"Les lèvres serrées, cousues même, je me tais comme se taisent toutes les femmes du monde."
Spôjmaï Zariâb est afghane et écrit en persan. Ce recueil de nouvelles n'est pourtant pas pour les Afghanes et encore moins pour celles, majoritaires dans ce pays, qui parlent cette langue :
Spôjmaï Zariâb écrit pour toutes les femmes, de tous les lieux et de toutes les époques.
Elle écrit avec finesse, avec précision, avec la sobriété et le ton direct, sincère qui convient aux nouvelles. Un ton dans lequel se croisent et s'affrontent poésie et brutalité, soutenues par des mots et des images qui entrent sous la peau.
Elle écrit la peur et les coups, le sang et la mort, la domination.
Elle écrit l'absurdité des règles et des procédures administratives, l'absurdité et l'inéluctabilité de la violence quotidienne qui peut surgir de n'importe quel corps masculin munis de poings, de pieds et d'"un orifice obscur d'où ne jaillit que vociférations et insultes".
Elle écrit l'espoir, la crainte, la douleur, l'isolement, les rêves et les cauchemars (comme des moyens pour fuir).
Elle écrit les sentiments qui naissent, les portes qui se ferment, les foulards qui se serrent, l'enfermement, la folie (comme l'ultime moyen de fuir).
Elle fait rire le raisin et les vaches, voit des yeux dans les murs et les cadenas, donnent la parole aux clochettes des danseuses et des intentions aux portes, aux fenêtres et aux signatures sur les formulaires.
Elle frôle le surréalisme, bâtit des fables sombres ; à moins que ses textes soient des allégories, voire des éclats de poésie noire. Ou bien des rêves... Ou des cauchemars. Ou la dernière extrémité de la folie, cette folie fermée de l'intérieur, le moyen le plus sûr pour s'enfuir, presqu'aussi libérateur que la mort.