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c'est le quatrième livre de Svetlana que j'ai lu.
J'ai découvert cette femme et son travail en 2017 avec Derniers Témoins et Cercueils de zinc.
Que dire ! comprendre la Russie, les Ukrainiens, les Belarus. Cette histoire si complexe. Svetlana témoigne. Ce n'est pas du roman. Des témoignages, par milliers, réécrits, certes. Grâce à ses livres, j'ai ressenti ce qu'était l"Histoire, le sacrifice, la nécessité de la mémoire, l'humilité aussi.
Sa méthode (des témoignages, et une réécriture) donne un ton particulier (on aime ou pas, moi j'aime). C'est souvent triste, tragique, que de vies perdues. Pas beau l'humain.


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Très difficile de résumer et de surcroît analyser une pareille fresque. Ce livre monumental de plus de 700 pages n'est ni plus ni moins une traversée au coeur de la Russie et de l'U.R.S.S. du XXe siècle au début du XXIe siècles. La très talentueuse auteure biélorusse Svetlana ALEXIEVITCH va interviewer des dizaines de russes – dont beaucoup de femmes -, certains ayant connu la période stalinienne. La travail de fourmi va s'articuler autour de plusieurs axes : la révolution russe, le stalinisme, la glasnost et la perestroïka annonçant l'avènement de GORBATCHEV, puis la période ELTSINE, pour se clore avec les débuts de la Présidence POUTINE.

Des témoignages marquants, bouleversants, comme de micro biographies de familles traumatisées. Des hommes, des femmes, de haute ou basse extraction, vont se succéder afin de raconter « leur » histoire, diluée dans celle de leur pays. le récit est foisonnant, vertigineux, dense, presque démentiel. Il tend à faire revivre l'indicible : les camps, la misère, les tortures, les assassinats, les collusions, les règlements de compte, la mafia locale ou nationale, les mensonges de tout un pays frappé par la folie. Les entrevues eurent lieu entre les années 1990 et les années 2000, mais en fin de compte se rejoignent : les russes semblent nostalgiques du stalinisme malgré ce qu'il a engendré en cauchemars, vies brisées et autres massacres. Oui cette période fut atroce, mais d'après les témoins, le peuple avait du travail, partageait, vivait pour son pays, pour une cause juste. Et en gros, on ne fait pas d'omelette sans casser les oeufs, alors les morts, les camps, les exactions, certes, mais pour un but immense : la grandeur du pays.

Dès la perestroïka, le peuple condamne le capitalisme, l'occidentalisation, la débauche, les produits disponibles en grandes quantités, ravivant la cruauté du matérialisme et du consumérisme. Il regrette cette sorte de grande communauté nationale de jadis qui ne formait qu'une entité, solide, certes asservie, mais fière.

Dans ces témoignages apparaissent les spectres du nationalisme ardent, du racisme ordinaire (étrangers passés à tabac, exécutés, torturés), l'antisémitisme hautement revendiqué. Ah ! La haine des juifs, une longue histoire en Russie. Et puis quoi ? Malgré toute cette haine, les juifs devraient remercier les russes d'avoir battu Hitler et le nazisme. Si leur peuple vit encore, c'est grâce aux russes, à son armée, à l'âme russe. Alors rompez petits soldats. Certains témoignages font froid dans le dos par leur violence dans un pays recroquevillé sur lui-même, fier de ses valeurs, mais celles du passé, du communisme triomphant, des dirigeants autoritaires, des beaux uniformes, de la peur à chaque coin de rue.

Et pourtant, des voix – très minoritaires - ne sont pas loin de penser que c'est mieux maintenant, alors à quoi bon ressasser le passé et déterrer les morts et les horreurs ? Et puis, on a pris pour habitude de se taire, la parole a du mal à se libérer :

« - Vas-y, parle, on peut tout dire maintenant…
- C'est qu'on n'a pas l'habitude… ».

