Bien que j'aie largement assez de quoi lire ces temps-ci entre ce que j'ai emprunté à la bibliothèque et ce qui s'entasse de façon fort désordonnée sur mes propres étagères, ne voilà-t-il pas que je me dis, vers la mi-avril : "Ce qui me manque, c'est un petit roman policier tranquille pour lire avant de m'endormir". Il faut dire que j'étais en plein dans des essais plus ésotériques les uns que les autres, et que le soir venu, j'avais bien besoin d'un peu de répit. Néanmoins, il est vrai aussi que des romans policiers, j'en possède un grand nombre. le seul souci, c'est que, au fil des années, je les ai lus, relus, encore relus, et que là, j'en peux plus. Me voilà donc plongée dans ma récolte issue de boîtes à livres et de diverses braderies, récolte peu engageante car entassée pêle-mêle dans un carton poussiéreux (depuis, mon conjoint a nettoyé et rangé tout ça très soigneusement, grâces lui soit rendues). Et c'est là que je tombe exactement sur ce que je cherchais : un truc pas prise de tête, parfait pour s'apaiser avant de s'endormir. Ce livre, je l'ai justement pêché dans une boîte à livres il y a bien un an de ça, hésitant à le prendre parce que j'avais lu un autre titre de l'auteur qui ne m'avait laissé qu'un souvenir extrêmement flou et pas spécialement flatteur - ni vraiment mauvais, cela dit. J'ai quand même emporté le roman par le fait d'une curiosité renouvelée, et bien m'en a pris, même s'il m'a fallu du temps pour en profiter enfin. Et, oui, j'ai conscience que je viens de raconter ma vie pendant un un paragraphe entier (c'est pour mes fans, qui aiment connaître ce genre de détails outrageusement croustillants).
Me voici donc plongée dans l'Égypte des années 1910, sous tutelle britannique depuis 1879, et officiellement sous l'autorité d'un khédive, pour faire genre "c'est quand même les Égyptiens qui décident". Bon. Dans le roman de
Michael Pearce, la fonction de mamour zapt, plus ou moins chef de la police secrète, est occupée par notre héros, Gareth Owen. On comprend que les revendications nationalistes des Égyptiens inquiètent de plus en plus les Britanniques, et Owen est en pleine recherche d'armes clandestines destinées à lancer une offensive contre le pouvoir en place. Mais voilà qu'on fait appel à lui pour un meurtre potentiel qui n'a apparemment rien de politique - excepté qu'un fils du khédive est impliqué dans l'affaire.
Tout, ou presque, va reposer sur la recherche du corps d'une jeune femme disparue, corps qui apparaît et disparaît inopinément de façon très agaçante. Mettons les choses au point dès à présent : amateurs d'enquêtes au rythme trépidant, passez votre chemin. L'enquête est longue, l'enquête n'avance pas. le rythme du roman m'a parfaitement convenu, s'harmonisant, encore une fois parfaitement, avec mon propre rythme de lecture vespérale - ce qui constitue un argument outrageusement subjectif. Cela dit, ce rythme très lent (mais vraiment très lent) du récit s'accorde également très bien avec la chaleur de l'Égypte qui pèse sur les personnages, ainsi qu'avec les lenteurs des démarches diplomatiques qui entravent l'enquête toujours davantage.
J'aurais aimé en apprendre davantage sur l'Égypte de l'époque, et j'avoue que de ce côté-là, l'auteur ne s'est pas trop creusé la tête. Certes, l'enquête révèle les revendications nationalistes grandissantes qui ne feront qu'enfler par la suite, mais c'est un peu léger. Quant aux personnages, ils sont un peu caricaturaux. Entre Zeinab, la femme libre égyptienne qui se livre tout le temps à des excès d'émotivité, Owen qui est vraiment très propre sur lui (c'est à se demander comment il a obtenu son poste), Mahmoud, le policier égyptien hyper intègre, voire plus qu'Owen (ce qui est un exploit), on ne donne pas dans la subtilité. Et puis ça a un petit air colonialiste que je retrouve assez souvent chez les écrivains britanniques qui ont vécu dans des pays colonisés par... la Grande-Bretagne. Ou alors c'est moi qui voit le mal partout... C'est pas dit comme ça, je ne sais même pas si c'est réellement ce que pense l'auteur, mais les personnages principaux m'ont l'air de fervents partisans de la modernité européenne, et au diable les traditions (la plupart du temps) ! Cela dit, c'est pas non plus une ode à la colonisation et la réaction des protagonistes colle ma foi avec une pensée en apparence dominante, qui était celle de la tutelle britannique en Égypte.
Voilà, ça ne se veut pas une réflexion poussée sur la colonisation ou sur la société, c'est écrit avant tout pour divertir un lectorat qui aime retrouver ses héros de romans policiers préférés dans un cadre qui le fait voyager dans l'espace et dans le temps, et c'est à prendre comme tel. Et c'est fait pour être lu tranquillement. Très tranquillement.