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EAN : 9782017214519
480 pages
hachette heroes (01/03/2023)
3.65/5   31 notes
Résumé :
Les assassinats d’enfants sont déclarés Fléau National.

« Désormais, les individus ayant commis ces crimes abjects seront condamnés à reconstituer scientifiquement et en temps réel, l’avenir avorté de leur victime, dans le but d’alléger la douleur des familles en leur offrant un prolongement virtuel de la vie de leur enfant. Parce que nous courons tous le risque d’avoir un enfant, un neveux, une filleule assassinés, ce risque sera mutualisé entre tous... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Au petit jeu du premier roman, on distingue deux catégories d'auteurs.
D'abord, ceux qui tâtonnent et cherchent du solide et de l'efficace pour offrir au public un premier contact plutôt fédérateur.
Ensuite, ceux qui veulent imposer leur marque, leur style d'emblée, quitte à s'aliéner une partie du public.
Brice Reveney, ancien avocat et juriste, appartient clairement à la seconde catégorie. Pour preuve, son premier (gros) roman publié chez la jeune collection du Rayon Imaginaire aux éditions Hachette : le Programme Lazare. Flirtant avec les 500 pages, ce pavé intrigue autant qu'il met mal à l'aise, et cela dès la quatrième de couverture qui nous parle de meurtres d'enfants et d'avenir, deux notions à priori incompatibles.
Mais Brice Reveney a un plan, ou plutôt un programme, et vous n'êtes vraiment pas prêts pour ce qu'il vous réserve…

Nous sommes dans un futur proche, très proche. Tellement proche qu'on ne décèle de prime abord aucune véritable différence avec notre monde.
Frère Marjorie vient d'arriver dans un lieu reculé, une sorte de monastère dirigé par un certain Frère Séverine, et qui sert à la foi de lieu de repentance mais aussi de prison. Une prison d'un type très particulier.
Dans cette France là, le meurtre d'enfants devient une cause nationale, surtout depuis que le susnommé Frère Séverine a jeté un pavé dans la mare en proposant une solution pour le moins inattendue au problème posé par ce genre d'atrocités.
Frère Séverine n'est pas un moine, même s'il en arbore la bure.
Frère Séverine est un tueur d'enfants qui porte le prénom de la petite fille à laquelle il a ôté la vie quelques années plus tôt. Alors qu'il purgeait sa peine, notre homme a une illumination en récupérant les effets personnels de sa victime : Et s'il pouvait ressusciter la gamine ?
Maniaque et obsessif, il entreprend alors d'imaginer ce à quoi aurait ressemblé la vie de Séverine si elle n'avait jamais croisé sa route.
Pièce par pièce, morceau par morceau, la petite reprend chair dans l'esprit de son tueur devenu Tuteur. Et voici que naît le Programme Lazare.
Voté après un débat des plus houleux à l'Assemblée Nationale, le programme prévoit que le tueur d'enfants soit condamné à prolonger la vie de sa victime en imaginant jour après jour ce que son existence aurait pu être sans l'horreur qui s'est abattue sur elle au bénéfice des parents éplorés. Installés dans un Monastère, suivi de près par les autorités, les dix premiers Frères s'attellent dès lors à cette tâche ardue proche de l'impossible. C'est le dernier arrivant, un certain Frère Marjorie, qui va plonger le plus loin dans cette entreprise insensée pour offrir à Véronique et Bertrand Goubreau une chance de « voir » leur fille grandir.
Ainsi, tel le chat de Schrödinger, Marjorie est à la fois morte et vivante.
Dire que le postulat de départ du roman de Brice Reveney est d'une audace rare serait un euphémisme. D'autant plus que le bonhomme n'a nullement l'intention de faire les choses à moitié.
Pendant près de 500 pages divisées en trois parties, nous allons suivre de près ce fameux programme Lazare en nous centrant principalement sur la tentative surréaliste de Frère Marjorie sous la houlette du fascinant Frère Séverine. Pour se faire, Brice Reveney emploie tous les moyens mis à sa disposition par la fiction. le roman traditionnel, bien sûr, mais également des documents officiels tel que le compte rendu d'une séance de l'Assemblée Nationale, un extrait de programme éducative, un article de journal ou encore une lettre d'officier de justice. Pour mieux figurer encore les multiples niveaux de lecture de cette histoire et rendre compte des moments où fiction et réalité s'entremêlent, l'auteur change de police d'écriture ou scinde la page en plusieurs colonnes, mettant sur le papier la scission mentale qui se produit pour ses personnages.
Le Programme Lazare est une entreprise d'un sérieux impressionnant à peine entrecoupée d'excès humoristiques pour éviter de sombrer entièrement tant la noirceur du sujet va loin, très loin.

