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Darwyn Cooke (Illustrateur)Dave Stewart (Autre)
EAN : 9781401262457
144 pages
DC Comics-Vertigo (17/05/2016)
3.5/5   3 notes
Résumé :
Comics legends Gilbert Hernandez (Love and Rockets), Darwyn Cooke (DC: THE NEW FRONTIER) and Dave Stewart (Hellboy) craft a haunting and unforgettable tale of magical realism with THE TWILIGHT CHILDREN.

No one knows what the mysterious glowing spheres are, or where they come from. The only thing that matters to the residents of the beachside village where the orbs manifest is what they do when they appear.

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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce tome comprend une histoire complète, indépendante de toute autre. Il contient les 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2015/2016, écrits par Gilbert Hernandez, dessinés et encrés par Darwyn Cooke, avec une mise en couleurs réalisées par Dave Stewart.

Dans un petit port de pêche d'Amérique Centrale, ou du Mexique, les hommes reviennent de la pêche. Parmi eux, Anton est un bel homme bien découplé, avec une moustache et un bouc virils. Il se prend une bière au marchand ambulant, remonte la grand-rue et salue Tito, la femme de Nikolas, qui se tient sur le pas de porte de la boutique de vêtements de son mari. Sur la plage, Jael, Gover et Milo (3 enfants) s'apprêtent à explorer une grotte quand ils sont interpelés par Bundo, un homme d'une cinquantaine d'années, vivant dans une cabane sur la plage. Il semble inoffensif, mais en même temps il leur fait un peu peur, car ils savent qu'il a été accusé d'avoir laissé mourir sa femme et ses 3 enfants dans l'incendie de sa maison, alors qu'il était trop saoul pour se rendre compte de ce qui se passait. Ils s'arrêtent interdits devant le spectacle d'une grosse sphère blanchâtre apparue sur la mer, à une dizaine de mètres du rivage. Ils appellent Bundo.

Le soir, au coucher du soleil, les hommes du pueblo essayent de ramener la sphère luminescente vers le rivage, à l'aide de filets, sans la toucher directement. Elle ne bouge pas d'un pouce. Finalement le shérif décide de demander à Bundo de l'observer pendant la nuit. Une femme en costume noir appelle un institut pour leur signaler la présence de la sphère. L'institut dépêche un scientifique dénommé Felix qui arrive le lendemain. La première sphère disparaît pendant la nuit alors que Bundo s'est assoupit. Mais une autre apparaît dans la chambre d'Anton alors qu'il est en train s'ébattre avec Tito. le lendemain une autre sphère apparaît dans la grotte sur la plage et est découverte par les enfants dont la touche avec la main. En ville, une jeune femme à la chevelure blanche est apparue de nulle part ; elle s'appelle Ela.

Fin 2015, l'éditeur Vertigo lance toute une série de nouveaux projets, des séries mensuelles comme des miniséries dont celle-ci. le lecteur ne peut résister à une histoire complète réalisée par le créateur d'une des séries Love and Rockets (à commencer par Heartbreak Soup: Love & Rockets) et par un dessinateur au trait immédiatement reconnaissable auteur de DC: The new frontier et de quatre adaptations de roman de Donald Westlake (par exemple Parker: The Outfit).

Effectivement les dessins déploient exercent leur pouvoir de séduction dès la couverture. Darwyn Cooke s'est amusé à réaliser une composition conceptuelle, dans laquelle le lecteur peut voir le groupe des 3 enfants au centre, la Lune qui est aussi l'image simplifiée des sphères qui apparaissent dans le récit, la plage qui n'est qu'évoquée par des formes géométriques (jusqu'aux discrets quadrilatères dont la forme évoque celle de barques) et cette étrange tête inexpliquée. Si ça lui chante, le lecteur peut se lancer dans une interprétation ésotérique, avec le verre droit de la lunette qui en fait bloque la vue, alors que la sphère illumine l'individu de l'intérieur, ainsi que les enfants sur la plage, comme si la sphère révélait une vérité cachée. Il peut aussi prendre cette image comme une composition agréable et ludique.

