AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9791096852246
240 pages
Éditions Borromées (01/11/2021)
3.5/5   2 notes
Résumé :
L'auteur fait le récit du jeune Franck dans son parcours initiatique dans les villes qu'il traverse pleines de lumières éclatantes, d'odeurs et d'images vite reconnues par un lecteur qui rencontre un auteur en vérité. Robert NICOLAÏ refuse l'auto biographie du je narcissique, le jeu facile du narrateur, pour une troisième personne qu’il met à distance et devient le héros d'un roman de la vie quotidienne avec précision, pertinence, simplicité et élégance. Il suit Fla... >Voir plus
Que lire après Les expériences très ordinaires du jeune FranckVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
extrait de la chronique :
http://l-or-des-livres-blog-de-critique-litteraire.over-blog.com/2022/02/les-experiences-tres-ordinaires-du-jeune-franck-de-robert-nicolai.htmlLes expériences très ordinaires du jeune Franck, de Robert Nicolaï
Publié le 5 février 2022 par Emmanuelle Caminade


(...)
M'écrire, dit-il Réécrire ! …
Se réécrire ?
 Peut-être. Sans doute.
Certainement.
Toujours.
M'éterniser ?
 Non.
« Le consentement de moi-même à moi-même » ?
Oui.
(…)
 (SANS AUCUN DOUTE … ou le Dit de Franck, p.9)

Dès son poème introductif, Les expériences très ordinaires du jeune Franck s'insère dans une conception très pascalienne de la subjectivité en tant que conscience de soi-même. Dans ce récit à caractère autobiographique, le linguiste Robert Nicolaï, universitaire et chercheur à la retraite, revient en effet sur lui-même avec une capacité étonnante à se mettre à distance de soi. Et distance et réflexivité s'avèrent les maîtres-mots ordonnançant cet ouvrage faisant resurgir les «traces enfouies d'un passé qui s'estompe» en plaçant un homme vieillissant face à l'enfant et l'adolescent qu'il fut.

L'auteur se penche ainsi sur le parcours sinueux et tourmenté de sa jeunesse : celui d'un garçon né en février 1945 qui grandit à Toulon et, très vite affecté d'un profond mal-être, fuira dans ses rêves et ses lectures. Un garçon indépendant et rebelle tant à l'autorité d'une mère intransigeante et sans fantaisie qu'à l'institution scolaire. Sans bac ni même brevet, il décidera pourtant d'aller à l'université, quittant l'armée après un engagement précoce de cinq ans dans la marine nationale via l'école des mousses, une rupture radicale avec sa mère et un voyage jusqu'à Istanbul et surtout Kaboul lui permettant de retrouver équilibre et de construire une nouvelle vie.
Et s'il analyse en détail les expériences et les apprentissages successifs qui façonnèrent sa personnalité, Robert Nicolaï reste très elliptique sur cette vie d'adulte. Pas question pour lui en effet de nous livrer impudiquement sa vie privée, ni même publique !
 
L'important écart d'âge entre l'auteur et cet autre lui-même en devenir introduit déjà une forte distanciation. Et le choix d'une narration à la troisième personne évitant tout narcissisme et d'un autre prénom, non anodin, faisant du jeune Franck une sorte de héros romanesque accentue encore cette distance. Mais aussi, outre le recul de l'ironie, le refus de tout sentimentalisme. Et l'éditeur n'a pas tort quand, dans sa présentation, il se réfère au modèle de Flaubert (1) qui bannissait tout lyrisme sentimental.
Ce ne sont pas en effet les émotions, les affects, qui intéressent Robert Nicolaï, ce dernier cherchant plutôt à comprendre la perception par son héros des mondes dans lesquels il évolue, et la manière dont il élargit peu à peu son univers en découvrant divers milieux et la vie collective.

