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EAN : 9782413081333
296 pages
Delcourt (18/10/2023)
4.39/5   187 notes
Résumé :
Dans ce qui est désormais un classique, Pierre Bourdieu décryptait les liens entre goûts et classes sociales. T. Rivière en propose une relecture contemporaine en explicitant avec humour des concepts fondamentaux. Un prof, des jeunes et des couples s'interrogent, s'observent et discutent de ce qui fait leurs choix et le libre arbitre.
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Critiques, Analyses et Avis (35) Voir plus Ajouter une critique
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— Une affaire de bon goût —

Évocation en bande dessinée très réussie du pavé (dans la mare) de Pierre Bourdieu, La distinction (critique sociale du jugement), qui entreprend en 1979 d'établir « les conditions dans lesquelles sont produits les consommateurs de biens culturel et leur goût. »

Évocation, plutôt qu'adaptation, parce que livre éponyme fait facile 600 pages bien serrées, avec tableaux, graphiques, enquêtes et analyses (dans le style peu aimable de Bourdieu) démontant « l'idéologie charismatique qui tient les goûts en matière de culture légitime pour un don de la nature. »

Dans un raccourci impudent, disons que les classiques voyaient dans le beau l'incarnation sensible de la vérité, les empiristes une expérience sensorielle partagée, puis Kant l'a distingué de l'agréable, séparant le goût pur de la réflexion (contemplation esthétique) de celui des sens, « de la langue, du palais et du gosier ».

Bourdieu montre que (tous) les goûts ne sont pas dans la nature, mais dans la culture, qu'ils sont des expressions du monde social, qu'à cet égard il n'y en a pas de meilleurs, ni purs ni impurs, mais que les goûts et les pratiques de consommation (du repas de famille à la visite au musée) sont plus ou moins légitimes selon qu'ils sont ceux des mieux dotés, en capital économique ou culturel.

La BD explique avec beaucoup de clarté comment l'idée-même de goût est une vision des classes dominantes car elle suppose la liberté du choix, au contraire du goût de nécessité des classes populaires, amenées par exemple à préférer la fonction à la forme, à répondre au « parti de sublimation » par un parti-pris de réduction, de dégradation.

Non seulement nos pratiques de consommation nous révèlent, mais l'affirmation de nos goûts et dégoûts nous distingue et nous permet de nous classer. Stratégies de distinction, mais aussi de conservation, les transgressions n'ayant jamais pour but des transformations sociales en profondeur, les aspirants à la légitimité n'en ayant pas le luxe !

Dans tous les milieux, la bande dessinée illustre la violence de la vérité sociologique qui montre à quel point nous sommes les pantins de rapports sociaux. le regard des lycéens dessillé après les cours dispensés par leur jeune prof pique méchamment les parents, remis en question dans les choix qu'ils estiment les plus personnels… Ce qui se paie d'une bonne baffe.

« Le petit-bourgeois est un prolétaire que se fait petit pour devenir bourgeois. » Aïe !

Ce pourrait être un pensum, or c'est drôle, brillamment dialogué (« La femme Quechua, elle me dirait qu'elle vit dans un rayon Décathlon je serais pas étonné »), joliment dessiné, d'une ligne claire qui excelle à rendre les mouvements.
Le prof, les lycéens, les parents… Tous les personnages sonnent justes, ne sont pas les pantins de la démonstration. On les sent la vivre et s'y confronter. Bien sûr, même en près de 300 pages, il faut un peu (beaucoup) forcer la représentation du monde social pour que les personnages exemplaires parviennent à se croiser. Si la BD force le trait, c'est donc dans la représentation euphémisée d'une société française hélas encore davantage cloisonnée.

Seul bémol : une fin un peu abrupte qui fait rêver d'un tome 2.

Mon coup de coeur pour cette bande dessinée n'est bien sûr pas fortuit, ni mon choix de l'acheter, ni celui d'en faire l'article sur Babelio où certains rapports à la culture et à la lecture nous réunissent et nous distinguent, etc.