Comme à son habitude, Darwyn Cooke dessine des forems simplifiées qui font parfois penser à des dessins s'adressant à un public assez jeune. Cela s'applique pour les personnages à commencer par les femmes qui ont des grands yeux, des bouches systématiquement plus pulpeuses, des silhouettes taille mannequin, et des poitrines fermes et protubérantes, sans être surdimensionnées. Il est possible d'y voir des archétypes de dessin animé, mais les actions de ces dames et demoiselles attestent qu'elles sont bien sexuées et pas si inconscientes que ça de leurs charmes. Tito est une véritable garce mariée avec un beau jeune homme propriétaire de sa boutique, qu'elle trompe avec un individu plus âgé, avec une carrure plus impressionnante, une virilité plus marquée. le lecteur peut apercevoir un de ses tétons le temps d'une case alors qu'elle sort du lit de Tito. Elle apparaît comme une enfant manipulatrice, et son apparence provoque une forme de contradiction visuelle entre son apparence pure et ses actions immorales. Étant simplifié, son visage en devient d'autant plus expressif, et le lecteur peut voir les émotions adultes qui s'y affichent, constatant la malice qui habite Tito. le lecteur peut lire son langage corporel tout aussi facilement quand elle avance sa tête pour mettre ses lèvres en avant, ou quand elle sourit de toutes ses dents dans une posture de séduction, ou encore quand elle se redresse pour marquer sa désapprobation.

Ela est dessinée sur le même modèle, avec une chevelure d'un blanc éclatant, un corps tout aussi bien formé et une attitude ingénue montrant qu'elle n'a pas conscience de la concupiscence des hommes, ou en tout cas qu'elle ne la provoque pas sciemment. Face à ces 2 femmes à la présence incontournable et presqu'insoutenable, les hommes sont eux aussi bâtis sur des archétypes, mais plus diversifiés. Nikolas apparaît comme un beau jeune homme élancé, avec un visage franc et avenant, affichant une gaité confiante vis-à-vis des autres, à commencer par Anton qui entretient une relation suivie avec sa femme. Anton dispose d'une largeur d'épaule plus importante, avec des poils sur la poitrine, un homme avec plus d'expérience, plus dur. Bundo est plus petit, avec un embonpoint marqué, dans une tenue plus négligée, à base de short et de teeshirt un peu élimé. Cooke s'amuse bien avec les personnages secondaires : le shérif sec et sérieux, les 2 agents spéciaux idiots dans leur déguisement de touriste qui ne trompe personne (chemise colorée et short long), l'agent spécial féminin du village, engoncée dans son costume cravate. L'artiste n'hésite pas à exagérer un petit peu les réactions ou les postures, introduisant une discrète forme de dérision visuelle s'exerçant à l'encontre de ces personnages secondaires. Il sait dessiner les enfants de manière convaincantes, non pas seulement comme des adultes miniatures, mais bien que des personnes plus jeunes, courant souvent, aux émotions plus franches, et moins cyniques.

Darwyn Cooke accomplit son travail de décorateur et d'accessoiriste avec dextérité. le scénariste a choisi come lieu un petit village au sud de la frontière des États-Unis probablement au Mexique, peuplé d'individus d'origine hispanique. L'artiste représente un petit village côtier, avec des maisons de plain-pied, à un étage maximum. La cabane de Bundo sur la plage est faite de matériaux de récupération, plausible et réaliste. Les maisons présentent une architecture cohérente avec la nature du village. La verdure est présente régulièrement, cohérente également avec les espèces de cet endroit du globe. Darwyn Cooke fait preuve d'une grande maîtrise dans ses traits pour que les formes épurées évoquent immédiatement les caractéristiques visuelles principales de chaque élément, immédiatement identifiables par le lecteur qui assimile à l'instant chaque dessin, rendant la lecture d'autant plus fluide et agréable.

Le lecteur constate également la maîtrise de l'artiste dans sa gestion du niveau de détails. En fonction des besoins de la séquence, il ajuste ce niveau, pouvant intégrer une myriade d'accessoires (lorsqu'une force incompréhensible fait souffler une bourrasque dans les rues de la ville qui emmène tout sur son passage) ou se limitant à détourer uniquement les formes, laissant Dave Stewart les compléter avec une teinte principale juste pour évoquer l'arrière-plan détaillé dans les cases précédentes.

Cette histoire est écrite par un scénariste qui est lui-même un auteur complet, c'est-à-dire qui a l'habitude de dessiner ses propres histoires. Il conçoit sa narration de manière visuelle (c'est d'ailleurs lui qui a réalisé les croquis de conception graphique des personnages), se reposant sur Darwyn Cooke pour raconter l'histoire de manière visuelle, et lui concoctant des passages très imaginatifs. le lecteur peut apprécier plusieurs séquences ou images incroyables : la première apparition de cette sphère blanchâtre sur la mer qui évoque le rôdeur de la série télévisée le Prisonnier, Felix les pieds dans l'eau, le pantalon remonté à mi-mollet cherchant à détecter d'éventuelles radiations résiduelles, un nourrisson arraché des bras de sa mère par la bourrasque, le regard des hommes hypnotisés au passage d'Ela, Tito jetée à terre pour que le shérif puisse la maîtriser le temps de lui passer les menottes, Bundo abattu par la disparition de sa femme et de ses enfants, etc.