En inventant une sorte de justice réparatrice poussée à l'extrême, Brice Reveney ouvre les portes à une réflexion ample et glaçante sur le deuil et le déni, deux notions indissociables et inévitables. Ou presque.
Puisque par le Programme Lazare, voici que la société tente d'oblitérer le processus du deuil et la douleur qui s'y attache.
Pour traiter de ce sujet sensible, l'auteur ne fait pas dans la demi-mesure puisqu'il fonde toute son histoire sur un tabou social complet : la mort d'un enfant. Et pas n'importe quelle mort non plus, celle par la violence d'un autre, un homme devenu monstre aux yeux de tous. Les choses, cependant, sont pourtant beaucoup plus complexes, même dans des ténèbres aussi épaisses. En effet, le Programme Lazare n'a pas peur du noir, ni du malaisant. Pire, il fait dans l'ambiguïté morale auprès du lecteur qui se retrouve bien embarrassé à suivre les états d'âmes de plusieurs personnes coupables du pire, oubliant parfois l'espace de quelques chapitres que ceux qu'il suit sont aussi des assassins ignobles.
D'écho en écho, Brice Reveney montre une société qui veut nier l'existence de crimes aussi terribles et effroyables, à la fois sur le plan de leurs conséquences à l'échelle individuelle comme à l'échelle collective, sans même parler de ces encombrants tueurs qui deviennent de facto des monstres. La réalité du roman montre pourtant quelque chose de plus insidieux, qui va au-delà du sinistre conte dont on veut se convaincre.
Des raisons, des éléments prémonitoires, un environnement, bref, des explications à ce que l'on veut éviter de regarder.
Expliquer l'indicible ne veut cependant pas dire le cautionner et Brice Reveney est bien plus intéressé par l'obsession d'une société pour une justice qui frôle le grotesque et qui, surtout, permettrait de gommer le réel. Dès lors, le Programme Lazare déploie une personnalité presque Dickienne dans son déroulé tant l'auteur met un point d'honneur à imaginer la situation de ces parents à qui l'on offre la possibilité de dérouter leur chagrin pour faire croire que l'être aimé existe toujours.
Ainsi, Marjorie semble vivre sa vie, sans chair ou chaleur mais avec un impact réel sur ce qui l'entoure. Elle intègre des classes, se fait des ami(e)s par message ou par lettre, sort même avec des garçons à qui l'on impose une relation qui, en réalité, n'existe pas. Entêtée pourtant, la société est prête à tout pour montrer sa sollicitude et sa bienveillance afin d'aider la victime pourtant décédée depuis longtemps.
Perturbant, le procédé n'en reste pas moins malin et passionnant à lire tant Brice Reveney plonge loin dans son délire et tente de rendre la chose la plus crédible possible, ou du moins, jusqu'à un certain point.