Oui, il y a eu la censure d'État, mais c'était uniquement pour la grandeur du pays, l'image de tout un peuple, pour son bien. le stalinisme a trouvé ses défenseurs post-mortem, des nostalgiques d'une période révolue. Révolue ? Ils souhaiteraient que tout reprenne comme avant, c'est-à-dire avant GORBATCHEV, détesté des siens, que l'on revive en autarcie, seuls et forts, avec peu de biens mais un coeur et une âme entièrement dédiés à la Nation. Qu'elle soit russe ou soviétique.

En Russie on a toujours picolé plus que de raison, l'alcool a créé des désastres humains, des familles ont explosé. Aujourd'hui on boit tout ce qui nous tombe sous le coude, jusqu'au liquide de freins. Vérité effrayante d'un peuple qui a toujours souffert, qui n'a jamais connu la liberté ni même la démocratie. Il en a entendu parler, oui, mais bon, si c'est pour devenir comme aux Etats-Unis, non merci. le capitalisme ne s'implantera pas, on n'a pas le droit de le laisser s'enraciner. Un STALINE va revenir, c'est sûr, pour le plus grand bien du pays. Il va faire le ménage, reprendre ou « l'autre » a stoppé, pas d'alternative. Les purges reviendront à grands renforts armés.

« Pauvres débiles ! Comme si ça existait, les miracles ! La vie, c'est pas un navire tout blanc avec des voiles blanches ! C'est un tas de merde enrobée de chocolat ».

Pour parvenir à respirer en ces pages suffocantes, la littérature. En Russie elle prend une place prépondérante, les livres, les écrivains sont considérés comme des trésors, alors on se récite des vers de poètes, même s'ils ont été exécutés naguère par l'appareil d'État, on échange sur les grands romanciers russes, on les cite, on les vénère, leur ombre continue de planer inlassablement, comme une déesse aux mains d'argent. Malgré la misère, on s'instruit, on tient à relayer les écrits ancrés dans une tradition : DOSTOÏEVSKI, TOLSTOÏ, TCHEKHOV, tant d'autres. La culture est intarissable, c'est peut-être elle seule qui aide en somme à tenir le coup au milieu de cette folie.

Ce livre traduit par l'incontournable Sophie BENECH (encore un travail magnifique) est un reportage saisissant dont on ne revient pas sans croûtes. L'auteure ne prend pas la parole, elle laisse parler ses témoins (comme DOSTOÏEVSKI ses personnages en son temps). Elle est biélorusse, or lorsqu'elle écrit son bouquin, la Biélorussie est devenue la première dictature d'Europe, cela aussi a dû motiver Svetlana ALEXIEVITCH à faire parler les survivants presque miraculeux d'une région dévastée. Car certains russes sont devenus étrangers après l'éclatement de l'U.R.S.S., ukrainiens ou biélorusses par exemple. D'autres ont quitté leur pays, l'auteure les a rencontrés un peu partout dans le monde pour les faire témoigner. Ceux-là aussi possèdent des souvenirs, des traumatismes marqués.

Durant ma lecture, j'ai poussé le vice jusqu'à visionner en parallèle le long reportage de 2000 en quatre parties intitulé « Goulag ». Par certains aspects cette « Fin de l'homme rouge » lui fait diablement écho. Fait également de témoignages, le film recoupe les convictions montrées dans le présent livre, ces deux oeuvres semblent indissociables, comme pour faire parler la mémoire. La Russie est décidément un pays hors normes, la violence est prégnante dans les propos et les actes. Il faut absolument découvrir ce bouquin qui prend aux tripes. Pensez cependant à vous aérer durant votre lecture, le voyage est douloureux (malgré les longues histoires d'amours déchirées, certes éparses) mais indispensable. Sorti en 2013, c'est ce récit qui permit à Svetlana ALEXIEVITCH d'obtenir le Prix Nobel de littérature en 2015, il est implacable et édifiant.

