La couverture attire l'oeil par les tons clairs mis en avant. Au premier plan à gauche, un soldat en pleine lecture. Son attitude voûtée est sans doute due à son activité, mais je ne peux m'empêcher d'un voir là une fatalité qui repose sur ses épaules. Toujours au premier plan, sur la droite cette fois, une distribution d'étoiles jaunes que l'on associe aussitôt à l'Europe. En arrière-plan, on distingue les ruines d'une construction, nuancés sur une palette de gris. L'ensemble est homogène, bien équilibré. Néanmoins, ma première impression reste celle d'un documentaire rédigé par un historien.
Le résumé nous présente la nouvelle carte de l'Europe en 2033. Un attentat remet en cause les bases de la fédération et enclenche un processus de guerre. Deux personnages, chacun de leur point de vue (journalistique et militaire) vont oeuvrer à stopper cet engrenage. Il est intéressant que l'auteur se soit occupé à présenter deux points de vues différents. J'avoue être intriguée par la mise en place de cette nouvelle "Europe". le cheminement des héros doit être intéressant à suivre. Ma seule crainte : que ce récit parte dans des considérations trop politiques qui ruineraient le plaisir de la lecture.
Le roman s'ouvre sur un prologue qui nous propulse en 2033. Nous sommes à Berlin, capitale des États-Unis d'Europe. La carte mondiale a bien changé et les pays, tels que nous les connaissions, sont désormais redessinés. Lors d'une visite à l'Assemblée, Edmund Trovich, le ministre de l'Intérieur est victime d'un attentat qui lui coûte la vie. Cet assassinat oblige les États à diligenter une enquête pour déterminer à qui peut profiter le crime…
Une vision intéressante…
L'action se passe en 2033. Les pays actuels sont devenus des régions et une langue commune les relie. L'Europe, vue par l'auteur
Florent Lenhardt, offre une vision intéressante des dérives qui pourraient faire basculer les états dans un despotisme universel. Se rend-on compte de la nécessité de guerroyer une fois pris dans ce maelstrom ? On navigue dans un monde où la manipulation règne en maître. On assiste aux machinations et au pouvoir des médias, au contrôle de la liberté de penser. On se prend au jeu des émotions quand la guerre éclate et que les hommes partent au front. Mais qui a raison entre les radicaux-terroristes et les protecteurs des États unifiés ? Tout ceci est fort bien dépeint.
Dans ce récit, nous suivons un groupe de personnages Greg, Marc, Cyril, etc. dont deux en particulier sortent du lot. Tout d'abord, Michael Kith, chroniqueur au Federal Post Journal en quête d'un article qui lui permette de faire la Une. le meurtre du ministre de l'Intérieur va lui permettre de mettre ses talents en avant. Lui aussi va se retrouver pris dans les méandres d'une affaire qui dépasse le commun des mortels tant les tenants et les aboutissants sont nombreux. Pris dans la machine de propagande des radicaux, va-t-il s'en sortir ? Ne risque-t-il pas de faire pire que mieux ? Et ensuite le lieutenant Erwin Helm, militaire qui intervient sur le front. Un personnage qui se dévoue pour répondre aux attentes qui pèse sur ses épaules tout en se questionnant sur ces motivations. La peur de servir une cause pipée en fait de lui un homme attachant. Dans l'adversité il demeure pugnace et la pensée constante de ses camarades est le fouet qui lui permet d'avancer quand tout se ligue contre lui.
Le personnage d'Emma m'intrigue également. Une femme sage, mais, elle aussi, ballottée par les évènements. J'ai apprécié le travail effectué sur les personnages. Ils ne sont pas succincts. Chacun d'eux possède une profondeur qui ajoute à la crédibilité de l'histoire. Les émotions dépeintes sont tout à fait justes.
Une dystopie prenante…
Il y a beaucoup d'informations à intégrer pour le lecteur car l'auteur a complètement redistribué ce que nous connaissons. Par le biais d'une mise en place mesurée, l'auteur amène les informations par touches. On a l'impression que l'intrigue intervient lentement. En fait, on est plongé dedans dès le prologue. L'action, les rebondissements vont crescendo. Même si le récit est une fiction, il est saisissant par son réalisme et celui de ses personnages. le scénario présenté ici est cohérent. J'ai la sensation que l'auteur a effectué beaucoup de recherches pour que son univers le soit et cela se ressent.
La plume de l'auteur, découverte dans l'anthologie Malédictions par Mots et Légendes, est toujours aussi addictive. En dépit du sujet abordé, l'écriture est accessible. Les descriptions sont abordées avec justesse. On ressort de cette lecture avec une palette d'émotions et de réflexions. le format court permet de ne pas se perdre dans des explications trop confuses et évite l'écueil pour l'auteur de perdre son lecteur en route. La politique et ses méandres y est abordé, bien entendu, mais sans oppresser le lecteur par des termes barbares ou un matraquage constant. La notion se fond dans le texte et cela nous paraît tout à fait naturel au bout de quelques pages. Tout y est ici condensé avec méticulosité et j'avoue ne pas avoir pu me détacher de ma lecture avant l'épilogue. Un épilogue qui garde son lot de mystères et de questions. En effet, je m'interroge sur le devenir des États-Unis d'Europe ainsi que des personnages suivis tout au long de ce récit…
Au final, nous sommes ici en présence d'une dystopie bien traitée avec une histoire qui tient la route et amène le lecteur à se questionner. Une belle découverte pour un genre souvent galvaudé.
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