Un certain après-midi du printemps 1930, à une heure où le soleil m’expulsait de la Bibliothèque nationale (dans le jour filtré, mon pupitre ressemblait à s’y méprendre à une cellule), je me retrouvai dans la rue en train de suivre, par inertie et par distraction, un convoi funèbre. [...] L’homme dont je suivais le cercueil et s’était ouvert les veines et avait écrit avec son sang, sur les murs de sa maison, le nom de la femme aimée. Ensuite, la mort tardant, il s’était pendu. Les journaux en avaient parlé et maintenant, autour de moi, on commentait. [...] J’ignorais tout de la vie de l’homme qu’on enterrait. Je le sentis cependant plus proche, j’imaginai son enfance dans une bourgade juive, je méditai sur son destin d’errant jamais sorti du ghetto, puisque les paroles de Cholem Asch l’y replongeaient à l’ultime minute, là, dans un cimetière parisien. Voilà donc ce qui me lança sur les traces de Pascin.
Mihail Sebastian, Journal