Beaucoup de maîtrise...
Je lis très régulièrement des BD, pour lesquelles je n'ai pas toujours l'envie ni le temps d'écrire un avis. Mais je crois que cette série mérite que l'on s'y attarde.
Pourtant, elle ne m'a pas happé instantanément. Elle n'est pas particulièrement innovante. La moralité de certains personnages choque, même si leur psychologie est très fouillée...
Au début de la série, j'ai même un peu peiné à entrer dans cette représentation stéréotypée des années 70, esquissée par
Uli Oesterle.
Pourtant, l'esthétisme du livre est attrayant. Les yeux familiers reconnaitront le trait expressif du papa d'Hector Umbra, quoique devenu plus discret, ombragé, géométrique, à l'image des graphismes d'
Alexandre Clérisse.
Les couleurs sont tout aussi réussies, établissant une codification selon les temporalités, les émotions, les points de vue... comme
Riad Sattouf le faisait déjà, pour distinguer les différents lieux de son récit dans l'AduF ou les personnages dans Jeune acteur.
De plus, le scénario se révèle être palpitant, avec un récit double, jonglant entre un père décadent et son fils devenu adulte. Il y a des thèmes forts : relations humaines, inégalités de genre, addiction à l'alcool, au sexe... D'une grande intensité.
L'histoire est traitée avec élégance,
Uli Oesterle ayant assimilé tous les codes de la BD, moderne ou ancienne.
On y retrouve la profonde noirceur d'un
Larcenet, avec ses clochards et autres pousseurs de caddies...
Comme savait le faire Charlier auparavant, le rythme est frénétique, haletant... à la différence qu'il y a aussi une part de réel, très "nouvelle vague", et un investissement particulier de l'auteur pour son oeuvre...
Surtout, le tome 2 surpasse le 1... Je n'aurai pas vu le temps passer en lisant les deux albums, tellement je fus absorbé. Hâte de voir la suite...
Ainsi le lait paternel, titre qui pourrait faire ricaner, est en réalité « une biographie fictive de Peter Oesterle », père d'Uli. Tel que l'indique la postface du tome 1, elle s'appuie sur des « anecdotes librement inventées – mais dont chaque mot est empreint de vérité ».
...Pour raconter la vie débridée et délictueuse, pour ne pas dire criminelle, d'un père absent.