L'auteur tente de saisir la structure et le fonctionnement de l'activité mentale du jeune Franck, la façon dont il  vit «les particularismes de son cadre familial» et «rationalise son monde», fait «entrer en cohérence les fragments d'explications grappillés de-ci de-là» et «les bribes saisies au hasard des conversations d'adultes», «observe, furète, expérimente» dans le jardin de la villa parentale, ou met en place des stratégies d'évitement pour contrer les contraintes maternelles ou scolaires, puis les stricts règlements de l'école des mousses ou de la marine …
Et c'est en cela que ce travail sur soi touche plus largement le lecteur.
Pas d'épanchements romantiques (3) donc, l'auteur ne se privant pas de moquer ces ruissellements lyriques quand il les débusque parfois dans les écrits de son héros ou de sa mère. On est séduit par la simplicité et l'élégance de cette écriture sans fioritures qui traduit à la fois un regard d'entomologiste et de poète - sachant impulser rythme à son texte -, mais aussi de peintre attentif aux formes, aux architectures et aux couleurs dans ses descriptions. Et le fait que l'auteur se soit adonné tôt à l'écriture (et à la lecture) de poèmes comme au dessin et à l'aquarelle n'est sans doute pas étranger à ces qualités.

L'originalité de cet ouvrage est sans doute aussi tributaire de sa genèse. Car il ne repose pas uniquement sur les souvenirs de Robert Nicolaï mais aussi sur des éléments tangibles qui stimulent la mécanique du souvenir et font souvent émerger des images oubliées, suscitant des flashes «plus ou moins reconstruits par sa mémoire».

L'auteur en effet a conservé, et ressorti longtemps après, ses carnets de route (et de dessin) écrits à vingt-deux ans lors de son périple en Turquie et en Afghanistan. Il a de plus hérité, outre des papiers de famille, des carnets intimes de sa mère concernant les deux premières années de sa propre vie dont il n'a pas souvenir. Des carnets éclairant la figure maternelle et la fragilité de nos destins, qui modifieront son rapport à sa jeunesse. Et, plus tardivement encore, il a récupéré le manuscrit d'une nouvelle confié à un ancien camarade lorsqu'il était dans la marine.
Avant d'aborder les différentes étapes du parcours du jeune Franck, et pour savoir d'où il vient, l'auteur remonte ainsi à l'origine pour tenter de saisir ce passé qui traumatisa sa mère. Et après un bref prologue précisant le contexte local et notamment ces bombardements américains successifs qui firent de la Seyne (4) et de Toulon des villes martyres, il consacre sa première courte partie à sa mère Marthe, donnant même quelques extraits de ses carnets de l'époque.
Il enchaîne ensuite de manière chronologique les étapes de l'apprentissage de son héros et de son difficile ajustement au monde, commençant par cette prime enfance passée dans ce vieux Toulon aux rues sales et bruyantes, «avec le linge séchant aux fenêtres et les chaises installées devant les entrées d'immeubles», où sa famille sinistrée fut relogée, ressuscitant de manière très évocatrice (5) toute la vie chaleureuse de ce quartier populaire animé de Besagne pourtant marqué dans sa chair par la guerre. Une époque heureuse, grâce surtout à la présence du grand-père et à la liberté de courir les rues dont il jouissait.

Puis ce seront le déménagement de ses parents dans «un quartier périphérique de cette ville en reconstruction et en expansion», les difficiles années de collège, le passage par l'école des mousses et les années passées dans la Marine qu'il quittera après avoir été reçu à l'examen spécial d'entrée à l'université. Mais le jeune Franck, se cherchant toujours, n'est pas encore prêt à s'accepter comme étudiant. Aussi éprouve-t-il avant la rentrée le besoin de fuir pour réfléchir sur lui-même. D'où ce voyage en stop nous remémorant cette période hippie pré soixante-huitarde.


