Un roman que j'ai découvert en écoutant l'autrice en parler dans l'émission La librairie francophone sur France Inter. Il y était présenté comme un roman singulier, et en effet il ne ressemble à aucun autre, par sa capacité à embarquer le lecteur avec soi dans une narration qui ne repose pour autant sur aucun code romanesque convenu mais se révèle extrêmement efficace.
Les premières pages plongent le lecteur dans l'atmosphère où Alice va évoluer du début à la fin du roman, sorte de huis clos et cage dorée tout à la fois. le début est porté par un regard assez humoristique (certaines scènes sont même très drôles). Puis peu à peu cette légèreté apparente laisse place à une sorte de malaise: il se passe des choses étranges, même les gestes les plus habituels qui s'observent dans un hôtel en deviennent suspects. Un homme se faufile dans les images, apparaissant et disparaissant, et à chaque fois il laisse sur son passage une tension qui va en s'accentuant. L'air de rien, la structure du récit pousse le lecteur dans cette tension pour le mener à la chute, qui permet de reconstituer le puzzle de certaines images récurrentes dont on se doutait qu'elles ne pouvaient être là par hasard. L'écriture, très chorégraphique (la narratrice était danseuse étoile) est magistrale: une autrice à suivre.
Commenter  J’apprécie         10
Venant du ciel une masse gigantesque et vibrante arrivait, battant le ciel de ses pales. Sur le corps affalé elle déposa lentement la couverture de son ombre : les jambes puis le ventre puis le buste, laissant la tête nue sous le soleil. A une dizaine de mètres au-dessus du corps, un hélicoptère rouge s’immobilisait, palpitant du mouvement rotatoire de son hélice, qui balayait de son souffle puissant les branches des arbres et agitait de vagues violentes la surface de la piscine. Les spectateurs, au sol, avaient reculé prudemment, le visage levé, une main sur la tête comme pour retenir leurs cheveux, fascinés par l’apparition, devenus indifférents au corps inerte dont les chairs aussi étaient balayées de vagues, et semblaient reprises de vie. Et c’était vrai, la vie était revenue, car éveillée peut-être par le vacarme de l’hélicoptère, la tête s’était redressée, et elle observait à présent, hagarde, l’engin formidable qui s’était figé au-dessus d’elle. Alors on vit sa porte s’ouvrir et un homme apparut.
Tout en marchant, je remarquai, sur la paroi que je longeais, l’ombre de mes jambes projetée par un spot latéral. Leur silhouette noire déroulait chaque pas avec cette amplitude démesurée qu’oblige la résistance de l’eau, captation d’une fuite au ralenti, comme dans ces rêves récurrents où je tentais de courir mais piétinais surplace, le sol se dérobant sous mes pieds.