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EAN : 9782742757176
329 pages
Actes Sud (31/08/2005)
4/5   3 notes
Résumé :
Dans le présent ouvrage, l'auteur propose un ensemble de biographies : celles des grands élus des premiers siècles musulmans. Ne furent-ils pas les explorateurs, les fondateurs du soufisme ? Ces biographies sont enrichies par des anecdotes, des dits attribués aux saints, et une lecture des grands traités spirituels. S'y ajoute la connaissance des analyses modernes, tant musulmanes qu'occidentales (Louis Massignon, Reynold A. Nicholson, Louis Gardet...). Portées par ... >Voir plus
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Hâtim al Açamm(1) (que Dieu soit content de lui !) avait dit à ses disciples : « Si au jour de la résurrection, vous n'intercédez pas pour ceux qu'on conduira en enfer, vous n'êtes pas vraiment mes disciples. » Lorsque Bayazîd [al Bistamî, 804-874] eut connaissance de ce propos, il dit à son tour : « Ils seront vraiment mes disciples ceux qui, au jour de la résurrection, se tiendront au bord de l'enfer pour se saisir des malheureux qu'on y précipitera et les envoyer au paradis, dussent-ils, pour le salut des autres, entrer eux-mêmes dans le feu ».

Aussi priait-il : « O mon Dieu ! si tu as prévu dans ta prescience que tu tortureras une de tes créatures dans l'enfer, dilates-y mon être au point qu'il n'y ait plus que moi qui puisse y tenir. » « Qu'est-ce que c'est que cet enfer-là ? Certes, je m'approcherai au jour du Jugement, des damnés, et je Te dirai : ‘’Prends-moi pour leur rançon, sinon je m'en vais leur apprendre que ton paradis n'est qu'un jeu d'enfants’’ ». « O mon Dieu ! Tu as créé ces créatures sans qu'elles le sachent, tu les as chargées de la foi sans qu'elles le demandent ; si tu n'es pas généreux envers elles, qui le sera ? ».

Il n'avait pas été sans s'effrayer un peu lui-même de cette exigence. Il marchait un soir dans la campagne par un beau clair de lune ; le monde, immobile, visible presque comme en plein jour, était merveilleusement pacifié par le grand silence de la nuit. Bayazîd admirait l'ordre harmonieux des étoiles rangées chacune à sa place pour remplir sa propre fonction. Combien magnifique était en vérité la cour divine ! Mais comment se faisait-il qu'il n'y eût point d'autre courtisan pour contempler toutes ces splendeurs ? C'est, lui dit une voix, que les hommes sont pour la plupart insouciants et endormis. Un sur mille vivants a accès à cette cour. Bayazîd eut alors l'idée de demander au Roi bienveillant la grâce de toutes les créatures. Mais il se représenta que l'intercession était un privilège du Prophète et qu'il lui convenait, à lui, de rester sur la réserve. Mais la voix reprit (sans écarter sa requête muette et sans non plus s'engager) : « O Bayazîd ! parce-que tu as été modeste et réservé, nous avons résolu d'élever si haut ton nom et ton rang que, jusqu'au jour de la résurrection, les hommes t'appelleront le sultan des initiés. »

(1) Originaire de Balkh, disciple de Chaqîq al Balkhî, +237/851. (pp. 240-242)
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La loi révélée indique un ensemble de prescriptions valables pour l'ensemble de la communauté et la moyenne des croyants, ainsi que des notions sur ce que Dieu n'est pas, sur ce qu'il demande de nous, sur ce qu'il est par rapport à nous, mais non évidemment sur ce qu'il est en soi ; sur les moyens rituels d'entrer en contact avec sa grâce, non sur l'union intime avec l’Être. La gnose en ce sens se superpose moins à la révélation qu'elle n'en tire toutes les conséquences. « La ma'rifa, disait Dzoû'l Noûn, est la communication, que Dieu, fait de la lumière spirituelle au plus profond des cœurs. »