Parvenu à la moitié du livre et quasiment au terme de ce parcours, Robert Nicolaï opère une rupture soudaine dans la dernière partie de son récit, La Fuite, longue d'une soixantaine de pages. Il y organise en effet une sorte de mise en abyme de ce retour sur soi que déjà il opérait, se mettant en scène quarante-cinq années après, au terme d'une longue carrière  : «Dégagé de la tension et de l'agitation continue d'une vie universitaire et de chercheur il se prend à revenir sur lui, à penser au jeune homme insatisfait qu'il fut».
Et, rompant également parfois la progression linéaire de son récit, ce Franck retraité reprend dans le désordre les carnets de route et de dessin tenus au cours de ce périple qui était aussi un voyage intérieur : «Franck revient vers le début de son carnet. Il se voit sur les routes. le voici devenu voyeur de lui-même, il saute des pages, se remémore l'entre-deux de son texte »...  Entre-tissant extraits des carnets (en italique), reproductions des aquarelles réalisées sur place et commentaires souvent teintés d'autodérision rétrospective, les complétant de plus en faisant ressurgir des images et des anecdotes oubliées, il établit ainsi un curieux dialogue entre l'adulte mature et le jeune homme qu'il était.

Un bref Epilogue ne signant nullement la fin vient ensuite résumer en quelques lignes sa nouvelle vie d'adulte tout en s'attardant sur la découverte des carnets intimes de sa mère. Et l'auteur prolonge encore ce parcours initiatique dans des Annexes nous réservant des surprises.

Après ce travail entremêlant les voix de deux de ses "moi", Robert Nicolaï raconte en effet comment il a pu, via internet, retrouver quelques camarades de l'époque avec lesquels il avait perdu tout contact. Et il confronte cette fois ses souvenirs avec ceux de son ancienne amie Chloé, illustrant cette question qui taraudait le jeune Franck dans ses carnets : celle de la vacuité de la communication par les mots pour exprimer les sentiments et de la richesse du silence et de l'instant partagé dans la vibration de la communion. Tandis que, grâce à un autre camarade, il retrouve cette nouvelle de jeunesse intitulée Dédale et nous la livre intégralement, nous entraînant dans les rêveries et les dédoublements d'un jeune héros mélancolique nommé Franck, perdu dans son labyrinthe et rêvant d'absolu, de ciel et d'envol. Une nouvelle aux qualités manifestes mais non exempte de défauts (6) qui dit beaucoup de lui à cette époque.
Et, dans une sorte de pirouette, l'ouvrage se termine alors sur un «portrait du jeune Franck en "pitre anonyme"» qui nous renvoie au masque hilare de la comédie antique : à ce «rictus éternel» de l'homme face à sa condition.

Les expériences très ordinaires du jeune Franck est ainsi un opus atypique que, du fait de sa démarche narrative et de sa mise en forme comme de ses qualités langagières, on pourrait aisément qualifier de roman. Un roman de formation autobiographique à tonalité psycho-sociale qui éclaire les mécanismes d'une construction identitaire. Et qui tient aussi parfois du document historique et sociologique, ressuscitant cette période d'une vingtaine d'années de l'après guerre à la fin des années soixante : un passé proche en train de s'estomper.


Notes:
1) "Il suit Flaubert dans sa volonté de priver l'écriture des enluminures, arabesques ou émotions qui détournent de l'objet dans sa réalité."
2) Monde familial élargi au grand père, puis monde familial restreint, monde du jardin et du dehors, monde du village en Corse, monde des scouts, de l'école des mousses, monde du bord, monde oriental une fois franchi la frontière du Bosphore …
3) Peut-être est-ce extrapolation de ma part, mais le titre m'a évoqué d'emblée celui du célèbre ouvrage de Goethe (Les souffrances du jeune Werther), l'auteur me semblant malicieusement en prendre le contre-pied
4) Où vivait sa mère avec ses parents dont l'immeuble fut détruit lors des bombardements meurtriers d'avril 1944
5) Il faut dire que l'auteur avoue sa passion précoce pour l'histoire locale qui, collégien, le poussa à se procurer par tous les moyens la collection complète des bulletins de la société des amis du vieux Toulon
6) Une surabondance de citations traduisant un imaginaire nourri de lecture poétiques et littéraires et de références picturales
 