https://deslivresrances.blogspot.fr/
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Un livre bouleversant, passionnant, incroyable. 500 pages de témoignages de "russes de la rue" et comment ils vivent avec l'après-URSS. Ce fascinant pays-monde capté "de l'intérieur", à travers l'espace et le temps. Une telle qualité, une telle quantité, une telle variété d'âmes russes, leurs histoires vécues prises dans la grande Histoire. Et cette "souffrance russe", comme un fil rouge entre tout ça. Je n'en reviens pas.
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j' ai lu toutes les critiques des lecteurs de Babelio, rien à ajouter... SI ce n' est qu' enfin on peut ressentir les émotions vécues DE L' INTERIEUR et ce sur une période récente. Combien de récits s' adressent à l' intellect, nous laissant hors d' une émotion réelle! dans le cas présent je me suis sentie "Russe"...
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Voici un livre qui donne la parole à celles et ceux que les livres d'Histoire ne considèrent généralement que comme une masse indistincte.

Voici une oeuvre-somme dans laquelle s'expriment les anonymes, les petites-gens qui ont fait et vécu la période communiste et post-communiste, dans leur chair et dans leurs coeurs pour la plupart, ceux pour lesquels le Communisme était la foi en toutes choses et la principale raison de vivre.

Ce que ce livre nous fait saisir avec émotion et effroi : l'idéologie communiste - comme toutes les autres et comme toujours - parce qu'elle n'a finalement été l'outil que d'un petit nombre de détenteurs du pouvoir, ne s'est pas privée de malmener jusqu'à la persécution, la folie et la mort ceux-là même qu'elle prétendait servir.

Voici une oeuvre dont le foisonnement et l'ampleur constituent désormais pour les générations futures et l'historien chercheur, une somme considérable.
"Foisonnement" de par le nombre de témoignages compilés dans ses 600 pages ; "ampleur", parce que les échantillons d'humanité interrogés l'ont été sur un arc temporel couvrant une trentaine d'années et sont d'une grande variété sociologique, générationnelle et aussi géographique.

Un outil de travail et de réflexion qui offre au lecteur des témoignages bruts et sincères (même lorsqu'ils proviennent des persécuteurs) d'une époque bouillonnante qui a été à la fois épouvantable et pleine d'espérances

Un livre magistral et émouvant, résultat d'un impressionnant travail de compilation ; un livre qui a toute sa place dans le domaine de la littérature car le lissage des témoignages, la sélection dont ils ont certainement fait l'objet par l'auteure lui confèrent non seulement une grande fluidité de lecture, mais aussi une indéniable portée épique, digne d'une vaste fresque historique.
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Elu parmi les meilleurs livres de l'année 2013, "La fin de l'homme rouge, ou la fin du désenchantement", fait partie de ces livres qui marquent. le malheur russe est raconté par de nombreuses petites histoires, recueillies auprès de pauvres gens. Svletana Alexievitch a déjà montré son talent aves plusieurs livres, qui lui ont attiré, vous vous en doutez, les foudres du pouvoir. Qu'à cela ne tienne. Après des centaines d' heures de témoignages auprès d'hommes et de femmes, elle présente la Russie d'aujourd'hui, celle qui reste celle de "l'homme nouveau" d'hier, l'homo sovieticus.

Ses outils furent un magnétophone et un stylo, arpentant le pays à la rencontres de gens, acceptant de parler. Sa méthode :"Je pose des questions non sur le socialisme, mais sur l'amour, la jalousie, l'enfance, la vieillesse. Sur la musique, les danses, les coupes de cheveux. Sur les milliers de détails d'une vie qui a disparu. C'est la seule façon d'insérer la catastrophe dans un cadre familier et d'essayer de raconter quelque chose...L'histoire ne s'intéresse qu'aux faits, les émotions, elles, restent toujours en marge..."

