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EAN : 9782916130668
65 pages
Editions du Chemin de Fer (06/11/2014)
4.06/5   9 notes
Résumé :
Cette maison – leur mémoire – est un musée qu’ils visitent comme l’on rentre dans un pays ruiné. Ils sont épuisés par avance à l’idée de tous les gestes à accomplir. Ils feraient peut-être mieux de détacher leur vie d’une enfance brodée aux initiales de quelques aïeuls oubliés. Ne rien garder, tout balancer, vendre la maison en l’état et n’ouvrir aucun tiroir.
Peut-être s’accrochent-ils à des reliques inutiles ? Ils agissent comme ils sont supposés agir... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
L'enfance est déjà lointaine pour Anna et ses deux frères, Pierre et Simon. Mais le temps d'un jeu, le jeu au loup, ils redeviennent enfants cerclés par un lourd secret.
Jouer pour exorciser les peurs d'antan qui suintent encore de la maison sombre et froide des parents aujourd'hui disparus. Pour vider meubles et objets mais aussi peut-être les souvenirs.
Jouer pour éviter de parler quand les mots ne peuvent être prononcés.
Courir, crier, se rattraper dans la lumière et l'air pur du jardin pour rassurer enfin l'enfant que chacun d'eux abrite dans son corps.
Eric Pessan est un peintre de l'intime et des non-dits. Il le prouve encore une fois avec ce beau texte qui se réfère aux contes et à l'imagerie du loup pour dire les profondes fêlures d'une enfance.
Les mots en marge du texte à la manière d'une comptine scandent la course folle des jeunes gens jusqu'au silence blanc de la page.
"La fille aux loups" imprégne également l'univers iconographique de Frédéric Khodja par un effet visuel qui tend lui aussi à échapper à la réalité en suggérant plus qu'il ne montre.
Après "Jeanne", c'est encore un grand coup de coeur pour le talentueux travail des éditions du Chemin de Fer.
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Les morsures de l'enfance

Paru en novembre 2014 aux éditions le chemin de fer, ce court roman d'Eric Pessan, illustré par des oeuvres de Frédéric Khodja, évoque le retour étouffant d'Anna et de ses deux frères dans la maison de leur enfance pour régler l'héritage de leurs parents, une maison qui se délabre et d'où remontent les marques mordantes, la parole scellée et les douleurs rentrées de leur enfance.

«Des éclats remontent, vifs et colorés, d'une netteté hallucinante.»

Pour échapper à la pesanteur de cette maison et de leurs souvenirs, frères et soeur se retrouvent dans le jardin pour jouer au loup. Les gestes d'enfants leur reviennent, conservés intacts dans la mémoire du corps mais impossibles à reproduire chez ces adultes aujourd'hui contrôlés et distants les uns des autres. le pays spontané de l'enfance, désormais perdu, affleure, en même temps que les mots rentrés des anciennes zones d'ombre.

«Peu à peu, ils perçoivent une odeur ; pas celle de la pourriture, une odeur plus difficile à saisir, une odeur qui – lentement – se déploie ; une odeur à peine perceptible tant l'air est irrespirable ; une odeur familière pourtant, qu'ils connaissent parfaitement : celle de la maison d'avant, celle de leur enfance. La puanteur lustrée de leur passé.
Cette maison – leur mémoire – est un musée qu'ils visitent comme l'on rentre dans un pays ruiné.»

Ce récit sombre s'illumine autour du personnage solaire d'Anna, enfant étrange devenue étrangère dans sa propre famille. Anna s'est rebellée, a négligé les rituels et attentes parentales, a exprimé son rejet de la violence et de la prédation dans les dessins, la musique et la mode, a multiplié les amants et les provocations.

«Anna se moque. Tu ne veux pas être le loup ? rit-elle. Tu ne veux pas endosser la peau de l'animal ? Tu te souviens du latin ? demande-t-elle essoufflée, les Romains qui appelaient louves leurs putes.»

