[Extrait de l'article "TUGPÉUA #26 Spécial essais"]
Serge Halimi n'est pas du menu fretin. Directeur du Monde diplomatique, journal (à peu près) indépendant à la grille de lecture marxiste, sympathisant avec les altermondialistes de Gênes 01, il est la bête noire des libéraux dont il dissèque les méthodes peu reluisantes dans ce petit pavé de 700 pages. Comment l'économie capitaliste dérégulée a-t-elle pu s'imposer à ce point à partir des années 80 ? L'auteur n'y va pas par quatre chemins : parce qu'elle s'est alliée aux conservateurs et réactionnaires de tout poil, tandis que la gauche pour la concurrencer a accepté de mettre de l'eau dans son vin ou de ne plus s'intéresser aux questions économiques.
Il s'agit ici avant tout de rédiger une histoire économique et sociale des décennies précédant la crise de 2008. L'auteur ne se disperse pas en tentant de justifier à tout prix le socialisme face aux multiples attaques qu'il dépeint ; en revanche, il confronte les idées libérales à la réalité et n'hésite jamais à insérer une pointe de sarcasme.
Les seuls reproches que je pourrais faire au livre sont les mêmes que pour beaucoup de critiques de gauche (y compris celles que je faisais moi-même il y a un ou deux ans) : on ne définit jamais clairement les termes « néolibéralisme » et « ultralibéralisme » ; il aurait peut-être fallu un glossaire. Sachant que les libéraux, mais aussi
Gaël Giraud, considèrent que des termes comme « néolibéralisme » sont plus des mots fourre-tout que de vrais mouvements, il aurait été intéressant que
Serge Halimi conteste ce point de vue. le néolibéralisme serait-il le monétarisme et l'ultralibéralisme le libertarisme ? Visiblement pas. Plus anecdotique, il y a ce moment où l'on déplore que les (fameux) militants des campus américains ne s'intéressent plus aux rapports de force au sein de la production mais uniquement à se faire les plus inclusifs possibles sur les questions de culture et de genre. Je suis loin d'être en désaccord avec tout ce qui est développé ; mais je pense que le socialisme n'est pas opposé au multiculturalisme, bien au contraire.
Du reste, quel plaisir ! On a là un ouvrage dense, long, exhaustif, exigeant mais jamais décevant, servi par un style efficace mais jamais inexistant. Des tas de personnalités politiques passent à la moulinette pour le plus grand plaisir des gauchos comme moi, dont je tairai le nom pour garder un semblant d'objectivité dans mes critiques. Pour tous les militants anticapitalistes,
le grand bond en arrière constitue donc une référence dont on serait bien en mal de se passer.
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