AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,96

sur 355 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La Femme des sables (1962) est un livre saisissant et marquant, qui attire et repousse tout autant. Il a reçu le prix Akutagawa.
Kobo Abe emprunte la forme d'un récit d'aventures pour tracer le portrait d'un individu pris dans le piège de la société et de son sentiment d'impuissance quand il cherche à l'affronter.

Un professeur, passionné d'entomologie, est parti à la recherche d'un coléoptère rare qui vit dans le sable. Il arrive un soir dans un petit village enfoui au fond des dunes. le sable s'infiltre partout, envahit tout et il faut sans cesse le rejeter. Il descend dans le trou où est tapie une maisonnette qui abrite une femme. Les villageois retirent l'échelle qui lui a permis de descendre. le voilà condamné à pelleter le sable jour après jour…
A chaque étape, le lecteur est amené à se poser des questions. le début prend la forme rassurante d'une enquête policière. Mais à mesure que le texte avance, on est de plus en plus désorienté. le sens nous échappe.
Le parcours du protagoniste a donné lieu à des interprétations variées :
Des critiques ont souligné que cette histoire tragique met en lumière le sort des Burakumins, une tribu appartenant à la caste inférieure, historiquement discriminée au Japon en raison des emplois pénibles occupés (bourreaux, tanneurs..). Comme les Burakumins, les villageois du livre survivent à peine en vendant du sable pour la construction. le sable salé est vendu à très bas prix. Les villageois peuvent avoir choisi de punir ce citadin en le maintenant en esclavage.
Plus largement, la société japonaise est fondée sur le sacrifice de l'individu pour le bien commun. Après la guerre, il faut reconstruire le pays. Les Japonais sont-ils condamnés à pelleter, génération après génération ?
D'autres ont fait de ce livre une allégorie de la condition humaine dévorée par le Temps. L'homme se débat en pure perte, conscient de son impuissance mais continue jour après jour.
On pense beaucoup au mythe de Sisyphe, à Kafka ou à Dostoïevski. Ce qui est le plus marquant, c'est l'évolution des rapports entre la femme et l'homme à l'intérieur de la tanière. On se retrouve à les observer et à étudier leur comportement comme s'il s'agissait d' insectes, à chercher des lois qui nous permettraient de les comprendre et de les épingler une bonne fois pour toute.
Et en même temps on a la gorge nouée et on pleure.
Commenter  J’apprécie          6527
Je ne savais pas à quoi m'attendre en débutant ce roman. Quand j'ai vu cet homme, collectionneur d'insectes, partir à la recherche d'une cicindèle-de-jardin dont le nom scientifique est Cicindela japonica Motschulsky, j'ai pensé que l'histoire allait être basée sur cette quête du miniature, une version « dunes de sable-movie » où le héros part et se perd dans le sable ; un être infiniment petit par rapport à la force et à l'immensité du sable.

Mais finalement, l'homme, un monsieur tout-le-monde porté disparu depuis, ne se perd pas mais découvre une cabane isolée, et une femme à l'intérieur. Il ne sait pas encore que cette rencontre fortuite va le perdre à tout jamais, qu'il ne pourra plus ressortir de cette cabane. Car là-bas, commence un étrange manège, un éternel travail qui consiste à enlever tout le sable qui s'amoncelle sur et autour de cette cabane…

Derrière cet étrange labeur se cache un sujet essentiel, le temps : ce temps qui file et qui défile, et face au temps, l'homme qui n'est qu'un minuscule grain de sable perdu dans l'éternité. Face au temps qui défile, l'homme n'a plus aucun recours si ce n'est le travail, le travail et le recommencement de ce travail jusqu'à l'abrutissement total. le travail est là uniquement pour faire passer le temps et pour ne pas voir que l'homme est enchaîné malgré lui à sa vie. Quoi qu'il tente de faire, au final, il ne restera que le travail dans un perpétuel recommencement…

L'homme me fait penser à ce grain de sable qu'on enferme dans un sablier. Une fois que le sable est tombé, on retourne le sablier, et le sable continue à nouveau de retomber. L'homme, une fois son travail terminé, n'a d'autres choix que de recommencer à travailler…

