On a soutenu que la Compagnie métropolitaine des Produits pharmaceutiques m’avait indiqué la découverte du docteur Goulven. Ce n’est pas exact. Ayant rencontré mes anciens condisciples de la Faculté des Sciences au congrès biologique de 1904, j’appris, moi-même, de leur bouche, la nouvelle : l’Académie de Médecine décidait qu’en séance publique serait lue la notice de notre ancien camarade. Là-dessus, chacun clabauda, niant l‘importance de ses recherches, comme il sied à des collègues et des émules. « Nos amis nous pardonnent moins un succès net qu’un échec avilissant ! » a dit tel sage du New-Jersey. Pour fielleuses et injustes qu’elles me semblèrent d’abord, la plupart des critiques devinrent tellement acharnées que je sortis du Congrès en doutant que mon ami breton eût créé rien qui valût. C’était de la théorie pure, de la quintessence et de la transcendance : – ce qui ne se vend pas.
J’avais connu notre lauréat pendant un stage qu’il fit a Paris, avant de présenter sa thèse. Il avait alors, deux ou trois mois, fréquenté le laboratoire de chimie organique où je remplissais les fonctions de préparateur. Taciturne et doux, joli garçon, presque imberbe et les cheveux longs, il était souvent en butte à nos quolibets d’étudiants paillards pour la sévérité de ses mœurs « province », comme nous disions. Plusieurs fois il vint dans ma chambre, rue des Écoles, au cinquième, me demander le sens de certaines phrases grecques. ll étudiait la peste antique chez les auteurs hellènes et latins. Reçu docteur, il nous quitta. Je sus dans la suite qu’on l’avait embarqué sur un croiseur, comme médecin en second. Puis je me mariai, j’allai vivre en Flandre, dans la quincaillerie de mes beaux parents. J’engraissai. J’oubliai mon Goulven. Beau coup plus tard, environ dix-huit mois avant qu’on parlât de sa notice à l’Académie de Médecine, pendant un voyage d'affaires pour les iodes, je le retrouvai dans un café de Nantes. Il ne parut guère désireux de se lier davantage, et m’annonça seulement sa prochaine campagne dans le golfe du Mexique. ll espérait y recueillir des observations sur la fièvre jaune et le typhus. Je voulus l’emmener en aimable compagnie, dans un bon endroit. Il allégua qu`il était marié, ce qui fit éclater de rire mes gracieuses Nantaises. L'usure et la coupe démodée de ses vêtements me suggérèrent plutôt qu’il ne pouvait subvenir aux dépenses accessoires de la petite fête. Et je me sou vins qu'à Paris il repoussait, par scrupule excessif de pauvre, les avances de celles qui voulaient chérir gratuitement sa belle figure de chevalier moyen âge, et sa jeune sveltesse. Je le laissai donc partir.
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La fin du XIXe siècle est marquée par une série d'attentats anarchistes. Ces actes récoltent le soutien d'écrivains d'avant-garde comme Paul Adam, Octave Mirbeau et Rémy de Gourmont. Ces affinités avec l'anarchisme étonnent, venant d'écrivains résignés et élitistes qui rejettent la politique au profit de la littérature. Cet ouvrage examine l'influence qu'a exercée l'imaginaire de la décadence sur ces écrivains. Véritable mythe de la fin du siècle, la décadence donne naissance à une esthétique littéraire : le décadentisme. Mais elle agit également sur les anarchistes, qui y voient l'occasion de faire émerger une société nouvelle. Cette analyse jette ainsi un regard nouveau sur les liens entre politique et littérature. La bombe et le livre se superposent, l'utopie anarchiste et l'imaginaire décadent se télescopent. Ce cocktail détonnant laisse entrevoir une intense période de création littéraire et d'ébullition politique. Il questionne les représentations du progrès et de l'histoire, et signale l'émergence de l'artiste d'avant-garde, révolutionnaire en art et en politique.
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Bonnes lectures !
Crédit : Rudy Matile, la prise de son, d'image et montage vidéo
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