EXTRAIT :
 
FRANCK
3- Besagne : le temps des limbes
p.31/32
(…)
Les rues ne sont pas larges et les maisons sont hautes, cinq étages en général. Chacune des portes d'entrée d'immeuble possède un heurtoir. Pour se manifester, il suffit de cogner et d'attendre. Un coup pour le premier étage, deux coups pour le deuxième, trois coups pour le troisième... En principe, s'il est chez lui, le résidant interpellé ouvrira sa fenêtre, identifiera le visiteur, lui répondra haut et fort en l'incitant à monter les étages. Il allumera alors l'ampoule qui, parcimonieusement, éclaire le corridor, sinon ce serait dans la pénombre qu'il gravirait les marches, en tâtonnant et en prenant soin de se retenir au garde-fou de la rampe pour ne pas trébucher sur une tomette absente ou descellée. Une précaution nécessaire puisque la haute verrière pyramidale qui surplombe la cage d'escalier ne diffuse qu'avec peine la lumière du jour jusqu'au niveau du rez-de-chaussée. Cependant, il n'est pas toujours utile de monter les étages. Si la communication est simple et sans caractère confidentiel, et c'est souvent le cas, elle peut se faire directement entre la rue et les fenêtres. Il suffit de crier.
Les murs sont lézardés. Pour éviter que les crevasses ne s'agrandissent et ne mettent davantage les immeubles en péril, plusieurs façades ont été consolidées par d'énormes étais de bois. Dans les hauteurs, certains étayages enjambent la rue et, s'arc-boutant à l'immeuble qui leur fait face, retiennent les deux bâtiments accouplés qui semblent ainsi s'épauler. Il est vrai que, dans les étages supérieurs, les fissures sont parfois si larges qu'on pourrait y passer le bras. Autant de recoins propices où pullulent les cafards. de gros cafards noirs et brillants, munis d'antennes, qui sont jaunes comme du beurre à l'intérieur lorsqu'on les écrase.
Il n'y a pas que dans cette rue que des entrecroisements de poutres sécurisent des bâtiments. Cela se voit un peu partout dans le quartier. Pour quelques maisons l'étayage est plus spectaculaire encore, car il se déploie sur la totalité d'un mur aveugle, qu'il étançonne. Qui observe avec attention cette paroi sans fenêtres, peut noter que sa couleur n'est pas homogène et tranche sur le gris des façades avoisinantes ; de façon inattendue, en d'immenses rectangles délimités par de longues raies grises horizontales ou verticales, parallèles et nettes, ces murs aveugles dévoilent l'intimité d'un vert pastel, d'un rose suranné, d'un beige délavé. Parfois, plus inattendu encore, il semble que des décors s'exhibent, tels ceux d'une vieille tapisserie déchirée, tandis qu'en d'autres endroits, pourtant inaccessibles, l'on peut distinguer, collés à la paroi, des pans irréguliers de carreaux de céramique identiques à ceux que l'on trouve dans les cuisines. Franck a remarqué que les parties colorées et quadrillées que ces murs affichent font penser à des pièces de maison, bien que, à l'évidence, il n'y ait pas d'appartements suspendus en l'air. Rien que du vide. Il y a aussi ces longs tracés noirs rectilignes bien dessinés et dirigés vers le haut de l'immeuble ; ils montent jusqu'au toit comme le feraient des conduits de cheminées, mais il n'y a pas de cheminées. Seulement des traces noires.
(...)
Lien : http://l-or-des-livres-blog-..
Commenter  J’apprécie          00
Après avoir écrit des essais hyper sérieux, consacrés à la langue orale, Robert Nicolaï se lance dans le roman en racontant la jeunesse de Franck, enfant né après la guerre qui, en ce début du vingtième et unième siècle, peut être considéré comme un représentant de la génération dite des boomers.

Sa jeunesse commence par une enfance bercée, pendant ses deux premières années, par l'amour exclusif de sa mère. Fille célibataire après la guerre, elle acquiert une liberté par son travail consciencieux. Puis, vint le mariage avec Michel qui la respectabilise. Presque juste après est venu un petit frère.

