Les auteurs coréens sont déroutants, enfin du moins ceux ou celles que j'ai abordé jusqu'à aujourd'hui.
Guka Han dans ce recueil de nouvelles n'y fait pas exception . D'une sensibilité à fleur de peau, oscillant entre rêve et réalité, elle touche à la face sombre de notre quotidien, la solitude de nos vies accentuée par le virtuel, la complexité des relations humaines et l'abysse entre nos désirs et nos besoins et ce que nous vivons dans la réalité, où la fugue semble une solution, même si temporaire. C'est très bien vu , profond et glaçant.
Dés la première nouvelle qui donne son nom au recueil, l'incongru arrive d'un jeune narrateur qui quitte la maison de ses parents pour Luoes, anagramme de Séoul, d'où l'auteure est originaire, à la recherche du "désert entré dans la ville." Un désert, image de la vie inodore, incolore, insipide des grandes métropoles, où les détails frappent par leur brutalité, leur violence. La deuxième nouvelle est aussi glaçante, mais magnifique, où la neige est associée à la mort, d'un mode étrange......En tout huit récits, dont le dernier " Pyromane" m'a fortement rappelée "Burning" le film coréen récent de Lee Chandong. Décidément l'indicible fait partie de leur culture.
La prose est belle et très subtile, et même l'emploie fréquent de la deuxième personne du singulier ou du pluriel, que d'habitude ne me plait pas beaucoup, ici sied parfaitement. Un recueil qui n'est pas pour tous les goûts, mais le recommande très fortement à toutes lectrices et lecteurs curieux, surtout que c'est court, une centaine de pages.
J'ai beaucoup aimé malgré le sordide du fond des sujets, qui reflète très bien notre monde d'aujourd'hui .
"Au coin d'une rue, un clochard somnole avec son chien. La lumière du jour ne semble pas les déranger. Vous aimeriez pouvoir dormir avec la même tranquillité. Une vieille dame s'arrête devant eux et dépose quelques pommes et des canettes de bière sur le trottoir, sans faire de bruit. Vous l'observez s'éloigner à petits pas, le dos courbé, et lorsque vous vous retournez vers le clochard, vous vous apercevez qu'il vous regarde. Ses yeux noirs et humides semblent tirés du fond de la mer."( Perles )