+++++++ DEUX SOEURS +++++++
La journaliste norvégienne, qui fêtera le mois prochain (le 10 février) sa première moitié de siècle, est mondialement connue pour ses articles, reportages et ouvrages sur quelques points chauds de notre planète : l'Afghanistan en 2001, l'Irak en 2002 et la Tchétchénie en 2006.
Åsne
Seierstad est la dame qui en Norvège a vendu le plus de livres et n'est précédé, pour le moment, que du célébrissime anthropologue et navigateur,
Thor Heyerdahl (1914-2002) et
Jostein Gaarder (né à Oslo en 1952), qui avec son "
Le monde de Sophie" a eu un succès que franchement je n'ai jamais compris. À mon avis, la journaliste de guerre avec ses 7 ouvrages et témoignages difficiles a plus de mérite que l'ex-professeur de philosophe. Mais cela est, bien entendu, une opinion purement personnelle.
En tout cas "
L'ange de Grozny", "
Cent un jours à Bagdad", "
Dos au monde. Portraits de Serbie" et surtout "
Le libraire de Kaboul" constituent des réalisations dignes de notre sincère admiration. Je ne comprends pas pourquoi aucun éditeur français n'a pris la peine de traduire son livre remarquable sur le fou furieux d'Anders Breivik, qui, le 22 juillet 2011, a envoyé 77 personnes à la mort et 151 à l'hôpital. Ce livre "En av oss" (un de nous), sorti en 2013 en Norvégien, a pourtant été traduit dans de nombreuses langues ! À propos de langues, Åsne
Seierstad est diplômée en Russe et Espagnol et peut se débrouiller en 9 langues.
Le sous-titre de "To søstre" en Français donne "Un père, ses filles et leur voyage dans le jihad syrien".
Tout commence le 17 octobre 2013 à 17h49, par un email d'Ayan, 19 ans et Leila, 16 ans à leur Abou (père) qu'elles sont parties rejoindre le daech en Syrie !
Sadiq Juma, qui travaille chez Coca-Cola à Sandvika, dans la banlieue de la capitale norvégienne, et son épouse Sara, sont d'origine somalienne. le couple a 5 enfants : Ayan, Ismael, 18 ans, Leila, Jibril 11 et Isaq 6 ans.
La consternation du départ des filles est totale, d'autant plus que la famille appartient à la tendance modérée de l'islam.
Sara tombe dans les pommes. Sadiq lit et relit, les larmes aux yeux, la confession religieuse de ses filles et a cependant la bonne réaction d'en informer la police le soir même du drame.
Ismael, qui est un jeune de son temps et le moins moslim de la famille, découvre les traces de ses soeurs sur Facebook et constate qu'elles logent dans un hôtel à Adana en Turquie. Il les contacte par Viber et tente de les convaincre de ne pas passser la frontière avec la Syrie, où elles seront violées et peut-être tuées.
En vain ! Ismael découvre aussi que pendant plus d'un an Ayan et Leila ont écouté sur leur tablette les sermons de l'iman Abdallah Azzam (1941-1989), le père spirituel du djihadisme moderne et un pote de feu Oussama ben Laden. Bref, un fanatique qui a complètement conditionné le raisonnement des 2 jeunes filles, sans que sa famille ne s'en soit vraiment rendu compte.
Le père Sadiq, un poète à ses heures qui parle couramment l'Arabe classique, après des études en Arabie saoudite, encouragé par sa femme Sara, décide d'aller chercher lui-même ses filles pour les ramener à la raison et à Oslo.
Il prête un peu d'argent à un ami et s'achète un billet d'avion pour Istanbul, 3 jours après le départ de ses filles. À l'aéroport Atatürk, il prend un vol interne pour Adana, où il apprend que les demoiselles Juma sont probablement près de la frontière syrienne, et il fait les 200 kilomètres à Antakya (Antioche de l'antiquité) en bus, la nuit.
Pendant pratiquement une semaine le pauvre père vadrouille la ville et localise finalement un parc où fuyards et trafiquants se rencontrent. Moyennant une poignée de dollars, un trafiquant l'informe qu'Ayan et Leila ont traversé la frontière... la veille ! Nous sommes, entretemps, le 29 octobre 2013.
Les services de sécurité de Norvège mènent leur enquête et prennent contact avec le département compétent d'Europol, ce qui est correct, mais ce que la famille Juma ignore. Sara interprète, par ailleurs, très mal la perquisition de leur demeure, ce qu'elle considère à la limite comme un acte raciste, parce qu'ils viennent de la Corne de l'Afrique, bien qu'ils vivent déjà depuis 13 ans près d'Oslo.
Par peur d'en dire trop, j'arrête ici mon résumé de cet ouvrage de 432 pages, mais qui se lit comme un thriller et qui est tout à fait d'actualité à un moment où en France, en Belgique etc. des "mariées et veuves de l'état islamique' rentrent au bercail, ou du moins essaient.
L'auteure explique en 2 paragraphes que son ouvrage est basé uniquement sur les témoignages de personnes directement impliquées par cette saga réelle, à commencer par Sadiq et Sara Juma, qu'elle remercie cordialement pour leur aimable coopération. Elle ajoute que sans leur aide il n'y aurait pas eu son livre. Juste avant la bibliographie avec d'autres témoignages comme celui de
Sophie Kasiki "
Dans la nuit de Daech" par exemple, et un glossaire utile de quelques termes arabes, Åsne
Seierstad conclut que l'expérience des Juma est tout à fait exceptionnelle.
À la sortie de "Two Sisters" en Angleterre, un journaliste a mis comme titre à sa critique "The Pink Panther Strikes Again" comme le titre du film "Quand la panthère rose s'emmêle" de 1976 avec l'inimitable
Peter Sellers.
Or, que "rose" n'est pas exactement la couleur qui me viendrait à l'esprit pour qualifier cette courageuse journaliste de guerre, sauf à Oslo probablement avec son époux le saxophoniste et compositeur de musique jazz, Trygve Seim, et leurs 2 enfants. Kaboul, Grozny, Bagdad, Damas évoquent, malheureusement, plutôt le "noir".
N'a-t-elle pas écrit elle-même dans "
Le libraire de Kaboul" : "Parfois, le tragique de la réalité prend des allures de dessin animé ou peut-être plutôt de thriller violent".
Je regrette de ne pas être un éditeur français, sinon je passerai demain à l'aube un coup de fil à Oslo pour inviter "Fru" (madame) Åsne
Seierstad à venir signer son contrat pour la publication de "Deux soeurs".