De l'autre côté du mur de cette étrange réalité, on retrouve une congrégation de personnages à la fois complètement fous et complètement (extra)lucides, sortes de mélange improbable entre religieux, devins, créateurs et fous à lier.
Il est d'ailleurs cocasse de constater que Brice Reveney lie à ce point des tueurs d'enfants au fait religieux quant bien même le Doyen de cette congrégation semble à tout prix vouloir humilier son Créateur.
Le Programme Lazare se pare d'ailleurs souvent d'un ton religieux, presque mystique, mettant en avant une société qui déifie l'Enfance et fait des pauvres petites victimes des martyrs en puissance, image d'un Jésus en culottes courtes qui justifie à peu près tout.
Le problème, c'est qu'à force de pousser le plus loin possible son entreprise, Brice Reveney demande une sacré suspension de sa crédulité au lecteur, notamment dans la dernière partie, où tout cela flirte avec le grotesque ou, plutôt, avec une zone grise entre surréalisme et folie collective. Ce qui reste pourtant le plus intéressant et roublard là-dedans, outre la propension du récit à accumuler les éléments improbables pour maintenir des gamins morts en vie, c'est à quel point ce déni de réalité nécessite des cerveaux créateurs qui brisent les murs du Réel.
Ici, le roman rapproche sans le vouloir ces assassins devenus démiurges de l'écrivain et du créateur d'univers, interrogeant sur le pouvoir littéraire et les personnages de papier dont accouchent nos auteurs préférés.
Qu'est-ce qui, fondamentalement, sépare l'assassin de l'écrivain qui tue ses propres personnages ? de pages en pages, la limite entre la fiction qui fait revivre Marjorie et la réalité où elle n'existe plus se brouille, tant et si bien qu'on peine ultimement à se rappeler qu'elle est effectivement morte et qu'elle n'est qu'un personne inventée par un autre personnage.
Vertige métaphysique et angoisse existentielle.
Le Programme Lazare n'épargne donc rien à son lecteur et semble toujours vouloir le placer dans l'inconfort, niant les principes manichéens qui, pourtant, devraient très facilement s'appliquer dans le cas le plus caricatural que puisse nous offrir la justice.
Mais rien n'est aussi simple une fois que l'on passe de l'autre côté du Miroir.
Et la Justice semble ici aveugle à ce qu'elle peut causer à force d'excès et d'ampleur. Sans deuil, pas d'avenir pour les victimes et pour les assassins, pas de pénitence et un éternel recommencement au sein d'une société qui n'apprend rien et n'évolue plus.

Aussi fascinant que complètement inconfortable, le Programme Lazare est un premier roman d'une audace qui force le respect. Soutenu par un style complexe et un jusqu'au-boutisme clivant à souhait, l'histoire de Marjorie et des Frères de cet étrange monastère risque bien de vous hanter quelques temps.
Imparfait certes, mais drôlement impressionnant.
Lien : https://justaword.fr/le-prog..
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Une réflexion sur le deuil ... qui foisonne de vie. L'attention aux personnages, la richesse psychologique correctement mixée à la dramaturgie sont rares en SF, si bien qu'on referme le livre en se disant qu'on ne vient pas vraiment de lire de la SF.
Il s'agit en fait davantage d'une vision cauchemardée de notre monde où l'homme cherche à dominer la biologie en jouant sur le genderfluid et en décidant du moment de sa mort... ou ici, en refusant le travail du deuil, les assassins d'enfant étant condamnés leur vie durant à prolonger virtuellement l'existence de leurs victime pour le confort mental des parents.
Un point de départ étrange donc, mais aussi à son service un livre foisonnant de vie. Il y a les tueurs enfermés dans un ermitage, tous affublés du prénom de leur victime, parmi lesquels frère Dylan, qui "reconstitue" avec une rage impuissante un enfant à la vie malchanceuse, frère Nicolas, dont l'enfant est trop parfait pour ne pas susciter de doutes sur la véracité de sa reconstitution, frère Nabilla, arrivé au bout du processus de dépersonnalisation engendré par une vie consacré à la mémoire d'un autre... Il y a le doyen du monastère, obsédé par les thèses déterministes qui lui permettent de se déculpabiliser des horreurs qu'il a commises ... au point de se laisser manipuler par frère Marjorie, la figure centrale autour duquel s'articulent toutes les péripéties de l'histoire!

