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EAN : 9782845977693
96 pages
Textuel (03/04/2019)
4/5   5 notes
Résumé :
Il ne se passe pas un seul jour sans que des militants ne soient confrontés à la répression. Violences policières, arrestations, garde-à-vue et procès rythment aujourd'hui la vie politique et judiciaire. En analysant les mécanismes contemporains de la répression, Vanessa Codaccioni dénonce la criminilisation de l'indignation politique . Il s'agit du tout premier ouvrage sur la répression politique contemporaine.
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Historienne de formation, Vanessa Codaccioni s'est spécialisée dans les sciences politiques et plus particulièrement la justice pénale et la répression. Elle nous livre ici une analyse rapide (l'ouvrage fait à peine une centaine de pages), sur le vif dirais-je, des mécanismes de répression contemporains.

La répression actuelle, cruelle et sanglante, du mouvement des gilets jaunes fait craindre une dérive ultra-autoritaire des modes de gouvernances modernes. D'aucuns crient déjà au fascisme ! Au-delà même des gilets jaunes, il semble que toutes les formes de contestations (solidaires, sociales, écologistes, zadistes, lycéennes, féministes, etc.) des choix politiques actuels soient invariablement confrontées à la justice.

Vanesssa Codaccioni nous propose de prendre un recul historique nécessaire. Qu'en est-il réellement de cette répression, si on la compare à l'histoire ? A-t-on à faire à une situation inédite ? exceptionnelle ? Ou bien ce cas de figure s'est déjà présenté ? Avec les mêmes enjeux ?

Quel est le sens actuel de la répression des mouvements de contestation politique ?


La logique de dépolitisation

L'auteur ouvre son enquête par un rappel historique de la répression des contestations politiques. Ce qui tranche avec aujourd'hui est, sans aucun doute, la dimension politique des procès du temps passé. Les grands procès politiques, qui ont marqué l'histoire des deux siècles précédents, brillent aujourd'hui par leur absence.

Car si on dénonce assez facilement la criminalisation des luttes contestataires ou syndicales, ce que nous fait comprendre le petit essai de Vanessa Codaccioni est qu'il faut tout autant en dénoncer la dépolitisation. Aujourd'hui, la logique répressive dominante est en effet fondée sur une dépolitisation générale, qui consiste à refuser de considérer les militants comme des politiques. On passe ainsi sous silence les motifs politiques de leurs agissements et on les inculpe pour des crimes et des délits de droit commun comme un outrage, une diffamation, voire plus récemment la participation à un attroupement en vue de de commettre des violences et des dégradations. C'est une forme de non-reconnaissance du caractère politique des gestes militants.


Que permet cette dépolitisation ?

« Ces différentes modalités de dépolitisation de l'activisme oppositionnel reposent sur une mise en équivalence entre militantisme et criminalité ou délinquance. Elles tendent ainsi à doublement criminaliser et à normaliser l'activisme. Celui-ci est construit comme anormal au regard de la loi et du code pénal, mais aussi au regard des bonnes manières de défendre des idées politiques ou de militer… »

Sans compter donc le fait que l'on passe sous silence les raisons (écologiques, politiques...) qui ont amené tels ou tels militants à agir, cette stratégie aboutit autant à réprimer les actes qu'à empêcher de militer. Militer, hors partis officiels, hors institutions officielles, devient quasiment un crime, ou en tout état de cause une activité moralement (et juridiquement) répréhensible. La militance devient culpabilisante aux yeux même de celui qui s'y adonne.


Assimilation au terrorisme et répression préventive : empêcher de militer

L'assimilation des activistes à des terroristes est au coeur de cette pratique. Et l'auteur remarque que cette assimilation rencontre un succès certain auprès de l'opinion publique pour deux raisons au moins :

- la multiplication des attentats meurtriers sur les sols nationaux européens
- l'intolérance croissante des sociétés contemporaines à la violence, politique comprise.

Pour ce qui est de la seconde, il n'y a qu'à, en effet, rappeler l'affaire de la chemise arrachée d'un directeur d'Air France en 2015 qui a suscité un scandale tel que c'est toute la caste des grandes figures médiatiques et politiques, qui ont condamné unanimement, dans un concert larmoyant, cette violence insupportable (pour une chemise !). L'histoire des luttes syndicales ont pourtant connu des violences bien plus grandes contre les personnes et les biens.

A noter toutefois ici que l'auteur n'interroge pas la possibilité qu'il ne s'agisse là que de la version politico-médiatique qui est mise en avant, et que, comme lors de tout mouvement social, celle-ci ignore totalement le ressenti général de la population, des différentes classes sociales, notamment celles qui n'ont jamais le droit de cité. Dans cette courte étude, il n'y a effectivement pas la place pour s'interroger sur l'influence qu'aurait la version médiatique sur l'opinion publique et vice-versa.

