Philippe Delerm, dans un petit livre sagace et amical,
Maintenant, foutez-moi la paix !, dit tout ce qu'il faut dire de
Léautaud en évitant le romanesque dont on barbouille le personnage. Et, d'abord,
Léautaud n'est pas un personnage, c'est un caractère. Tout chez lui, et même le pittoresque, passe par la tête. Il ne reste plus qu'à lire, au hasard de la fourchette, les six mille pages du
Journal littéraire. Chacun, à quelque détour, y trouvera son bonheur.
On ne saurait rencontrer, comme son ami
Stendhal, homme plus dénué de préjugés. Rien de plus rafraîchissant que la lecture de
Léautaud, on ne sait jamais où il nous mène. Ses vérités, ses paradoxes, ses saillies, et même ses sottises, car nul n'est exempt d'en dire, nous prennent toujours à contre-pied. Rarement écrivain fut moins convenu, moins appliqué, plus attaché à écrire dans l'instant, et quelles qu'en soient les conséquences, tout ce qui lui vient à l'esprit. Il se montre à nu, mieux que
Jules Renard qui, tout de même, s'observe. Il va tranquillement, avec le plus parfait naturel, sans la moindre provocation, jusqu'au bout de ses confidences qui ne sont jamais des justifications ou des aveux. C'est un Diogène, léger et railleur, mais qui ne fait pas étalage de son cynisme. Il a, jusque dans la cruauté, des candeurs d'enfant. Lui, qui détestait les enfants, ne goûterait guère ce compliment. Et pourtant, il y a chez lui une ancienne innocence. C'est un vieux gamin. Il s'étonne toujours, et peut écrire qu'«il n'a rencontré de grand dans la vie que la cruauté et la bêtise». La mort le fascine comme un évènement bizarre et incongru. Il a beaucoup d'intérêt pour le cheminement des agonies et les masques mortuaires le fascinent. Il n'y met aucune délectation, mais une curiosité intense. Il met, d'ailleurs, de la curiosité en tout.
Il parle d'un chien ou d'un chat comme personne n'en a parlé. Il ne les travestit pas, il ne leur retire pas leur identité de chien ou de chat. Ils sont comme ils sont.
Léautaud est comme il est. Il est vrai, dans son style et dans sa vie, comme on n'ose plus l'être. "
Philippe Delerm attrape bien cette vérité, évite la morale, le jugement, la
leçon, et, plus encore, à propos de la mère, la
psychanalyse, ce qui donne à sa biographie portative un charme certain. Après l'avoir lu, on peut entrer chez
Léautaud sans frapper à la porte. Il vous recevra, car les solitaires sont souvent accueillants. Et puis, il a la sombre et tonique gaieté des misanthropes. Il faut se dépêcher de les lire", souligne le quotidien
Le Figaro. du train où vont les choses, ils finiront en prison pour crime contre l'humanité, et on brûlera leurs livres. On ne se lasse pas des livres de
Philippe Delerm