Cette tranquillité espérée est pourtant devenue aussi sa prison. Qu'avait-elle à effacer ainsi, encore et encore ? Car, se développe chez elle, une dépression qui ne s'identifie pas. Elle se manifeste par un trouble du comportement concernant la propreté.

Aucune tâche, aucune poussière, aucun désordre ne devait venir perturber le regard des autres. Ne jamais laisser échapper le modèle de femme exemplaire et de bonne mère qu'elle souhaitait donner. Sauf, que cette femme fragile va se heurter à l'incompréhension de l'enfant. Alors, sa manière d'alerter fut de créer, souvent gentiment, les moyens de dévier des attentes de sa mère, de la réveiller de son enfermement, comme pour lui montrer ses propres failles. Ce qui, il faut bien l'avouer, fut pour cette femme insupportable ! Elle n'aura de cesse de retirer à l'enfant puis à l'adolescent tout regard bienveillant !

Pourtant, comme un ultime cadeau qu'elle lui transmet, lui vient ce goût pour le dessin, l'aquarelle et la poésie qui l'accompagnera tout au long de sa vie. Robert Nicolaï raconte l'adolescence réfractaire à l'école, l'apprentissage militaire dans la Marine, les brimades et les punitions, la rébellion toujours présente y compris jusqu'au voyage initiatique vers l'Orient, sur la route des Hippies. Ce voyage est organisé presque sous un coup de tête après avoir réussi son entrée à l'université, sans avoir été reçu au bachot.

Dès la quatrième de couverture, le genre est annoncé ! C'est une autobiographie mais avec un procédé particulier puisque Robert Nicolaï ne dit pas « Je ». Il s'énonce par Franck. Cette position est commode. Selon son envie, elle lui permet de raconter mais au bord du chemin, en regardant son personnage évolué !

Néanmoins, j'ai adoré cette plongée, presque sociologique dans la France qui se relève de la guerre. Dans cette société corsetée, la jeunesse va n'avoir de cesse de trouver une autre voie, une autre place, que celle qu'on veut lui assigner. Néanmoins, se reconstruisant, cette France a besoin de sang neuf. Ce fut cette chance que les Baby Boomers ont saisi, même si certains se sont perdus sur les routes de Katmandou.

Qui aurait imaginé que derrière le sérieux universitaire, spécialiste des langues Songhaï, méridionales et septentrionales, d'Afrique se cachait ce garçon rétif aux règles au point de ne cesser de les contourner, volant par de petits larcins y compris à sa mère, ou ce jeune homme avec sa chemise trop large découvrant les terres de l'Iran puis de l'Afghanistan en faisant du stop ?

En chapitres courts, Robert Nicolaï dresse le portrait ordinaire de la jeunesse d'un boomer, cette génération qui a bouleversé tout un ordre social, politique et même économique de la France d'après-guerre ! C'est un passé pas si lointain que l'on retrouve raconté sans nostalgie mais avec poésie et humour ! A découvrir !
Lien : https://vagabondageautourdes..
Commenter  J’apprécie          70
 "Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées" " C'est l'image que j'ai de Franck lorsque le narrateur raconte ses voyages, ses fuites, ce jeune homme qui essaie de se repérer dans sa vie, en essayant d'ordonner les évènements qui l'ont construit...

d'abord récit d'enfance, qui tente de recomposer l'enfant mais surtout la relation avec Marthe, la mère qui l'a construit ou déconstruit... Puis ensuite sa rupture familiale, son envol d'adulte est relaté par l'adulte qu'il est devenu, celui qui écrit encore et est devenu chercheur...mais surtout par les extraits de ses productions de l'époque : carnets de voyage qui servent à tout, à livrer une description des espaces traversés et entrevus, ses bouts de rencontres , ses impressions, ses réflexions. Des questions existentielles approchées mais surtout déjà le début d'une réflexion sur les mots, l'écriture, sur la communication et la communion... 