Loin de trouver dans cette gnose une raison d'orgueil, il y voyait le prix de la plus parfaite humilité, l'identification ne s'obtenant qu'au moyen de l'annihilation du moi. « Le gnostique (ârif) devient chaque jour plus humble, car à chaque instant il se rapproche davantage de son Seigneur ». Et il n'est pas question de s'affranchir avec désinvolture des devoirs et des charges qui pèsent sur la condition humaine. « Tous les gens sont morts, sauf ceux qui savent ; et ceux qui savent sont morts, sauf ceux qui pratiquent ; et ceux qui pratiquent sont tous égarés, sauf ceux qui agissent avec l'intention droite ; et ceux qui agissent avec l'intention droite sont tous en grave danger ». Car il faut être vertueux, non par moralisme, mais pour le service de Dieu qui est la Vérité, et il faut trouver Dieu au-delà des vertus et des actes. L'initié ne peut être perpétuellement triste ni perpétuellement gai. Il est « dans ce monde comme un homme qui a été couronné de la couronne du miracle et placé sur un trône, mais au-dessus de sa tête, il y a un sabre suspendu par un cheveu, et devant la porte de sa chambre se tiennent deux lions menaçants. Il est plein de gloire, mais à chaque instant près de se perdre. » (pp. 132-133)
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C'était par politesse que Bichr [al-Hārith al-Hāfi, 767-841] marchait pieds nus. La Terre est le tapis d'Allah, un tapis émaillé de fleurs et de lignes subtiles comme ceux d'Ispahan ; un tapis semé de tous les prestiges à la fois illusoires et réels de la création ; le tapis de la salle royale qui conduit au trône. Un homme bien élevé se déchausse avant d'entrer dans une maison, à plus forte raison dans le palais du souverain assis sur l'Arche au sein de laquelle tournent les mondes.
(…)
Il savait d'ailleurs manier l'ironie, comme lorsqu'il disait aux traditionnistes : « Payez l'aumône légale avec vos traditions. — Comment cela ? — Sur deux cents, prenez-en cinq comme règles de votre conduite. »
(…)
Cet homme, qui avait remplacé l'ivresse du vin par l'ivresse extatique au point que sa sœur le vit un soir commencer à monter l'escalier et demeurer sur une marche, toute la nuit en contemplation, évitait soigneusement tout déséquilibre. Il était loin d'admettre que l'extase et l'ésotérisme pussent être des prétextes à violer les règles de la bonne conduite. « La gnose, disait-il, ne fait pas disparaître le scrupule ; l'initié ne dit rien de contraire au sens extérieur du Livre et de la Tradition ; le don des miracles n'incite pas le saint à violer la Loi ». (pp. 85 & 95-96)
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Le fondateur de l'islam, Sidnâ Mohammed (sur lui la prière et la paix !) n'était pas essentiellement un saint, mais un prophète, nabî et un envoyé, rasoûl. Son rôle était, non pas de cultiver sa propre spiritualité, de réaliser un type de perfection mystique ou d'assumer les souffrances des êtres, mais de faire entendre un message objectif, de promulguer une loi formelle et d'organiser une communauté.
(...)
S'il est un temps où les ressources les plus précieuses sont la patience, la résignation et le renoncement, c'est bien le nôtre. Pour moi, qui ai rédigé les pages qui suivent aux heures sombres où les sept coupes de la colère étaient déversées sur le monde, je ne saurais avoir trop de reconnaissance envers les awliya pour le secours qu'ils m'ont apporté dans l'épreuve. Au bout de dix siècles, j'étais aidé par l'abnégation d'un Ibrâhîm, la subtilité d'un Dzoû'l Noûn, l'élan vers l'essentiel d'un Bayazid, la rude loyauté d'un Bichr, l'ivresse poétique d'un Dzhoul noûn et d'un Noûri, la limpidité d'un Sarî et d'un Yahya, la fantaisie libérée d'un Chibli. Que profitent de leur exemple et bénéficient de leur baraka les hommes d'un monde qui souffre d'avoir méconnu que sa racine était dans le monde supérieur des Idées, de l'Amour et de la Gloire ! Que Dieu soif content d'eux et sanctifie leur secret ! (pp. 8 & 11-12)
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Le samâ’ avec chant de poèmes, parfois jeu d'instruments et souvent danse extatique, deviendra l'un des moyens favoris de réalisation mystique, l'un des principaux objets des réunions dans les confréries çoufies. Dzoû'l Noûn en est, semble-t-il, l'un des premiers responsables.

Sans doute ce samâ’ du ix siècle n'était-il pas systématiquement organisé comme il le fut plus tard, aux temps d'al Ghazalî, d'al Rifâ'î et d'al Roûmi (xi-xiii siècles) et comme il se pratique de nos jours chez les Mevlévis d'Orient et les Derqawa du Maghreb ; mais il semble bien que la troupe des disciples d'al Miçri (doué lui-même, nous l'avons vu, d'une belle voix) comportait un ou plusieurs chanteurs (qawwal). A certains moments l'état extatique (hâl) et la rapture (wajd) étaient provoqués parmi eux par l'audition de la musique et des poèmes. La musique était pour eux l'écho de la Parole primordiale dite par Dieu aux esprits encore dans les reins d'Adam, quand il leur demanda : « Ne suis-je pas votre Seigneur ? » et qu'ils répondirent : « Si ». Pacte solennel, covenant, mîtsâq, dont l'écho bruissait encore aux oreilles de Dzoû'l Noûn. La méthode des çoufis n'avait-elle pas au reste comme but de restaurer l'état primordial adamique, point de départ de la conquête des états suprêmes de l'Existence ? Comme, après le « voyage nocturne » de La Mecque à Jérusalem, sur la jument ailée, Mohammed s'élançait, de l'emplacement du Temple, jusqu'au Trône de Dieu.

C'est pour cela que Mas'oûdi, parlant des cordes du luth, qui sont en relation avec les nombres augustes, déclare que cet instrument participe de la nature de l'homme et agite celui-ci « d'une émotion qui n'est autre chose que le retour subit de l'âme à son état naturel ». C'est pour cela qu'Ibn ‘Arabî, remontant jusqu'au Fiat (Koun) divin, à l'audition de la Parole créatrice, déclare que les gens du samâ’ trouvent dans l'extase musicale l'analogue même de l'irradiation existentielle. (pp. 146-148)
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