Le lecteur appréciant le trait de Darwyn Cooke est immédiatement séduit par la facilité avec laquelle il met en scène une histoire pouvant s'avérer déroutante. le lecteur qui a déjà lu des histoires de Love & Rockets reconnaît immédiatement la patte de Gilber Hernandez, à commencer par le lieu, les relations entre individus se côtoyant depuis plus années, et cette réalité très prosaïque perturbée par un élément de nature surnaturelle ou magique. Cet auteur s'inscrit dans le registre du réalisme magique initié par Gabriel Garcia Marquez avec Cent ans de solitude. Ce choix peut au prime abord décontenancer un lecteur cartésien qui a du mal à concilier le prosaïsme du quotidien de ces habitants, avec le côté délirant de ces sphères et de la venue d'Ela. Pourtant il lui est impossible de lutter et de résister à la familiarité chaleureuse qui se dégage des personnages. Bundo est immédiatement sympathique par son air un peu débonnaire, sa résignation qui n'est pas placée sous le signe de la déprime, mais d'une culpabilité acceptée. Il apprécie incontinent ces 3 enfants, leur joie de vivre, leurs réflexions sensées dépourvues de naïveté. Lui aussi, il se trouve incapable, comme tous les personnages, de résister au charme de Tito bien qu'il voit qu'il s'agit d'une garce, sans aucun doute possible. C'est le premier effet magique de l'écriture de Gilbert Hernandez : les personnages sont immédiatement familiers et sympathiques comme les membres plus ou moins bienveillants d'une famille que l'on côtoie des années durant.

Du coup le lecteur est prêt à fournir l'effort nécessaire de suspension consentie d'incrédulité pour bénéficier de cette chaleur humaine, augmentée par les dessins si agréables à l'oeil de Darwyn Cooke. Il se retrouve pris au jeu du témoin privilégié de la vie de ces personnages, parfois un peu voyeur quand il se retrouve dans l'intimité de Tito et Anton après l'amour (et un peu jaloux aussi). Gilbert Hernandez dirige ses acteurs avec grâce et naturel, jouant de la connivence qu'il entretient avec eux pour que les émotions exhalent toute leur saveur. Finalement peu importe l'intrigue du moment qu'il soit possible de passer du temps avec ces individus si ordinaires dans leur humanité, et si singuliers dans leur situation.

Pourtant l'intrigue ne doit rien à l'improvisation et s'avère rigoureuse. Bien obligé d'en passer par là, le lecteur n'a d'autre choix que de faire confiance à Gilbert Hernandez quant à la cohérence de l'histoire et le fait qu'elle aille quelque part. Sa confiance est récompensée par un scénario très malin alors que le lecteur découvre petit à petit qu'il est arrivé au milieu d'une situation ayant déjà un historique. Totalement sous le charme des personnages, il se rend compte qu'il se prête aussi au jeu d'assembler les pièces du puzzle que chaque séquence lui apporte. Il ne se rend compte qu'en cours de route qu'en fait le scénariste a tout prévu depuis le départ avec une mécanique rigoureuse et inventive. À la fin tout se tient, et tous les mystères sont révélés.

En quatre épisodes, le lecteur a fait connaissance avec des individus d'une richesse humaine extraordinaire, et a bénéficié d'une intrigue maligne et astucieuse. Il s'est passé par des moments incroyables que ce soient ces simili-rôdeurs (les sphères blanchâtres), la fibre touristique de ce séjour dans ce charmant village côtier, le bébé emporté dans les airs par la bourrasque, cette jeune femme entortillant tous les mâles autour d'elle, ces 2 barbouzes arrivant sur la plage de nuit en tenue de plongeurs sous-marins, etc. Mine de rien derrière ces situations rocambolesques, les auteurs ont mis en scène les événements arbitraires auxquels la vie de chaque être humain est soumise, les traits de caractère de plusieurs personnages, des comportements très humains universels, des individus dont la vie est régie par les ordres de leur supérieur hiérarchique dans le cadre de leur métier, avec un sentiment de plaisir de vivre prégnant du début jusqu'à la fin, sans ignorer les drames de la vie.

Cette histoire ne peut pas satisfaire tout le monde du fait de ses dessins que certains jugeront trop mignons pour être honnêtes ou de la mainmise du surnaturel dans un récit trop prosaïque, c'est-à-dire un mélange de genres contre nature pour une partie des lecteurs campés sur leurs a priori. Pour les autres, ils succombent dès les premières pages à la douceur narrative des dessins et à l'humanisme qui imprègne chaque personnage, pour une virée dans un monde où le merveilleux a encore droit de cité et où il enchante le quotidien, comme s'il ne s'agissait finalement que d'une question de regard, de sensibilité de celui qui regarde.
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