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Frédéric Dufoing (Autre)Thomas Bourdier (Traducteur)
EAN : 9791096562244
350 pages
Rn (24/03/2022)
5/5   1 notes
Résumé :
Berry, lui-même paysan, défend l´idée que l´agriculture représente un développement culturel et dépend d´une discipline spirituelle. Contre l´agriculture industrielle, qui coupe l´agriculture de son contexte culturel, détruit son ancrage familial et crée une distance entre les citoyens et leur terre, Berry défend une agriculture à taille humaine, familiale et respectueuse de l´environnement et des consommateurs. Quoique ce livre n´ait pas « le destin heureux d´avoir... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Voilà bien un livre indispensable, distingué de mon côté par la note maximale, dont l'attribution devrait être réservée car motivée de longues justifications, rendant à ces cinq étoiles leur valeur d'exception.

Ici, elles viennent couronner davantage ce que représente ce livre, sa maison d'éditions et les lectures qu'ils vont entraîner, que son contenu lui-même ; fort intéressant, son propos s'identifie au manifeste d'un auteur dont la modernité (années 70) passait pour rétrograde, accompagnant les Meadows (« Les Limites à la Croissance »), Lewis Mumford (« Le mythe de la machine ») et quelques autres dans le dézingage de cette religion du progrès technique et de la croissance infinie…
Ce livre est davantage une collection d'intuitions de l'auteur qu'une réelle et potentiellement fastidieuse étude sur le sujet, laissant au lecteur le soin d'approfondir, ou plus sûrement de le vivre, le retour à un monde paysan semblant à présent la seule voie à suivre.

Les éditions R&N (« du Rouge et du Noir ») semblent incarner ce mince espoir, celui d'un monde intellectuel résilient aux dangereuses idées de la post-modernité, et de l'atomisation des sociétés au profit d'individus désorientés, pensant poursuivre des idéaux d'émancipation et de progrès, sans jamais s'interroger sur leur volatilité, incapables d'incarner ce complexe débat entre nature et culture.
L'exceptionnelle qualité de leur ligne graphique est là pour renforcer leur assurance. Parmi les rares qui m'obligent à passer la porte du livre neuf.

Les thèses de ce « poète-paysan-philosophe » sont assez simples à comprendre. L'agriculture paysanne, à échelle réduite et localisée, reste l'unique moyen à terme pour nourrir l'humanité. La modernité ayant un temps rendu ces activités dégradantes, promouvant une vie oisive et citadine comme idéal universel, l'Amérique comme insurpassable modèle.
Le périmètre du livre se limite d'ailleurs à son pays, bien qu'il n'y ait aucun soucis à extrapoler sur de plus grandes échelles, les USA servant depuis plus d'un siècle de laboratoire à la modernité.
La clarté, la consistance et l'honnêteté de sa pensée amènent rapidement à analyser ce qu'elle impliquerait comme conséquences dans l'organisation sociétale. C'est souvent sur ce point que d'autres penseurs « écologistes » s'affadissent, s'enlisant dans certains présupposés rousseauistes d'état de nature, ou d'une lecture naïve et tronquée de Levi-Strauss, lui-même n'ayant pas eu « l'envie » de boucler son raisonnement par ce qu'il impliquerait de désagréable, de « non-moral ».
Non, Wendell Berry, de par son pragmatisme et sa douceur d'approche, permet d'arriver à des constats que d'aucuns qualifieraient de « réactionnaires », alors qu'ils ne sont qu'expressions d'une forme expérimentée d'holistique — ne pas se méprendre sur ce terme ( il ne l'emploie d'ailleurs pas ), je l'introduis ici pour insister sur son approche la plus éloignée possible de toute doctrine — que certaines thèses plus récentes oublient trop souvent de développer, trop occupées à croitre sur les fines arêtes de postulats portant oeillères, apeurées par leurs contradictions, occultant qu'en les affrontant elles pourraient justement s'enrichir, et y perdre leur caractère radical, éternelles scories des idées soi-disant nouvelles.

La terre des Hommes ayant besoin que nous prenions soin d'elle ( voir cette notion philosophique de « care » en anglais ), elle ne peut être une marchandise, un simple bien tarifé que l'on s'échange à volonté, faisant de nous au mieux des usufruitiers.
...
Parfois, l'appel de Berry à une forme de créationnisme peut surprendre — bien qu'il le détache de tout dogme religieux — comme une forme d'humilité face à la Nature et ses mystères, comme l'existence des choses face au néant.
Son admiration pour les communautés Amish est encore à prendre du côté « système », et résonne drôlement pour nous autres victimes de la Macronie : que ce dernier oppose au soi-disant progrès, du haut de son monticule de gâchis, nous vendant la 5G comme une suite logique, indispensable, alors que de faire pousser une calorie alimentaire nous demande toujours plus d'énergie… venant principalement du fossile, et ne tardant pas à manquer, à se contracter…
Le « modèle Amish » que notre président tente de ridiculiser, pensant grossir le trait, est — quand on pose le problème du côté du « développement durable » ( le vrai, sans croissance, se renouvelant juste ce qu'il faut… ) — l'un des seuls exemples de résilience que l'Occident ait su produire, ayant détruit par simple contact les autres sociétés de type symbiotique, sans espoir de les voir se reconstituer, le confort moderne irrésistible pour tout être humain.

Les pistes de réflexion sont légions, ce livre ne faisant que modestement les mettre en selle ; les deux préfaces et la postface, toutes de l'auteur, conséquences des ré-éditons successives depuis 1977, ne viennent qu'enfoncer le clou : son avant-gardisme rétrograde s'étant sans doute mué avec les années en une forme de sage prescience, un évident constat et d'étonnants postulats, questionnant en profondeur ce qui mérite d'être conservé, confirmant qu'une bascule idéologique entre les traditions de gauche et de droite est bien en train d'avoir lieu, mesurées à l'aune du Holisme et de l'Individualisme Méthodologique, ces deux grandes théories, en apparente opposition, fondatrices de la sociologie.

Pour se convaincre et s'entretenir de la prévalence de sujets tels que l'érosion, la vie des sols, l'alternance des cultures et des prairies, etc., il faudra lire encore… et cet ouvrage y invite…

Enfin, j'espère que bientôt vous aussi croiserez la route d'un livre de cet acabit, d'une lecture évidente et joyeuse, accompagnant votre chemin…
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