Ce titre. Oh, ce titre. Il m'a interpelée. Il a attisé ma curiosité. M'a hurlé « Pourquoi pas 10 ou 100? Mais 1000? ». J'ai trouvé que c'était vrai. Pourquoi ce chiffre? Surtout, pourquoi des veuves et non des femmes, tout simplement? Un monde énigmatique qui tente, par tous les moyens, à lever un coin du mystère. C'est un peu, une invitation à suivre, à écouter les mots et à me faire une idée de leur récits. Ces mots racontent un monde. Des hommes, des femmes, des destins. Avec un seul lien: la mer et son immensité.
La vie est réglée par les humeurs de la mer capricieuse. Cet être jaloux qui vole aux femmes leur amoureux. Ces derniers se laissent porter au creux des vagues enivrantes et bercer par le vent jusqu'au repos éternel. Mathilde aime son homme, Gilles, qui sent bon le sel marin et les algues. Un homme qui se laisse porter par l'appel de l'océan. Comme toutes les femmes, elle le voit prendre la mer, la peur au ventre et avec un arrière-goût d'un départ sans retour. Son amour insuffle la vie à son marin et ses bras lui rappellent le bonheur qui l'attend à quai. Qui l'attendra éternellement. n'entend t-il pas ses silencieuses larmes nocturnes? Ne se rend t-il pas compte de ce voile qui se pose, chaque jour, un peu plus sur son regard étincelant?
La plume poétique de l'auteur nous emmène dans un monde de femmes et d'hommes vrais. Des hommes et des femmes qui lisent l'avenir sur la mousse qui embrasse les vagues. Leur coeur bat au rythme des retours au port des bateaux. C'est un monde que l'on découvre sur la pointe des pieds, que l'on épie de loin. Cet écrit nous tient en haleine sur les destins de ces gens de la mer. C'est une lecture qui nous enlève, nous emporte, avec plaisir, dans les humeurs du monstre sans coeur qu'est l'océan. de son rôle dans le quotidien de ces femmes d'une forte faiblesse. Tout est dans la poésie des mots qui peuvent briser une âme.
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Surprise par ce livre percutant, douloureux, sombre mais à la fois immense et grandiose.
Des chapitres courts mais écriture dense et prenante.
Une déferlante bouleversante, forte, cruelle et si belle à la fois qui se meurt sur la grève en un long soupir.
Un hymne à la mer, envoûtant et douloureux.
(sélectionnée par la dernière masse critique, et vous en remercie).
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Je suis la boiteuse, la tordue, la désarticulée.
Ils me disent : "Vilaine !", ils me disent "Sorcière !", et leurs yeux brillent rouges comme ceux des fous.
Qu'ils me pendent ! Qu'ils me brûlent ! Mes lèvres auront toujours assez de force pour cracher.
Mon corps est une ruine; les ronces le rongent. Comme des larmes, elles pénètrent ma chair, lacèrent peau, muscles, tendons, enserrent mes os qui se fendent, qui éclatent comme la roche quand le gel étrangle, et dans mes veines vibre un sang barbelé, il cherche le coeur, le trouve, le met en pièce, la douleur m'assiège, elle brûle, elle écrase, elle arrache, elle crucifie, ma bouche aux sourires morts s'ouvre, crie : "Vos âmes sont des taudis, je vous hais ! je vous maudis ! et avec mes ongles, je gratterai la terre pour y creuser vos tombes !".
Le froid a roulé le long du mur , il dessine sur la vitre des toiles de cristal.
Mathilde aperçoit le reflet de son visage, et les toiles de cristal sont des rides qui se collent à ses joues, qui les creusent, qui les érodent, comme fait l'eau des rivières avec la pierre, comme font les larmes avec la peau, alors son ventre se serre, se noue, et dans la chambre désolée se répand le parfum gris des fleurs fanées.
Le ciel est lourd et bas ; les nuages comme des forçats le tienne à bout de bras.
L’eau froide de la mer ruisselait sur mes épaules, faisait autour de mes hanches comme une crinoline d’argent, et ses mains tremblantes qui doucement venaient vers moi, d’une brasse impatiente l’ont défaite.
Les méduses flottent par centaines ; la mer est un champ d’orties.
Payot - Marque Page - Damien Murith - Dans l'attente d'un autre ciel