Autre point : la relation qui petit à petit s'instaure entre l'homme et la femme. Avec une sensibilité toute japonaise, les deux êtres enfermés dans une même cabane (que l'on pourrait assimiler à une prison) gardent leur distance, se méfient et s'épient. Je sens le rapprochement venir, je le souhaite même, mais l'homme a encore des velléités de départ, une fuite de ce qu'il considère une injustice et ne comprend pas que la femme continue à travailler inexorablement pour rien et pour un éternel recommencement. Mais homme et femme éprouvent des sentiments indéniables, c'est dans la nature et face à une promiscuité aussi rapprochée…

Le rapprochement entre ces deux êtres est formidablement décrit, et l'humanité qui s'y dégage apporte un sentiment de plus en plus uni et une mobilisation plus efficace dans l'effort pour combattre ces terrifiants grains de sable…

Pour conclure, je ne m'attendais pas du tout à ce genre de scénario, mais le cauchemar est là (non, je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre !), et le roman devient effectivement un indispensable de la littérature japonaise. « La femme des sables » est incontestablement l'un des plus grands romans de la littérature japonaise contemporaine, couronné au Japon par le prix Akutagawa (1962) et, en France, par le prix du Meilleur Livre Étranger (1967). Ce roman a été classé par l'Unesco parmi les « Oeuvres représentatives » du patrimoine littéraire universel.

[...]
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
Commenter  J’apprécie          653
Je me suis longtemps demandé et me demande encore le sens de ce roman magistral. Sorte de "mythe de Sisyphe" réactualisé. Dans chaque alvéole d'un terrain sablonneux, des gardiens surveillent que chaque occupant de son trou en évacue correctement le sable pour maintenir en vie cette sorte de village alvéolaire. Bien malgré lui, le protagoniste va échoir dans un de ces trous déjà occupé par une femme qui ne peut plus, à elle seule, en évacuer le sable. Et notre homme s'aperçoit vite que le piège s'est refermé sur lui. Après l'échec d'une évasion, il comprendra que son avenir sera de rester avec cette femme à travailler à extraire le sable. le sable s'infiltre absolument partout. Peu à peu va naitre une relation plus attendrie au sein du couple, moins conflictuelle.
Je me souviens du magnifique film éponyme de Teshigahara sorti peu de temps après le roman. Une des première images est celle où l'on voit cet homme capturer des insectes et les enfermer dans un bocal. Peu de temps après, il tombera dans le trou, se transformant donc lui-même en l'un de ses insectes dans son bocal. Ce constat amène plusieurs réflexions. L'homme est aussi un animal pris dans son piège. Notre existence se limite-t-elle à celle de Sisyphe, sans cesse recommencer la même tâche ? Accepter consciemment que ce soit le sens de notre existence, comme le pense Camus ? A relier au sens de l'absurde, cher à Kobo. L'absurdité de notre vie. (Là, je crois que Camus ne serait plus d'accord).
Abe Kobo, avec ce livre pose une des conditions essentielles du sens de la vie. de plus l'écriture est magistrale. On sent littéralement le sable s'infiltrer par tous les interstices.
On oublie trop souvent Abe Kobo dans les romanciers japonais à retenir.
Commenter  J’apprécie          290
Attention chef-d'oeuvre !
Magique, envoûtant, ensorcelant, prenant, angoissant, enthousiasmant, haletant, exaltant, déprimant, obsédant, ce livre "inclassable" a la dimension littéraire des plus grands tels Kafka, Sartre, Buzzati, Murakami, Pons... pour ne citer que quelques-uns vers ceux auxquels la lecture de cette oeuvre m'a fortement ramené.
Un enseignant célibataire - il a(vait) une maîtresse -, qui vit dans un petit meublé, a une passion... l'entomologie. Il prend quelques jours de vacances pour partir à la recherche d'un insecte inconnu - qui ferait de lui un homme et un entomologiste re-connus -, à partir d'une hypothèse, d'une trouvaille, d'une découverte... conçue(s) par lui : cet insecte vivrait dans le désert au milieu du sable... !!!
Aux yeux de ses collègues de travail, il pare ces vacances d'un parfum de mystère... laisse à son amante une lettre sibylline et disparaît.
Au vu de ce comportement, la police ne trouvant nulle trace du disparu, pas même son cadavre... conclut à une fugue et classe l'affaire.
Le lecteur retrouve la trace de l'homme... dans le désert, à la recherche de son mystérieux insecte.
Pris par le temps et par le soir qui tombe, un vieil inconnu lui propose l'hospitalité dans son village... proche du désert.
Il accepte et le voici descendant une échelle de corde qui lui permet d'accéder à la vétuste maison de son hôtesse, une maison située dans un trou d'une vingtaine de mètres de profondeur et entourée de... sable.
Le lendemain, après une nuit "étrange" et agitée, il s'apprête à partir... quand il s'aperçoit que l'échelle a disparu...
Est-ce une plaisanterie ?
Non, le piège s'est refermé.
Le voilà prisonnier d'un trou, au milieu d'autres trous... c'est ainsi qu'est fait ce village, condamné pour survivre à déblayer le sable qui menace d'ensevelir la maison et le village... en compagnie de " la femme des sables "
L'homme, à travers cette descente aux enfers, va vivre, réfléchir, se révolter, accepter, transcender (?) sa toute nouvelle (?) condition d'esclave.
Cette histoire à la symbolique inépuisable est bien sûr à première lecture une réflexion ou tout au moins une proposition poético-métaphysico-philosophico-littéraire sur le tragique de la condition humaine.
Ce qui en fait sa dimension originale et universelle, c'est que chaque lecteur peut non seulement s'y retrouver, mais y voir le monde tel qu'il se le représente.
Les personnages, l'atmosphère, le décor et l'écriture frôlent le sublime.
Un incontournable !!!
Commenter  J’apprécie          262