Comme c'était le cas dans "Muette", son précédent roman paru en 2013, l'écriture subtile et maîtrisée d'Éric Pessan, sa capacité à dire les non-dits dans les blancs de la langue impressionne, dans ce roman jalonné des injonctions à double fond des comptines d'enfants .

«Parler n'a pas été, n'est pas, et ne sera pas possible. Trois loups s'accrochent aux branches d'un roman familial complexe dont le tronc se perd bien au-delà de ce qu'ils savent eux-mêmes.»
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Dans « Muette », Eric Pessan redonnait une voix à l'enfance maltraitée, tout en douceur et en compassion. Ici, il aborde à nouveau le sujet de l'enfance agressée à l'occasion de difficiles retrouvailles entre deux frères et une soeur dont la mère vient de mourir. Comme toujours dans ces circonstances le matériel l'emporte provisoirement sur le sensible. Il faut vider la maison, classer, donner, trier . Pourtant, le non-dit est omniprésent.

Comme pour exorciser une enfance douloureuse aux blessures secrètes, les trois enfants devenus adultes décident de jouer « au loup ». Et dès lors, deux bandes-son se mêlent, troublantes : il y a les voix mal assurées des enfants devenus grands qui essaient de retrouver une sorte de légèreté, chacun étant bien conscient de ce qui s'est joué entre eux autrefois, du lourd secret de leur enfance partagée dans la honte, la gêne, le trouble. Et il y a l'écho de claires voix enfantines qui répètent comme une comptine les mots du jeu, au sous-entendu effrayant : « si je t'attrape, tu vas voir ce que tu vas voir, hé, hé », « regardez-moi ce cochon », « menteuse, menteuse, menteuse ». Rien n'est dit, tout est dit : « Combien de voix, de rires et de protestations enclos en ces murs ? » 

A quelles blessures secrètes l'auteur a-t-il été confronté, directement ou non ? Il y a tant de douleur enfermée dans ses mots, tant de délicatesse dans son approche, tant de désir de résilience qu'on est avec lui bouleversé par l'enfance abîmée...La langue dont il use, tout en légèreté, se voile d'ombre par moments, la maison se fait complice, les parents tout en transparences sont inconsistants et aveugles.

« Parler n'a pas été, n'est pas, et ne sera pas possible. Trois loups s'accrochent aux branches d'un roman familial complexe dont le tronc se perd bien au-delà de ce qu'ils savent eux-mêmes. »


Et que dire de ces illustrations de Frédéric Khodja ? Dans un livre pour enfants, elles viennent souligner le texte, nourrir l'imaginaire du petit lecteur. Ici, sombres dessins angoissants, elles viennent nourrir la peur, le souvenir bloqué dans la mémoire n'arrive pas à sortir autrement que sous ces formes : maison aveugle et noire, tordue comme un origami mou et malsain, portes sombres et fermées, quasi incluses dans les murs, silhouette de jeune fille éperdue sans tête et sans visage sur laquelle des mains hostiles se posent et agrippent de leurs doigts, visage de burlesque qui ne fait pas rire dans le noir... Jusqu'à l'énigmatique dernier dessin qui laisse libre d'imaginer...le pire ? Un nouveau départ ? Qui sait ?

Un beau livre qui laisse la pensée se perdre, encore et encore, la dernière page refermée...


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Eric Pessan met le doigt là où ça fait mal. C'était déjà le cas avec Muette.
Ici, une fratrie en complète déliquescence se retrouve pour débarrasser la maison des parents disparus avant sa mise en vente.
Dès les premières lignes, j'ai ressenti la gêne qu'il y a entre les deux frères et la soeur. Difficile, pour eux, de se réapproprier, ne serait-ce qu'une journée, la maison de leur enfance. Les souvenirs ressurgissent.
J'ai supputé, deviné, mais pas entièrement. Rien n'est dit explicitement. L'attitude d'Anna, toute épine dehors, cette incapacité à se toucher, à se parler, pourquoi ? Et ce jeu du loup, où chacun sursaute lorsque l'autre le touche, ce jeu puéril, joué sans joie, histoire de ne pas se parler, de retarder le moment où. D'ailleurs se parler, ils ne le peuvent pas, plus ?
Par petites touches, Eric Pessan dévoile, sans dévoiler, tout en soulevant le voile de leur enfance commune.
Il y a dans le titre de ce livre un rappel du jeu et de l'expression populaire « voir le loup ». Anna a vu le loup et en reste blessée à vie, tout comme ses deux frères. le jeu est allé trop loin, beaucoup trop loin. Ils ne peuvent et ne savent comment affronter cette épreuve. « Parler n'a pas été, n'est pas, et ne sera pas possible. Trois loups s'accrochent aux branches d'un roman familial complexe dont le tronc se perd bien au-delà de ce qu'ils savent eux-mêmes. »

