Quand Nadine a pensé la tournée des Poules des prairies, elle avait pour vocation de faire rayonner sa culture au delà des frontières du continent américain. Les danses traditionnelles portées par de grands danseurs autochtones du Canada à la hauteur de ses exigences devaient ainsi se rendre en Suède, en Allemagne, puis en Italie.
Son sens de l'organisation avait tout prévu sauf l'épidémie de gastro qui les terrassa tous.
Tout aurait pu s'arrêter là mais la portée politique de l'événement n'avait pas échappée à Amos. Et le voici qui monte une nouvelle troupe faite de bric et de broc, à commencer par son frère, John, qui aurait préféré rester dans son ranch avec ses chers chevaux. Il y a aussi la ténébreuse Desiree, fille de chef, envoyée supposément loin des tentations charnelles sous la surveillance de sa bigote de tante Edna, et puis le mystérieux Lucas un hunkpapa talentueux venu en renfort des États-Unis.
Tiens donc... On s'attendrait presque à un roman léger, bourré d'humour qui nous raconterait comment l'aventure humaine renforce les liens et qu'avec de bons amis on peut tout affronter. Mais c'est pas Disney ici, c'est Dumont ! Alors il s'agira surtout d'aborder les trajectoires individuelles, de confronter les êtres à la place qu'ils occupent dans le monde. "Le simple fait de naître autochtone est un acte politique", s'entendra dire John en Suède. C'est vrai. Mais vivre ne se limite pas à incarner sa culture. Après les avoir parés de leurs regalias, l'autrice dépouille ses personnages de tous leurs apparats. On revient à l'humain, dans la grandeur de son insignifiance. Les masques tombent, les secrets enfouis frémissent, le passé et le futur se toisent pour savoir qui aura le plus de poids.
Cette tournée aurait pu n'être qu'une aventure avec un début et une fin. Mais c'est une branche de vie. On perçoit son tronc, ses racines. On remarque surtout ses bourgeons. Peut-être qu'on s'octroie même le droit d'imaginer de futurs fruits.
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- Célibataire, pas d'enfants, j'imagine qu'on pourrait dire que le monde t'appartient : t'as l'avenir devant toi, tu peux faire ce que tu veux.
Toutes des phrases que John avait entendues dans sa jeunesse et qu'il n'avait jamais trouvées particulièrement réconfortantes. Ça ressemblait plus à des défis impossibles à relever.
Le simple fait de naître autochtone est un acte politique.
Or, tout le monde s'est rendu compte que Carol n'était pas une excellente compteuse. Comme l'aurait dit la mère de John, elle était lente comme de la mélasse en hiver. Ou, comme il l'aurait dit lui-même, elle était lente en ostie.
[...] celle dont on disait qu'elle était un beau brin de fille aussi utile qu'un cendrier sur une moto [...]
L'amour qui déplaçait les montagnes, ça n'existait pas. Elle avait déjà vu son frère déplacer des meubles dans la maison, à la demande de sa femme, mais il s'était plaint du début à la fin.