Un misanthrope, volontairement cloué depuis des années dans son fauteuil, épie sa voisine...vitupère contre le monde entier... puis quitte subitement sa maison, part ailleurs, pour acheter une autre maison avec un autre jardin et un autre fauteuil....Un très court texte très sombre, désabusé... qui ne manque pas d'un humour très grinçant.
"J'ai quarante ans et je me porte bien. On m'avait dit qu'à rester toujours assis je finirais par tomber malade. On s'est trompé. Je fais, il est vrai, quelques promenades dans le jardin. Une fois, en 40, je suis sorti pour voir arriver les Allemands. Je m'attendais mieux, à de la barbarie, à des excès. Et qu'est-ce que je voyais ? Des petits soldats verts qui ressemblaient à des grooms. Une autre fois, à la Libération, je suis encore sorti, mais ce que j'ai vu ne m'a pas enchanté. Je suis vite rentré et j'ai décidé de ne plus remettre les pieds dehors. (p.27-28)
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Il est pourtant évident que dans la vie rien n'est jamais clair ni expliqué de quelque manière que ce soit, et , s'ils n'écrivent pas la vie, ces besogneux, à quoi leurs œuvres peuvent bien servir ? Mais on les publie pour les récompenser de leur peine, et quelquefois ils deviennent de grands écrivains qui ont leurs livres dans les kiosques des gares, gagnent beaucoup d'argent, se prennent au sérieux, on en ferait tout autant à leur place, et finissent par s'imaginer qu'ils ont eu une influence, qu'ils changent la vie, et même qu'ils sauvent l'humanité. Il faut reconnaître qu'une partie (infime) de l'humanité les lit, que certains apprennent même par cœur leurs maximes, leurs bons mots. Le résultat ? Aucun changement dans l'humanité. Elle est toujours là, bien méchante, bien féroce, bien sotte. (p.33)
Le pouvoir est à l'homme assis. Sur un trône, un cheval ou un rond de cuir, il est le maître parce qu'il se tient à quatre pattes comme les animaux. Sur deux pieds, on est sujet, on doit enlever son chapeau. Sur quatre, immobile et couvert, on commande. (p.28)
Les mots ne vieillissent pas comme on voudrait nous le faire croire. L'usage les abandonne seulement en chemin après les avoir vidés et soumis. Mais d'autres mots naissent de leurs coquilles vides, et les mêmes obsessions les accompagnent. (p.26)