Non, on ne se refait pas (ou même si…). J'aime à cet égard cette anecdote rapportée je crois par Stravinski :

Au moujik on demande :
— Que ferais-tu si tu étais Tsar ?
— Je volerais 100 roubles et je me sauverais.
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Après sa BD savoureuse sur les thésards, « Carnets de thèse », Thiphaine Rivière publie cette « Distinction » d'après le livre de Pierre Bourdieu.
Pour vulgariser ce « pavé », elle met en scène un jeune prof de socio, originaire du milieu agricole, qui est particulièrement sensibilisé à ce sujet.
Et pour rendre concrètes les idées de Bourdieu, il a l'idée de donner des exemples dans le quotidien de ses élèves et il leur demande d'interroger leurs proches sur leur rapport à la nourriture, aux vêtements, aux loisirs...
L'idée étant de leur faire comprendre que les « prolétaires » s'autocensurent eux-mêmes en se conformant à ce que l'on attend d'eux.
Et à l'âge de ces adolescents où l'on s'ouvre au monde et où l'on rêve sa vie, leurs rêves mêmes sont limités par ce qu'ils voient dans leur entourage.
Les faire prendre conscience de cette auto-censure, les ouvrir au monde de l'art, les autoriser à imaginer leur vie, sera le but que s'assignera cet enseignant, en espérant le reproduire chaque année dans ses classes et semer quelques graines...

Même s'il ne s'agit pas de résumer cet ouvrage imposant qu'est La Distinction (que je n'ai pas lu...), j'ai trouvé sympathique cette façon de l'aborder en mettant en scène des élèves de banlieue et en les ouvrant à la Culture avec un grand C et pas seulement aux petits bouts de culture auxquels ils se limitaient eux-mêmes.
On sait tous qu'il existe des plafonds de verre où il n'y a pas de mélange de classes, on connaît le poids des déterminismes sociaux et la « reproduction » des élites, mais l'expliquer permet d'être lucide sur le monde qui nous entoure...
D'ailleurs on parle beaucoup de « transfuges de classe » en ce moment avec Nicolas Mathieu notamment (et avant lui Annie Ernaux, Didier Eribon,...), mais justement c'est souvent l'arbre qui cache la forêt...
Le dessin en noir et blanc est épuré et sert bien le propos.
Et quelques moments franchement drôles (la pièce de théâtre d'avant-garde...) rendent le propos plus léger...
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J'ai acheté cette BD pour ma fille cadette dont c'était l'anniversaire. Elle a commencé des études en sciences économiques et sociales et se passionne pour la sociologie. J'ai lu une critique sur cette BD et je me suis dit que ce sujet version BD pourrait l'intéresser. En tout cas en première approche.
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Je ne pensais pas la lire aussi. En fait je l'ai dévorée. Un sujet passionnant (les classes sociales) expliqué simplement, joliment illustré et pertinent (bon là ce n'est pas illogique ça s'inspire du bouquin de Bourdieu quand même !).
Un lycée, un nouveau prof d'éco, la banlieue parisienne. Plusieurs lycéens et ce sujet de Bourdieu sur les classes sociales, les choix culturels. Au début rétifs, certains lycéens vont s'interroger et nous avec.
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C'est passionnant. Ca m'a donné envie de lire le bouquin d'origine. Mais bon les quelques citations sont quand même arides (ça m'a rappelé Rosanvallon quand j'étais étudiante) et je sais que je n'aurais pas le courage d'affronter le texte d'origine. Un grand merci à l'autrice de m'avoir permis de découvrir ce texte et ses concepts. Pas totalement une découverte mais c'est bien de les voir ainsi réunis, expliqués et illustrés.
Pour moi une très belle synthèse claire et percutante. Simple mais pas simpliste. C'est terrible je me suis reconnue dans certaines vignettes (mes hésitations lors de certaines situations en tant que transfuge de classe : petite-fille de mineurs polonais qui ne parlaient pas français, vivaient dans un coron, j'ai pourtant fait une "grande école").
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Bon je l'avoue je l'ai piqué à ma fille, elle n'a pas encore eu le temps de le lire.... Je ne peux donc pas vous donner l'avis d'une spécialiste (par rapport à moi).
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Un grand bravo à Tiphaine Rivière pour son idée de mettre en BD la distinction de Pierre Bourdieu. S'attaquer à un livre aussi imposant et volumineux que celui-ci pour le transposer, le traduire et le vulgariser en BD c'est vraiment un chouette projet, un pari risqué mais totalement réussi.
C'est très bien fait, les messages passent avec fluidité sans pour autant être un cours.
Un jeune professeur, Monsieur Coëtker, immédiatement rebaptisé par ses élèves monsieur Kekette , issu de milieu agricole va réussir à bousculer les idées bien ancrées de son jeune public. Il veut faire passer un message , qui est d'autant plus important pour lui que c'est un peu son histoire et qu'il aurait aimé avoir ce message lorsque lui même était enfant.
Les fameux habitus sont questionnés, le capital économique et culturel abordé et il amène ces adolescents à prendre conscience des jeux de domination et à s'interroger sur le poids des déterminismes sociaux.
Voir Pierre Bourdieu, mon maître à penser, en bande dessinée et donc accessible à un plus grand nombre me ravi.
Pierre Bourdieu nous manque, il aurait tant à dire sur notre société actuelle et la façon dont notre pays est gouverné...
Donner la possibilité de s'interroger, de bousculer nos idées reçues de façon agréable est un plus et Tiphaine Rivière va permettre à certains d'avoir accès à ce questionnement en se plongeant dans sa BD qui est , il faut le dire, bien plus accessible que les presque 600 pages du livre de Pierre Bourdieu.
Les dessins servent parfaitement le texte de façon simple, explicite.
Une vraie réussite !
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Club N°55 : BD sélectionnée
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Alors oui, c'est pas très joli et les quelques premières pages donnent presque envie de reposer ce livre.