Il y a aussi les parents de Marjorie, au début dévorés de souffrance, puis par la culpabilité lorsqu'ils vont vouloir mettre fin à la reconstitution de leur fille pour préserver leur santé mentale... car mettre fin à la reconstitution de Marjorie, n'est ce pas la tuer une seconde fois?
Il y a le "petit peuple" du programme, depuis le consultant psychologue arriviste jusqu'aux "petites mains" qui, occupées à reconstituer les enfants dans le monde physique, en viennent à les idôlatrer... là où certains citoyens sommés de faire partie de la vie de Marjorie ne savent que faire pour s'en dépêtrer (voir l'excellent personnage de Romain).

Et il y a enfin les enfants reconstitués du Programme, que l'histoire érige progressivement au rang de personnages à part entière: la "Sainte patronne" Séverine, légendaire car jamais reconstituée, Nicolas, Dylan, et naturellement cette Marjorie qui met l'histoire à feu et à sang, tant la parfaite reconstitution de sa personnalité charismatique déchaîne l'amour et l'exclusivisme, plaçant finalement en concurrence le tueur, l'Etat et les parents...
Tant pis si je spoile quelque peu (et je ne dis rien entre autres du twist final et des documents zarbi disposés un peu partout pour "authentifier" l'histoire), le tout est de donner une idée de ce roman hors normes qui laisse profondément troublé. S'il y a d'un côté les livres qui enfoncent les portes ouvertes et ceux qui ouvrent des portes dont on n'avait même pas idée, à coup sûr ce livre appartient à la seconde catégorie.
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Un roman un peu perché, parfois dérangeant, souvent déroutant, qui m'a inspiré à la fois une sorte de fascination et un sentiment de rejet assez violent, à tel point que j'ai dû lire ce roman en plusieurs fois, en l'intercalant d'autres lectures. C'est une lecture assez dense et surtout un style particulier et un peu lourd qui m'a donné parfois une sensation de trop plein que j'avais besoin de bien digérer avant de m'y remettre. Si j'ai globalement apprécié cette lecture, en grande partie pour son côté très décalé et assez inattendu, je suis tout de même soulagée d'en être enfin arrivée à bout.
Il faut ouvrir ce roman en totale ouverture d'esprit et en laissant la suspension d'incrédulité à son plein volume. Parce que c'est un peu n'importe quoi, cette idée de mettre leurs propres meurtriers à contribution pour faire vivre leur vie à ces enfants disparus, comme s'ils étaient encore là sans l'être vraiment, mais après tout... pourquoi pas ? En tout cas, ça promettait un sacré exercice et j'étais vraiment curieuse de voir ce que l'auteur allait en faire. Plusieurs fois, j'ai eu l'impression qu'il perdait le contrôle de son histoire et que ça allait partir en complet wtf (et pourtant c'était difficile de faire plus wtf 😆) mais au final non, le tout est plutôt bien maîtrisé du début à la fin même si dans l'absolu le fond de l'histoire reste très improbable…
Enfin, plus qu'une histoire cohérente avec intrigue, déclencheur, climax et dénouement, le propos de ce roman est avant tout de poser une sorte de critique de ce que le comportement humain peut avoir de plus absurde et irrationnel. Je ne vais pas en faire une analyse parce que je suis très mauvaise à cet exercice mais si les romans d'anticipation très portés sur la psychologie, avec un style plutôt dense mais parfois assez cru, vous attirent, alors celui-ci est complètement fait pour vous.
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L'alchimie qui se crée, ou non, entre un livre et son lecteur tient parfois du mystère. Sur le papier, ce livre proposait tout ce qui pouvait me plaire, de son sujet à son contexte.
Hélas, j'en suis le premier désolé, cette alchimie n'a pas été au rendez-vous à la lecture de ce premier roman.
J'aime quand une écriture apporte une vraie touche personnelle à une histoire, mais parfois celle-ci n'entre pas en résonance avec le lecteur que je suis. C'est rare, mais ça a été le cas avec ce Programme Lazare. Au point de me faire abandonner la lecture en cours (ce qui est rare également).
C'est clairement une affaire de ressenti, qui m'a fait me tenir en dehors de ma lecture, à distance.
Impossible donc de donner un avis sur l'intrigue, sur la construction, les personnages. Seule cette écriture m'a bloqué, qui m'a semblé lourde et souvent étrange. Pas à mon goût en tout cas, et pourtant j'aime être surpris par le style aussi.
A tester de votre côté, c'est suffisamment singulier pour tenter le coup.
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La mort : un sujet délicat, que les écrivains et les politiques manient habituellement avec des pincettes. Ici, un gouvernement mi-social, mi-libéral décide d'astreindre les assassins d'enfants à la tâche de se consacrer à l'évolution de l'enfant qu'ils ont assassiné, jour après jour, afin de communiquer cette fiction aux parents endeuillés pour, autant que possible, leur rendre la vie plus douce. Une fiction travaillée scientifiquement qui a toutes les apparences du vrai, et sera même corroborée par des travaux, films, photos de l'enfant, et plus encore, à prendre en compte dans la vie des tiers qui seront amenés à « côtoyer » l'enfant.

