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La tranquillité", roman acquis par hasard -convaincue par une jolie couverture et une quatrième intrigante- lors d'un déstockage de la médiathèque municipale, traînait sur mes étagères depuis plusieurs années. Je crois même l'avoir commencé, et avoir jeté l'éponge après une trentaine de pages... le Mois de l'Europe de l'Est était l'occasion de faire une nouvelle tentative.
Je ne regrette pas ma persévérance, car j'ai beaucoup aimé ce récit, original et au final très prenant, une fois que l'on s'est accoutumé à la nature déstructurée de l'intrigue, dénuée de logique chronologique, et dont la trame se tisse au gré de la pensée du narrateur -Andor Weér-, de ses associations d'idées, des réminiscences qui le ramènent à plusieurs périodes de sa vie, autour desquelles s'articule le récit.
Le point de départ en est la mort de sa mère. Après avoir connu la célébrité en tant que comédienne, Rebeka Weér a vécu les quinze dernières années de sa vie cloîtrée chez elle depuis quinze ans, dévastée par sa mise à l'écart de la scène, suite à son incapacité à convaincre sa fille Judit -et soeur jumelle d'Andor- de rentrer au pays. La jeune femme, violoniste de talent, avait profité d'un voyage à l'ouest pour fuir la Hongrie communiste et une mère toxique, réduisant leurs relations à des cartes postées depuis divers coins du monde, et à l'envoi mensuel d'une somme d'argent ayant assuré durant toutes ses années la subsistance maternelle.
Resté vivre auprès de Rebeka, dépendante de son fils pour assurer la maintenance du quotidien, dans leur appartement meublé de décors de théâtre, Andor a subi ses crises de démence et son comportement tyrannique, ses accès compulsifs et sa violence, se traduisant par des insultes et un implacable chantage affectif. Sa propre vie a comme été mise entre parenthèses, ponctuée de rencontres d'un soir se concluant dans des chambres d'hôtel, et par les quelques déplacements, -auxquels il se soumet, en homme peu sociable, à contrecoeur-, que lui vaut son métier d'écrivain.
Sa rencontre avec Eszter, jeune femme vulnérable mais passionnée, a bousculé cette asphyxiante routine...
Construisant son récit comme une mosaïque révélant sa cohérence au fil du lent assemblage de ses morceaux, le narrateur nous mène de ses souvenirs d'enfance aux épisodes ardents et parfois houleux de sa liaison avec Eszter, de ceux révélant la nature trouble et aliénante de sa relation avec sa mère aux rencontres sporadiques avec une éditrice vieillissante qui le répugne et l'excite tout à la fois...
Secrets de famille et immersion dans l'intimité s'entremêlent à l'évocation d'une Hongrie opprimée par l'idéologie communiste, dans ce texte fort, sulfureux et complexe, porté par la brutale et ironique sincérité d'un narrateur sans aucune complaisance avec les autres comme avec lui-même.
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