Et les gens parlent, ceux qui ont connu l'union soviétique, et les autres. On lit toutes ces pages avec effroi, et plus on entre dans ces vies, moins on comprend de quoi sont faits ces gens. On assiste aux bouleversements qu'ils ont connus, tant avec l'arrivée du communisme que celle de la perestroïka. D'une société où ils étaient fabriqués, programmés, conditionnés à mourir ou tuer pour des idéaux, ils sont passés sous le règne de sa Majesté la Consommation; ils ne parlaient plus d'idéal mais de crédits. Et pourtant certains continuent à parler de Staline avec effroi... et admiration. Les russes sont nostalgiques de la tyrannie soviétique sans songer un instant à la restaurer. Paradoxe que chacun essaiera de comprendre.

le récit des horreurs est quelquefois insoutenable, mais on le poursuit pour essayer de comprendre l'âme russe, ou soviétique. de merveilleuses histoires d'amour, d'attente, d'espoir jalonnent ce livre qui racontent des vies brisées, massacrées. Utopie ? Peur ? Ignorance ? L'auteur introduit son livre avec une chronologie et une présentation de ce qu'elle-même ressent , et pose des questions sans porter de jugement. La lecture de ces tragédies nous laisse perplexe. " Par sa mentalité, dans son inconscient, notre pays est un pays de tsars. C'est dans nos gènes." dit
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Extrait: " Je pose des questions non sur le socialisme,mais sur l'amour,la jalousie,l'enfance,la vieillesse.[...]Moi je regarde le monde avec les yeux d'une littéraire et non d'une historienne. "

L'auteur a recueilli des témoignages à travers toute la Russie sur une vingtaine d'années à partir de 1991, depuis l'effondrement de l'URSS.

On y découvre des destins terribles, des vies brisées, la nostalgie ou bien le mépris du régime soviétique; le bouleversement puis le désenchantement du passage à une économie de marché...

En plus de nous conter une part d'histoire à travers ces centaine de voix, Svetlana Alexievitch nous dresse un portrait terrible et troublant de l'homme et du peuple Russe, de son magnétophone et son stylo prend forme un inoubliable moment de littérature.

