AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782868081247
127 pages
Christian Pirot (05/11/1998)
4.39/5   9 notes
Résumé :
Bernard Dimey était un être démesuré qui se demandait pourquoi il vivait souvent parmi les nains. Ayant soif d'absolu, il aurait aimé croire au Paradis superbe de son enfance, retrouver «les routes du silence, les chemins du Seigneur ou de la Belle au bois». L'appétit de vie de cet ogré chaleureux qui brûla la chandelle par les deux bouts ne saurait cacher le mal de vivre, la menace obsédante de la mort. Qu'est-ce que la Poésie? C'est mettre sa nuit en lumière. Cett... >Voir plus
Que lire après Le Milieu de la nuitVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Témoignage de JL Foulquier:

Bernard Dimey est un cactus du pavé de la butte. Ancré là et increvable.
Lorsque nous passons la rue des Abbesses, il me dit : On va à Paris.
Il m'apprend les dangers de la ville et s'emploie à me faire renifler la vie et les secrets de ce quartier. Les choses importantes se passent au village et nulle part ailleurs.
Lorsque je rencontre Bernard Dimey, je ne sais pas encore qui il est. Pourtant, il a déjà écrit Mon truc en plumes pour Zizi Jeanmaire, Mémère pour Michel Simon et Syracuse pour Henri Salvador. Ses Poèmes voyous ont déjà biberonné toute une génération avide de sensations suburbaines.
Il dit ses textes au Gavroche, ou au Tire-Bouchon et se suffit largement d'une notoriété de cabaret.
Dimey est le pacha du village Montmartre et règne en maître sur le sommet de cette pièce montée gorgée de traditions.
Il aime les rituels. Chaque samedi après-midi, il m'attend sur le coup de quatorze heures. Je suis planté devant un petit bouquiniste, le regard rivé sur sa fenêtre.
J'attends son signal pour monter. Il ouvre la fenêtre et gueule sans apparaître : Foulquier t'as du Bordeaux ?
Sans attendre, je m'engouffre dans son allée, sors ma bouteille de Bordeaux et me présente à lui, la gueule enfarinée ! Comme un gamin visitant le Père Noël, on s'assoit face à face.
Je l'écoute parler, bougonner et tourner les pages de son encyclopédie de la vie.
Je le regarde avec un tel bonheur qu'il se sent aimé pour la première fois.
Je deviens son fils adoptif, sa mascotte montmartroise.
Soudain je n'ai plus honte de mon inculture qui devient une chance.
Cette soif d'apprendre et de comprendre bouleverse nos rapports. Désormais, je ne peux respirer sans l'ombre de Dimey. C'est un abri, un havre de paix régénérant, un professeur imprévisible.
Mon guide, premier de cordée. Ma conscience.

Jean-Louis FOULQUIER Extrait de "AU LARGE DE LA NUIT"
Denoël, 1990, pp 59-60.

Commenter  J’apprécie          51

Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Mon dernier cheval
  
  
  
  
Je n’ai pour chevaucher au hasard de mes jours
Qu’un vieux carcan blessé qui boite et qui s’essouffle,
Vraiment ce qu’on appelle un cheval de retour,
Qui s’est brisé l’échine à porter des maroufles.

Je n’ai que sa carcasse et la mienne et je sais
Que pour aller très loin c’est bien peu pour un homme
Dont le courage est mort et le reste est brisé ;
Le présent me fatigue et l’avenir m’assomme.

Je n’ai pour subsister que trois fois rien d’orgueil
Qui se bat comme il peut mais qui ne peut plus guère.
Des châteaux à venir j’ai déjà fait mon deuil,
Mon cheval est trop vieux pour faire encor’ la guerre.

Il a voyagé loin, son squelette est faussé,
S’il se repose une heure il est couvert de mouches.
Le faire aller plus loin me semble bien risqué,
Avec un mort en selle et l’autre dans la bouche.

Je sais qu’il va se perdre à la croix des chemins,
Qu’il va s’agenouiller et me laisser par terre,
Peut-être cette nuit, ou peut-être demain…
Ne faites qu’un seul trou et rabattez la terre.
Commenter  J’apprécie          90
Je reviens d’un pays…
  
  
  
  
Je reviens d’un pays plus désert que ma tête
Où les gens que j’ai vus ne me connaissaient pas.
J’étais sale, oscillant, velu comme une bête.
Des enfants me suivaient qui riaient sur mes pas,
Moi je n’entendais rien… Le soleil ni la pluie
Ne me concernaient plus… Je dormais tout debout,
Les pommiers, les iris étaient couleur de suie,
J’avançais sans espoir d’en jamais voir le bout.

Je ne connaissais rien de ces mornes contrées.
Dans ma nuit j’entendais sonner l’heure au clocher,
Des airs de limonaire, de kermesses passées,
Et je ne savais plus de quel côté pencher.
C’est affreux d’avancer sans savoir qu’on recule,
De laisser des lambeaux de soi-même partout,
De n’être en plein soleil qu’un point noir minuscule
Qui bientôt ne sera sans doute rien du tout.