Mais ça serait vraiment dommage, parce que l'approche prise pour vulgariser l'ouvrage La Distinction de Bourdieu est vraiment sympathique, utilisant une classe mixte d'un lycée.

Les concepts principaux sont là, c'est un peu caricatural pour être accessible à tous et au final c'est plutôt sympathique.

C'est une BD que je conseillerai à tous les ados et jeunes adultes pour comprendre l'intérêt de la sociologie et l'influence du déterminisme social pour comprendre notre société.

Et pour les plus vieux, qui n'ont jamais osé s'attaquer à cette matière ou à son ouvrage, une introduction qui titillera la curiosité...

Greg
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Je m'attendais à du barbant, du blablabla...

Et bien, non en fait, elle se lit bien et reste accessible.

Nol
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Pas facile d'illustrer les thèses de Bourdieu..

La mise en situation dans une classe donne du liant au récit.

Un peu longue à mon avis.

Pas indispensable mais beau travail.

Jacques
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Lien : https://mediatheque.lannion...
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critiques presse (5)
9emeArt
12 février 2024
Cette adaptation est une très bonne porte d’entrée pour découvrir la pensée de Bourdieu en plus de pouvoir se lire en regard de l’actualité.
Lire la critique sur le site : 9emeArt
LeMonde
18 décembre 2023
Avec cette adaptation audacieuse et créative, Tiphaine Rivière démontre que, en quatre décennies, "La Distinction" n’a pas pris un gramme de poussière.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Actualitte
07 novembre 2023
Malin, habile, le projet de Tiphaine Rivière atteint ses objectifs : avec elle on (re)prend goût à la sociologie, aux jeux qui nous aident à faire corps commun et société, aux enjeux qui nous définissent à nos propres yeux et sous le regard des autres, mêmes inconnus.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Bibliobs
06 novembre 2023
C’est extrêmement tonique, finement moqueur et vertigineusement vrai.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Bedeo
26 octobre 2023
Véritable œuvre de vulgarisation et en même temps hommage au Saint Patron de la sociologie, "La Distinction" est un album rare, pétri de bonnes intentions et d’un savoir encore palpitant.
Lire la critique sur le site : Bedeo
Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
Quand nos gouvernants sont incapables de changer le système dans lequel nous vivons, qui menace jusqu'à l'existence des humains sur terre... quand il n'y a plus aucune justice sociale et l'extrême droite comme unique horizon...
... nous avons le devoir de désobéir, de toutes nos forces et par tous les moyens qui sont à notre portée.
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Dans le grand jeu des classes sociales, les classes dominantes élaborent des stratégies de conservation. Elles veulent, plus ou moins consciemment, conserver le fonctionnement actuel de la société, qui est à leur avantage.
Les transgression qu'elles s'autorisent n'ont jamais pour but de transformer la société en profondeur.
Tout est consciemment ou inconsciemment fait pour censurer les classes moyennes et inférieures pour leur faire croire qu'elles ne sont pas légitimes. Pour qu'elles disent " ce n'est pas pour moi".
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Les classes dominantes participent consciemment ou inconsciemment à établir un système qui rend les passages d'une classe à une autre excessivement difficiles. On va voir quel système leur permet de faire perdurer leurs privilèges, en donnant l'impression que ceux-ci sont fondés naturellement.
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Bien sûr que les humains sont complexes : ils débordent toujours des catégories dans lesquelles on les range.
Mais les raisonnements, en sociologie, s'appuient sur des études statistiques : si 80% d'une catégorie de gens agissent de la même façon, ça fait sens de se demander pourquoi !
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Aimer le lino et les joggings, c'est pas plus con que d'aimer le marbre et les costumes en lin, c'est des codes sociaux, c'est tout. Il faut apprendre à les maîtriser et à les manipuler.
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