et Rémy de Gourmont. Ces affinités avec l'anarchisme étonnent, venant d'écrivains résignés et élitistes qui rejettent la politique au profit de la littérature. Cet ouvrage examine l'influence qu'a exercée l'imaginaire de la décadence sur ces écrivains. Véritable mythe de la fin du siècle, la décadence donne naissance à une esthétique littéraire : le décadentisme. Mais elle agit également sur les anarchistes, qui y voient l'occasion de faire émerger une société nouvelle. Cette analyse jette ainsi un regard nouveau sur les liens entre politique et littérature. La bombe et le livre se superposent, l'utopie anarchiste et l'imaginaire décadent se télescopent. Ce cocktail détonnant laisse entrevoir une intense période de création littéraire et d'ébullition politique. Il questionne les représentations du progrès et de l'histoire, et signale l'émergence de l'artiste d'avant-garde, révolutionnaire en art et en politique.
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Bonnes lectures !
Crédit : Rudy Matile, la prise de son, d'image et montage vidéo
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