L'auteur constate donc que la violence anti-patronale a été assimilée à une violence criminelle et au terrorisme.

« les violences économiques et sociales […] ne justifient pas ou plus, pour une majorité de citoyennes et citoyens, de politiques et d'agents répressifs, l'emploi de méthodes illégalistes. Seul le mouvement des gilets jaunes semble faire exception puisque le soutien dont il a bénéficié n'a pas pâti des violences qui on put être imputées à ses membres, sans pour autant que ce soutien ne signifie une acceptation des violences. »

Il faut bien évidemment rappeler que tout cela se situe dans le contexte particulier où, depuis les attentats du World Trade Center le 11 septembre 2001, l'antiterrorisme occupe désormais une place centrale. Il était donc assez prévisible, et c'est ce que ses détracteurs avaient annoncé, que le dispositif antiterroriste soit largement mobilisé contre des militants oppositionnels.

La répression du militantisme est donc considérablement affectée, contaminée, par la logique antiterroriste. Cette logique est préventive ; ce qui parait normal pour le cas du terrorisme compte tenu de la potentialité meurtrière des attentats. Mais appliquer cette logique à des domaines aussi divers que la lutte écologique, sociale ou économique, n'est pas sans poser problème. A tout le moins, il s'agit d'un détournement de l'état d'urgence contre la contestation politique.

De fait, la répression des intentions devient centrale. Depuis le mouvement contre la loi travail le nombre de manifestations interdites, par exemple, a été démultiplié : L'auteur en dénombre 155 en 18 mois. On ne réprime pas ici des actes, mais bien des intentions, des intentions supposées1. Les techniques sont multiples : assignation à résidence, interdiction de manifester, arrestations préventives, etc. le cas du Lycée Arago est à cet égard édifiant : le 22 mai 2018, suite à l'occupation du lycée pour protester contre les réformes gouvernementales, 128 personnes sont placées en garde à vue pendant près de deux jours avec pour principale infraction retenue la « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations ».


Quels peuvent être les véritables objectifs de ce détournement ?

Selon l'auteur il s'agit d' « Empêcher le mouvement de se poursuivre, les solidarités de prendre de l'ampleur, et pouvoir annoncer par la suite l'essoufflement de la mobilisation en agitant la chute des effectifs manifestants. »

Résumé complet sur le Blog Philo-Analysis
Lien : http://philo-analysis.over-b..
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Le monde navigue depuis 200 jours dans des eaux troubles. Plus de six mois depuis les massacres du Hamas et d'autres groupes palestiniens en Israël, 1 100 morts, et toujours 130 otages à Gaza. Plus de six mois de massacres de l'armée israélienne à Gaza, plus de 34 000 mort·es et des dizaines de milliers de blessé·es, d'orphelin·es, de disparu·es. Ces massacres nient notre humanité commune. Personne ne saurait les justifier. Dans ces eaux troubles cohabitent, mal, des sentiments mêlés : la peur, la rage et parfois la haine, l'indignation et la colère. Certains essentialisent les juifs, nourrissant un antisémitisme inacceptable. D'autres essentialisent les Palestiniens ou les musulmans comme autant de soutiens du Hamas, et portent sur eux un soupçon permanent dès qu'ils manifestent leur solidarité avec la Palestine. Des manifestations ont été interdites.  Des militant·es, des chercheurs et chercheuses, des étudiant·es, des syndicalistes, ont été sanctionné·es, entendu·es, censuré·es. Certain·es sont jugé·es ou convoqué·es pour avoir fait l'« apologie du terrorisme ». Mais ce ne sont pas des terroristes ni des apologistes de crimes. Ils et elles défendent des opinions politiques. Elles peuvent ne pas plaire. Faut-il pour autant bâillonner leur liberté d'expression ? Si elles et eux sont visé·es aujourd'hui, ne pourrions-nous pas tous et toutes l'être demain ?
L'émission spéciale de Mediapart avec : Véronique Bontemps, anthropologue, chargée de recherche au CNRS ; Rima Hassan, candidate de la France insoumise aux élections européennes ; Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT ; Tayeb Khouira, porte-parole du syndicat Sud aérien ; Olivier Besancenot, militant du Nouveau Parti anticapitaliste, ancien candidat à l'élection présidentielle ; Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste à l'Assemblée nationale ; Vanessa Codaccioni, professeure de science politique à l'université Paris 8 ; Carine Fouteau, présidente et directrice de la publication de Mediapart.
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