Encore cette inaptitude des parents de voir, de supposer ce qui se passait sous leurs yeux, parents effacés, aveugles ou qui ne veulent ou n'osent pas voir et savoir.

Les illustrations de Frédéric Khodja, sa mise en page soulignent l'angoisse, la peur, le silence, comme cette femme tronquée aux prises avec des mains que l'on devine hostiles.

Cette collection du Chemin de fer, «vu par », très originale, m'a offert deux petits bijoux de lecture.


Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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Anna et ses deux frères se retrouvent dans la maison des parents après leur décès. Dans le jardin, ils renouent avec le jeu du loup qui a marqué leur jeunesse. Un jeu insidieux et pervers, dont les règles se dévoilent par bribes, jamais totalement franches. le poids des non-dits, du secret, de la culpabilité, le temps qui a passé et la mémoire qui a fait son chemin.

Un roman très troublant, par son sujet et dans sa construction, parsemé de phrases enfantines, le jeu du loup omniprésent, des phrases légères qui prennent une teinte dramatique ; l'ambiance devient lourde et pressante.

Le texte est vu par Frédéric Khodja, avec un mélange de photo, collages, dessins, il représente des détails qui ponctuent le récit et prolongent le malaise. Un roman qui se lit d'une traite malgré l'ambiance sombre et pesante. La construction du texte avec notamment l'absence de chapitre, de respiration potentielle, et la voix d'enfant qui résonne à l'oreille, un ensemble bien pensé qui aspire le lecteur qui se retrouve pendant un temps dans une bulle, avec Anna et ses frères, dans le jardin d'une maison en sommeil.
Lien : http://casentlebook.fr/la-fi..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Dans le jardin comme dans la maison, des choses reviennent qui mordent l’esprit, s’accrochent et ne veulent plus desserrer la gueule.
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Vidéo de Éric Pessan
Le jeudi 25 mai 2023, les éditions Aux forges de Vulcain, représentée par David Meulemans, ont présenté aux libraires les deux romans qu'elles publient à la rentrée littéraire 2023 : MA TEMPÊTE d'Eric Pessan et AVANT LA FORÊT de Julia Colin. Ces deux romans sortent le vendredi 25 août 2023. Cette présentation est destinée à des professionnels du livre, qui doivent, au sein d'une rentrée littéraire de quatre cent titres, se répartir des lectures, et les faire pendant l'été, pour pouvoir à la rentrée conseiller des romans aux lectrices et lecteurs. Par manque de temps, l'exercice n'a pas été préparé. Nous sommes donc loin d'un standup à l'américaine, millimétré. Mais c'est cette raison même qui nous fait aimer cette vidéo : David commence sa présentation, et là, cela prend un tour inattendu car la diffusion avait prévu une surprise, une explosion de cotillons, pour fêter le succès du roman de Gilles Marchand, LE SOLDAT DESACCORDE. La "diffusion" ? La diffusion, c'est ainsi que l'on nomme dans le monde du livre les personnes qui font le lien entre les maisons d'édition et les libraires. Bien sûr, une maison d'édition a des liens directs avec les libraires. Mais la diffusion met au service des livres publiés toute une armée de personnes qui permettent d'apporter, à toutes les librairies francophones, de Paris à Santiago, les informations requises sur les nouveautés. Sans la diffusion, il n'est guère possible de donner à un livre l'écho qu'il mérite. Merci aux diffuseurs et à leurs représentantes et représentants !
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