Dans la longue lutte que mena l'Europe contre l'Empire ottoman, le rôle le plus tragique revient aux Serbes. Avec le fort contingent de janissaires qu'ils durent fournir aux Turcs, on peut dire sans hésitation qu'ils furent les premiers malgré-nous de l'histoire. Cet ouvrage, rédigé à une époque charnière, est unique en son genre. Son auteur, témoin du fracas de deux civilisations, est l'un de ces janissaires. Conscient d'avoir doublement trahi sa foi et ses compatriotes, il relate son expérience de simple soldat, dans un souci de résilience et de justification, tout en faisant oeuvre d'historien. Son histoire de l'ascension de l'Empire ottoman est d'ailleurs retracée avec une surprenante rigueur chronologique. Sa ligne directrice est celle d'une longue mise en garde à l'attention de ses contemporains : connais ton ennemi, tire les leçons de tes erreurs et garde en mémoire que le lâche soulagement de la paix ne se paie que par le déshonneur et l'esclavage. Au moment où il rédige ces lignes, le puissant royaume de Hongrie ne s'est pas encore effondré. La menace ottomane pourrait être contrée si ses coreligionnaires daignaient tirer quelques leçons de son expérience. Car il répète inlassablement que les divisions des Européens furent leur faiblesse récurrente face aux Turcs. Bien plus qu'un voyage dans le passé, ce livre nous ouvre les pages d'une autre histoire de l'Europe. Un document historique rare et passionnant.
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L'empereur fit apporter un grand tapis, pour leur donner un exemple, le fit étaler devant eux, puis il fit poser une pomme au milieu et leur posa cette devinette : "L'un de vous peut-il prendre cette pomme sans poser le pied sur le tapis?" Ils discutèrent entre eux, se demandant comment prendre la pomme sans toucher le tapis. Mais aucun n'avait d'idée. L'empereur alla vers le tapis, prit le bord dans ses mains et le roula, avançant ainsi jusqu'à la pomme, puis il déroula le tapis et dit aux seigneurs : "Il vaut mieux frapper les Gaours petit à petit plutôt que de marcher sur leurs terres, car nous ne sommes pas en sécurité. Si nous y subissions une défaite, toutes les terres se retourneraient contre nous."