Après les cinquante premières pages, j'ai abandonné ce livre pensant que je n'y reviendrai jamais. L'angoisse qu'il provoquait en moi était trop grande… C'était sans compter qu'une fois commencé, ce livre ne me quitterait plus ! Pendant deux semaines, j'ai lu et écouté des analyses sur le net, j'ai lu des critiques, j'en ai parlé aux amis et connaissances qui me prêtaient l'oreille. Ce n'est que lorsque que j'ai connu l'histoire complète, fin comprise que je l'ai repris… je l'ai terminé aujourd'hui les larmes aux yeux, le trouvant trop court! J'ai souvent dû relire plus lentement certains passages pour en percevoir le sens, parfois, je n'ai pas compris parfaitement ce qui était écrit. Je le prendrai sur mon île déserte pour pouvoir relire cette superbe prose poétique, sans doute difficile, mais qui, à chaque nouvelle lecture, se révèle, comme le fait un bain chimique quand on y trempe un cliché pour faire apparaître, de manière de plus en plus intense et complète, l'image encore invisible.
Commenter  J’apprécie          220
Je doute qu'il reste quoi que ce soit d'original à écrire sur « La Femme des sables » au bout de 24 critiques. Une interprétation stoïcienne : le héros renonce à l'évasion pour en garder la possibilité car la liberté est plus une possibilité qu'autre chose.
Commenter  J’apprécie          170
Un roman étrange, à la lisière du fantastique, du symbolisme, de l'existentialisme, de l'absurde. Un classique inclassable. Une histoire minimaliste, à la recherche de l'épure : un homme, collectionneur d'insectes se rend au bord de la mer, dans les dunes. Il passe la nuit chez une femme, au fond d'un trou dans le sable, dans une maison en bois pourri qui menace de s'effondrer. le lendemain, il se rend compte qu'on a prélevé l'échelle de cordes et qu'il est prisonnier d'un étrange village. "La femme de sable" est une lecture à la fois éprouvante et fascinante. On souffre de la misère, de la chaleur, de la saleté permanente, du labeur sans fin, d'une sensualité dérangeante. Un troisième personnage s'invite alors ; le sable qui s'insinue partout, geôlier et bourreau du couple. Tandis que la voix intérieure de l'homme ne cesse de résonner, de s'épandre, de justifier des espoirs absurdes, confessant ses névroses au lecteur. Un huis-clos étouffant, pénible, au style paradoxalement superbe.
Commenter  J’apprécie          112
Un professeur parti à la découverte de quelque insecte des sables échoue dans un petit village du fond des dunes -village dont il ne pourra plus sortir. Comme les autres habitants, le voilà prisonnier du sable : le sable qui envahit tout, qui s'infiltre dans la moindre fissure et qu'il faut sans répit rejeter. Particulièrement dans le trou où est tapie la maisonnette qu'il habite en compagnie d'une femme fruste, vraie maîtresse-servante, Jour après jour, mois après mois, l'homme et la femme rejettent le sable. Cet esclavage est la condition même de leur survie. Lassé de cette routine, l'homme tentera de s'échapper, de retrouver sa liberté…
Lien : http://falbalapat.wordpress...
Commenter  J’apprécie          113
Surprenant !!!
Que dire de plus ? Si ! qu'en fermant le livre, à sa dernière page, quelques grains de sable s'en sont échappés.