Je sais que l’on m’avait retiré des organes
Mais je ne savais pas très bien lesquels… et c’est curieux
De voir en trois secondes un bouquet qui se fane,
Une rose du jour s’effeuiller sous vos yeux.
C’est une étrange affaire… alors on se demande
Où sont les vérités dans ces effondrements.
À quel Dieu présenter sa déroute en offrande ?
On dit «mourir d’amour », il faut savoir comment.

L’enfer est un pays sans fenêtre ni porte
Où la femme que j’aime est peinte en trompe-l’œil.
Je sais bien, malgré tout, qu’il faudrait que j’en sorte.
Même si j’y parviens, qui m’attend sur le seuil ?
Je ne remonterai jamais sur ces manèges,
Mes beaux chevaux de bois ne seraient plus pareils.
Je voudrais devenir un bonhomme de neige
Et fondre doucement, en silence, au soleil…
Commenter  J’apprécie          50
L’Avarice
  
  
  
  
Avec mes pattes aux ongles courbes
Je gratterai la terre autour de moi
Si longtemps
Que j’en aurai les doigts saignants.
Sans rien dire, en secret,
Je visiterai les ruines de vos demeures
Avec patience, avec une joie fabuleuse.

Je sais déterrer la pépite
Où vous ne voyez que l’ordure,
Je sais me faire des feux de joie
Avec le salpêtre des murs.

J’aime l’ombre et la glace,
Mon cœur est de silex
Et mes os de métal,
Je suis un crustacé,
Je vis dans une armure,
J’avance à pas comptés,
J’ai le sang couleur d’encre
Et je m’en porte bien.

De jour en jour mes doigts s’allongent
Et se couvrent de poils.
Je tremble, je tremble,
Je frémis, je vibre,
Mes yeux multiples,
Minuscules,
Vous dévisagent en silence
Et vous n’en savez rien.
Je tisse, je tisse ma toile
Où vous allez venir vous coller
Un par un.

Je ne dis rien
Jamais.
Je règne.
Commenter  J’apprécie          80
Mes quartiers d’hiver
  
  
  
  
Lorsque le jour viendra de mes quartiers d’hiver,
Je mettrai tout mon or au fond de ma valise
Et puis je m’en irai, sans rien sous ma chemise,
Vers un très vieux couvent au milieu du désert,
Et quand j’arriverai devant le monastère
Ma valise et mon or, tout aura disparu,
Ma chemise sera déchirée par les pierres ;
Si Dieu m’assiste un peu, j’arriverai tout nu…

Si ma chance veut bien, la porte s’ouvrira
Et l’on me donnera peut-être un bol de soupe.
Je m’agenouillerai pour la prière en groupe,
Je me relèverai en disant : « Me voilà,
C’est moi… Je n’ai jamais vécu que de paroles,
Et si je viens chez vous, c’est qu’on n’y parle pas.
Je ne demande rien que d’être à votre école
Et je travaillerai pour payer mes repas ».

On me fera couper ma barbe et mes cheveux,
On me fera choisir une robe de bure,
Le calme se lira bientôt sur ma figure,
Et j’irai vers l’enfance et je deviendrai vieux.
Je me fabriquerai des Bon Dieu de fortune,
Un Paradis superbe et j’y croirai très fort.
Je me promènerai le soir au clair de lune
En prenant, peu à peu, la couleur du décor.

Je recommencerai ma vie rien que pour moi,
À reculons j’irai vers mon adolescence,
Je retrouverai bien les routes du silence,
Les chemins du Seigneur ou de la Belle au Bois.
Le bonheur ne sera qu’une habitude à prendre,
Les rides me viendront mais j’aurai les yeux clairs,
Je n’aurai rien à dire et plus rien à comprendre
Lorsque le jour viendra de mes quartiers d’hiver.
Commenter  J’apprécie          20
La Luxure
  
  
  
  
Vivre
Avec le parfum de ta peau
Tes cheveux sous mes doigts
La douceur de ton ventre
Et descendre
Et descendre
Et chercher le corail à l’intérieur de toi.

S’apprivoiser cruellement
D’un sexe et d’une bouche à l’autre
Jusqu’à l’épanouissement magique
Au centre de ta croix
D’anémones de mer.

Vivre
Avec au cœur des nuits
Cette rose effeuillée qui gémit
Qui se plaint
Qui rêve qui délire
Qui mélange en un cri
Le Paradis, l’Enfer,
L’éternité, l’instant,
Les couleurs jamais vues.

L’explosion, soudain, des artères et des veines,
Et le silence après
Qui pleure une chanson de source.

Vivre
Et que le poignard de ma joie
T’ouvre et te fende comme un fruit,
Comme une grenade éclatée.

Je t’aime je t’aime je t’aime
Et le péché n’existe pas.
Commenter  J’apprécie          20

Video de Bernard Dimey (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Bernard Dimey
Lecture du poême "Le bestiaire de Paris" de Bernard DImey
autres livres classés : poésieVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (16) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1228 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}