Avec ce beau titre, le caravansérail de la vie,
Robert Nicolaï transmet des contes du Sahel et du Niger qu'il a patiemment collectés au fil de ses séjours dans les années 80.
À voix haute
En lisant l'un des premiers chapitres, cet essai me semblait trop pointu par rapport à mes maigres connaissances de ces régions. Je confonds Peul avec Touareg et j'ai besoin d'un pense-bête pour me rappeler le nom des habitants ancestraux du Niger, les Songhay. Mais,
Robert Nicolaï présente un résumé de ses travaux, préférant rapporter la parole brute plutôt que de la transposer. La première collecte présente toute une série de contes et légendes. La seconde compile des réflexions du peuple Touareg et la dernière, des histoires animistes.
Leur mode de transmission étant strictement orale, les répétitions, le choix des mots, souvent très ancré dans le quotidien, les images qu'ils véhiculent révèlent la poésie d'une oralité habituée à être écoutée. Pourtant, au fin fond de cette savane, l'universel de l'homme se retrouve.
Tout au long de ma lecture, je me suis surprise à lire pour moi, comme on lit à haute voix, mais en silence pour les autres. Ma voix intérieure s'est ajustée à celle orale qui racontait. Et, du coup, j'ai été envoûtée par le rythme, les répétitions qui permettent à l'esprit de s'imprégner d'images et de poursuivre son cheminement.
Comme pour les contes d'autres cultures, leur déroulement apporte les leçons qui aident à vivre. Alors, avec ces histoires de culture si différentes de la nôtre, on retrouve des marâtres qui empêchent l'amour de se réaliser, comme dans notre Cendrillon ; des sorts qu'on jette et qu'un autre fera casser ; des sorcières qui dévorent les hommes et les enfants par vengeance ; qu'un tout jeune est plus sage que les adultes, comme le Petit Poucet. De-ci de-là, s'identifient les peurs ancestrales, les interdits qu'il faut respecter, en fait les mêmes explications à la marche du monde. C'est absolument fascinant !
Seulement, le travail de collecte réalisé par
Robert Nicolaï lors de ses rencontres devient précieux pour aider à comprendre l'histoire de ses peuples, berceau de l'humanité. Non seulement, il donne la parole aux personnes qu'un homme blanc, avec un bouc, le premier, a patiemment écoutée.
Mais, ce relevé de paroles ancestrales permet aussi de comprendre comment le groupe se gère, se renouvelle et perdure, comme le démontre la seconde partie qui ressemble à un précipité de réflexions philosophiques au milieu de la description du quotidien. Heureusement,
Robert Nicolaï a apposé des photographies pour ménager des respirations.
Dans leur culture comme dans la nôtre, l'ordre social doit être conservé : les femmes obéissent aux hommes, même si ceux-ci les commandent sans ménagement, les esclaves sont corvéables et les chefs sont respectés. Et, Dieu est adoré avec crainte !
La particularité de ces histoires se trouve dans l'imbrication entre vie animale et vie humaine. Les hommes deviennent des bêtes, comme dans Peau d'âne, lorsqu'ils sont trop dangereux pour leur entourage et que la “dévoration” est évoquée. Mais ce sont aussi de vrais aides à part entière. Ainsi, cette autruche qui révèle à l'homme son rôle de protection pour sa famille, alors que d'autres tentatives étaient restées infructueuses et vaines.
Certes, ce recueil sera utile aux enseignants, aux bibliothécaires ou aux travailleurs auprès d'enfants pour rapporter des exemples de contes. Seulement au-delà de cet aspect éducatif, ceux-ci sont aussi le témoignage d'une langue ancestrale, oubliée maintenant, que des adultes auront curiosité à lire.
En transférant à la bibliothèque nationale l'ensemble de ses travaux,
Robert Nicolaï en a rassemblé un résumé dans le caravansérail de la vie à découvrir pour y retrouver une sagesse simple, ouverte sur les autres et la nature, comme de vraies leçons de vie.
Avec des histoires du Sahel et du Sahara,
Robert Nicolaï propose dans le caravansérail de la vie, une suite de contes et légendes qui prouvent que l'humanité est une vaste famille.
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