Cette autobiographie qui ne se présente pas comme telle et qui pourtant semble en être une, avec ce regard distancié de l'homme d'aujourd'hui sur celui qu'il fut en plusieurs temps, sur ce personnage qu'il regarde évoluer et dont il nous livre les oeuvres : dessins, écrits. . Cette recherche de qui il a été permet de dévoiler des bribes de souvenirs, de réflexion, de sentiments, en poèmes , de dessins...finalement des bouts de Franck et surement de l'auteur. On y ressent surtout la passion des mots, de la littérature .... et les interrogations sur la construction de l'oeuvre d'écriture et de l'être humain. (en lisant la biographie de l'auteur, on a du mal à relier ce jeune homme un peu perdu et cet universitaire).

"Voici l'objet" m'a écrit l'auteur Robert Nicolaï en m'offrant son livre, et je comprends mieux ce mot "objet", un mélange de tout et surtout de Franck, ...peut-être un roman ? peut-être une autobiographie ? peut-être un essai autobiographique ? un texte qui colle au personnage :
La forme de l'objet livre ressemble au fond de l'être, un patchwork de l'individu Franck.
Ce texte polymorphe, hétéroclite illustre bien les différentes facettes de personnage, jeunesse et construction de l'auteur. C'est un ouvrage audacieux et surprenant. 
Passeuredelivres
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
SANS AUCUN DOUTE... ou le Dit Franck

Écrire, pensa-t-il.
S’écrire ? Se dit-il.
Afficher ? M’afficher ? S’afficher ?
Qui donc est-on pour s’afficher ?
Et sans vergogne, pensa-t-il.
Et pour qui ? Et pour quoi ?
La règle, la convention ?
La joie, l’insoumission ?
La vie, l’acceptation ?
Quelles images choisir, se demanda-t-il.
Les imposer ! À qui les imposer ?
Et de quel droit ?
Et pourquoi faire ? Pour dire quoi ?
Et pourquoi celle-ci ?
Et pourquoi celle-là ?
Il y revient. En revient-il vraiment ?
En revient-on jamais ?
Il se reprend.
M’écrire, dit-il.
Réécrire ! ...
Se réécrire ?
Peut-être. Sans doute. Certainement.
Toujours.
M’éterniser ?
Non.
« Le consentement de moi-même à moi-même » ? Oui.
Être là ? N’être plus là ?
Me dissoudre ?
Sans doute, aucun. L’esprit-de-sel ? L’esprit du sel ?
Le sel de l’esprit.
Et après ?
Commenter  J’apprécie          10
Pour une vie d'étudiant, va-t-il cesser de se penser poète et artiste ? Se placer dans la course et dans le peloton pour gravir les degrés d'une échelle sociale, ou bien decidera-t-il de dédaigner cette voie pour, orgueilleusement, avec toute sa superbe, être lui-même à sa façon ? Est-il envisageable de concilier les deux ? (...) C'est à lui d'en décider. Crucialement. Et cette fois, il n'est pas sous contrainte.
Commenter  J’apprécie          20
Pourquoi constitue-t-elle au grenier de telles réserves de pâtes, huile, sucre, farine, savon ?...Un stock qu'il lui faut réguler et renouveler constamment.
Par précaution. Sans doute lui faut-il calmer sa hantise d'un imprévisible retour des restrictions.
Commenter  J’apprécie          30
Je n'ai pas pris de notes depuis une éternité. Peut-être parce que j'ai fini par comprendre que l'écriture est un très mauvais moyen de communion et de communication. ...
Commenter  J’apprécie          20
Au bout du compte, il s'adonnera à ce jeu des larcins par simple habitude, sans même penser à d'autres fins que de mettre à l'épreuve son goût du risque.
Commenter  J’apprécie          20

Les plus populaires : Littérature française Voir plus
Livres les plus populaires de la semaine Voir plus


Lecteurs (3) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3179 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}