D'emblée devant un topic pareil on se dit : je n'y croirai jamais (réflexe qu'avec le recul je juge prétentieux )
Or force est de constater qu'ici ça fonctionne.

Psychologiquement d'abord : les parents hésitent longuement avant de dire oui au Programme, montrent leur désaccord (la mère est plus pour que le père), passent en revue leurs scrupules (est ce sérieux ? est ce moral d'inventer un futur, même authentifié, à leur fille ?), résistent à cette tentation jusqu'à la limite de ce point du travail de deuil où ils ne pourront pas revenir en arrière (très belle idée qu'ils se torturent et endurent les mutations physiques et tourments psy afin de légitimer une solution … non légitimable). Et enfin l'acceptation pour un voyage qui se révèlera à destination d'un enfer pire encore que ce deuil inassumé.

Dramaturgiquement ensuite : l'auteur décrit tout ce qui va crédibiliser ce principe pour les parents de s'illusionner sur la fiction: aide médicamenteuse pour créer des souvenirs arrangés et affadir leur esprit critique, coaching d'une psy pour installer une sorte de dialogue médiatisé avec l'enfant, « stimuli » fabriqués qui sont des « traces » de la vie de l'enfant…

Parallèlement, le roman crédibilise la méthode de « reconstitution » de l'enfant utilisée par les tueurs: méditation, logique, méthodes statistiques, réunions, recours au hasard, identification à l'enfant, divination enfin lorsque l'assassin de Marjorie se découvre des facultés d'accès à la conscience de Marjorie (dans un autre monde?) qui vont lui permettre d'imposer une nouvelle version du programme Lazare visant à réintroduire totalement l'enfant mort dans le monde réel… quitte à ce que ce retour des morts bouleverse l'existence des vivants… jusqu'au plus contre productif des résultats: que les parents souhaitent mettre fin (i.e tuer?) à cette existence fictive de l'enfant revenu.