Tout ce sable, cet enfermement, les autres, ce désensablement qui n'en finit pas....une prison de sable d'où l'on croit pouvoir partir.... l'espace qui nous emprisonne... cette impression de pédaler sans avancer, d'avoir du sable sur soi-même, de s'étouffer, d'en manger...
Ce livre est angoissant, oppressant, dérangeant et pourtant il nous parle, il est l'humain, il est notre condition.
L'humain, prisonnier de lui-même et de ce qui l'entoure, bataille (consciemment ou pas) vers un soupçon de liberté. Mais, il y a toujours un grain de sable pour enrayer la machine.
Commenter  J’apprécie          80
« La femme des sables « c'est d'abord l'histoire d'un homme qui « entre en métamorphose », qui va prendre conscience de lui-même et changer du tout au tout. L'homme est un entomologiste, un scientifique qui raisonne, ergote, dispute, ce qui ne manque pas d'ironie car il le fait parfois de manière absurde et à coup de proverbes. Il calcule, suppute et classe « avec la même exactitude d'un papier quadrillé »
La femme est « une diablesse ». Indirectement c'est elle qui a fait interner l'homme dans ce trou creusé dans le sable, au moins pour qu'il l'aide dans son travail et elle n'est pas avare de provocations. Elle a l'intelligence et l'innocence des frustres, de ceux qui ne connaissent que le concret. Elle est belle, d'une féminité animale. Son rôle dans l'histoire : principalement travailler,nourrir, faire l'amour, soigner l'homme, et répondre à ses questions.
L'homme est inquiet et exaspéré, non pas seulement à cause de ses échecs d'évasion, mais à cause des réponses et de l'attitude de la femme qui passe sa vie à manipuler du sable qu'elle charge dans des paniers qui sont hissés au-dehors du trou. Elle ne s'en plaint pas et ne veut changer de vie. « Déménager à la cloche de bois vous croyez, vous, que ça serait mieux, « lui répond-elle.
L 'homme réfléchit sur la vie qu'il menait au-dehors, sur l'insignifiance et la méchanceté de ses collègues enseignants, à la peau couleur de cendre, aux mensonges qui nous font enjoliver le quotidien, à la femme glaçante et impitoyable de laquelle il se protégeait par un préservatif.
Après beaucoup de péripéties l'homme finira par admettre que « ce n'est pas la force de l'intelligence qui fait tourner la vie humaine ... Cette existence-ci, cette existence là, l'évidence, c'est qu'il y a beaucoup de manière d'exister ». Il perdra ses illusions et se rapprochera de la femme.
Mais il y a aussi beaucoup d'autre réflexions dans ce roman, qui souvent prend une dimension universelle ; c'est de la condition humaine dont nous parle l'auteur, de nos illusions, de la sexualité policée du monde moderne, de la vertu du travail qui aide l'homme à lutter contre la fuite du temps .Cette dimension est renforcée par l'intervention incessante dans le récit des éléments élémentaires de la nature : le monde minéral, le sable, et l'eau, éléments élémentaires et permanents qui n'empêchent pas que le monde soi en constante évolution (cf. les écroulements du sable, l'évolution de l'araignée).
Et le plus beau est que cela est raconté sous une forme superbe en faisant appel à des discours hallucinants (notamment sur le rapport sexuel vu comme « échange d'achats dans un grand magasin »), à des mythes, et à des paraboles (histoire du chien).
Commenter  J’apprécie          71




Lecteurs (949) Voir plus



Quiz Voir plus

Les mangas adaptés en anime

"Attrapez-les tous", il s'agit du slogan de :

Bleach
Pokemon
One piece

10 questions
885 lecteurs ont répondu
Thèmes : manga , littérature japonaiseCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..