On suit aussi les assassins (dont la pédophilie n'est jamais illustrée) dans des enjeux secondaires de toutes sortes, souvent cocasse (péripétie avec le ministère, rivalités, jalousies..), ce qui pourrait paraitre aussi malaisant que de suivre Patrick Bateman de American Psycho ou le Alex d'Orange mécanique. Mais n'est-ce pas que le livre met le doigt sur des choses que nous préférerons ignorer ? Que ces gens sont aussi des humains (trop humains, dirait Nietszche) ? qu'un lien malsain, indicible, existe à vie entre eux et ces parents qu'ils ont meurtris (on nous met en parallèle les parcours intérieurs des parents et du tueur, tout aussi réticents à ce Programme)? qu'assigné à reconstituer l'enfant 24h/24, son tueur peut le comprendre et l'aimer mieux que les parents ?
Forcément, tout cela dérange, mais faut-il attendre de la littérature des clichés rassurants qui nous brossent dans le sens du poil ou des choses qui nous heurtent, nous mettent à l'épreuve, nous créent des perspectives de réflexion et d'émotion ? la seconde démarche (proposer) n'est-elle pas plus humaniste et respectueuse pour le lecteur que la première (imposer) ?
L'ironie qui court tout le long de ce récit tragique, nous permet toutefois de surnager, ainsi que l'attention portée à l'humanité des personnages.
Alors bien sûr, reste ce cliché de la dystopie : le grand méchant dans tout ça finalement c'est l'État ! Mais ici un état-providence dévoyé, qui démarre le Programme Lazare avec les meilleures intentions et se perd en cours de route, entrainant les protagonistes dans la folie, le meurtre, le suicide.

Bref : un livre ni pour les cartésiens ni pour les sensibles. Chapeau à l'éditeur qui se permet ça par les temps qui courent. Ca me donne envie d'acheter les autres livres de la collection.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
"... Ah ses envies ça va, ses parents sont à l'écoute, mais quand il s'agit de ses angoisses, plus personne...parce qu'ils sont bêtes, mais qu'est ce qu'ils sont bêtes... Pourtant Dieu sait s'il est angoissé cet enfant..."
Frère Dylan se prend la tête dans les mains. "quand je pense à ce qu'il va devenir... mais qu'est-ce qu'il faudrait faire?"
Et devant le petit homme cassé en deux de rage impuissante, je me dis que le dispositif que j'ai inventé est la plus noire des pénitences au cœur du criminel: instruire la dégradation d'un être qu'on a appris à aimer, sans jamais pouvoir lui porter secours.
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Ce fut Dylan qui fit le premier pas. "Est ce que tu veux bien être mon copain?" osa-t-il tête basse vers les racines nouées (...) En réalité, P. ne goûtait pas vraiment la proposition de l'enfant et n'avait dit oui que pour s'en débarrasser (...) Il rentra donc chez lui en planifiant pour le dimanche suivant un tout autre lieu de promenade (...)
Mais les jours suivants une image ne cessa de le tourmenter, celle d'un pauvre petit Dylan plein d'espoir attendant au bord du sentier, au fil des heures se transformant, évoluant de la réclame vivante pour la foi dans son prochain en plaidoyer contre les sales cons, tant et si bien qu'en fin de semaine, P. reprit de mauvais gré le train vers la forêt."
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Plus le temps passait, plus la détresse creusait entre eux un fossé au lieu qu'ils s'unissent pour y faire front ; ils souffraient côte à côte, mais ensemble jamais, car la fustigation a sa loi, s'accomplir seule au rythme du flagellant.
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Mais enfin, madame, aucun enfant n'appartient à ses parents ! Il leur est confié par la vie, c'est tout. Qu'est ce que c'est, la création d'une enfant ? Un fait purement biologique, la combinaison aléatoire de deux cellules. Où voyez vous un titre de propriété là dedans ?
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Elle, avait plus d'une fois subi l'humiliation de se faire céder une place dans la file d'attente à la poste ou au supermarché du coin. Un jour, c'est une vieille dame qui l'avait laissée passer. Une vieille dame. Et elle, suprême idiote, au lieu de la remettre à sa place d' arthritique, elle avait trouvé le moyen de la remercier...Un mois durant, elle s'était haïe.
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