Lien : http://ratdebiblio.overblog...
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«Moi j'aime bien le mot "camarade", et je l'aimerai toujours»
Un livre un peu dérangeant car ce n'est pas un auteur qui s'exprime mais tout un peuple. Un micro trottoir très dense mais un peu fouillis, varié, beaucoup de sincérité et d'émotion de la part des interviewés, ce qui le rend très émouvant pour certains témoignages. On note toutefois que les interviewés font parti souvent de la classe supérieure, mais pas tous il y a de vrais prolos, et qu'ils ont une conscience politique acérée et étonnement lucide.
«Vous avez tort de vous fier aux gens» dit un interviewé et c'est fort possible toutefois il ressort beaucoup de traits communs de l'homo soviéticus et ce n'est pas un hasard surtout dans un état militarisé et policier à l'extrême.
Cerner dans la mesure du possible l'âme russe, Svetlana Alexievitch l' a compris, est une tâche incommensurable et un peu présomptueuse alors elle laisse parler les intéressés, façon écoute sur divan du psy plutôt que extorsion d'aveu KGB.
On fera donc avec et on essayera de lire entre les lignes et c'est particulièrement difficile à cause de l'émotion intense de certains passages.
Une difficulté pour appréhender ce texte car on ne sait pas quelle est la part de retranscription, mise à part la mise en forme un style de très bonne qualité, de l'autrice mais tout cela paraît sincère.
Il y a tout dans cette suite de monologues, de témoignages, d'aphorismes populaires, de slogans politiques, d'avis politiques avisés et d'autre moins, il y a tout... de tout et son contraire comme l'âme humaine et pas seulement la russe, en fait il ne faut pas trop s'en étonner.
Regrets du communisme et du socialisme et adoptions du libéralisme sauvage
Regrets de la culture russe et en même temps, addictions nouvelles à d'autres distractions plus futiles
Rejet de la dictature du prolétariat et de la soumission aux forces financières capitalistes
Regrets de valeurs humaines et sociétales et acceptation de comportements occidentaux de maffieux.
Regret d'un âge d'or et crainte d'un monde nouveau.
Désillusion sur le communisme et sur le capitalisme
Désillusion sur la perestroïka de Gorbatchev et sur la libre concurrence féroce.
La mafia qui mis l'état en coupes réglées et dépossédé l' "homo soviéticus" de ses biens sans qu'il y ait de réaction
Et encore bien plus...
«Les français sont de veaux»* disait le général De Gaulle, et les russes? Aussi mais en plus ils font l'autruche et sont patriotiques, rouges quoi! On remarque quelques similitudes entre gaulois et slaves toutes proportions gardées. Quand on donne le bâton pour se faire battre...Et qu'on a une propension à beaucoup discutailler intellectuellement.
En fait de quoi parle-t-on des russes? Pas vraiment mais de l' « homo soviéticus » réparti sur le vaste empire de l'URSS mais si on commence à regarder au niveau macroscopique on s'aperçoit qu'il n'existe que sur le papier car le Kazakh, le tadjik, l'arménien, le tchétchène, le tatar, l'abkhaze, le géorgien, l'ossète, l'azéri, l'ouzbek ne sont pas des «homos soviéticus» mais des colonisés qui n'ont pas beaucoup d sympathie pour le russe blanc mais rouge et même pas rouge. L'«homos soviéticus» n'est même pas souvent communiste, rouge parfois pour les russes et encore pas tous et pour certains élites des peuples fédérés mais les autres…
Il suffit que la main de fer qui tient le pays se meurt et aussitôt chaque peuple revendique sa libertés comme pour la Yougoslavie de Tito mais un empire qui meurt ça laisse des traces pendant longtemps et les velléités de reprise en main par le dictateur de service risquent d'être fort désagréables et pas seulement pour les russes.
En conclusion et pour élargir le sujet l'URSS n'était pas prête à devenir la Russie et encore moins la Grande Russie. Que va-t-elle devenir avec l'autre monstre kgbiste mégalomane qui s'est trompé d'histoire et d'époque? Et ces russes qui le réélisent systématiquement ne sont-ils les petits tyrans qui lui permettent d'être celui qu'il prétend être: le nouveau tzar du Kremlin?
L'âme russe ne semble pas exister dans ce livre plutôt une manière du russe de se définir complaisamment mais avec beaucoup de larmes, d'énoncer des valeurs abstraites déconnectées de la réalité et de tenir une place dans le monde. Et c'est bien triste pour les individus qui sont broyés par les systèmes successifs communiste idéologique et capitalisme hargneux: l'homme est mauvais c'est intrinsèque à sa nature, russe ou pas!
Le règne de «Mammon» n'est pas mieux loin de là.
Un excellent livre de Svetlana Alexievitch même si elle n'en est que la transcripteuse. Elle a su saisir l'essentiel des "conversations de cuisine" de la Russie rouge.
Note: le mot camarade est porteur de fraternité et c'est bien dommage qu'il ait été autant sali et dévalué... Comme le mot fraternité d'ailleurs celui de notre devise.
*Il est à noter que la phrase réellement prononcée dixit le fiston, serait « Ce sont des veaux. Ils sont bons pour le massacre. Ils n'ont que ce qu'ils méritent. »
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Svetlana Alexievitch emprunte au journalisme (son métier) la technique de l'interview : La fin de l'homme rouge est un assemblage de témoignages recueillis sur le territoire de l'ex-URSS. Elle s'intéresse à la petite histoire de chacun dans une grande Histoire que l'on connait tous. Chaque texte est d'une profondeur saisissante, elle sonde l'humanité et son contraire à travers des expériences très différentes, sans jamais porter de jugement, mais avec un fil conducteur: toutes les personnes qui se confient ont en commun d'avoir été élevées dans l'ère soviétique et d'avoir vécu l'effondrement soudain pas uniquement d'un système politique mais de l'ensemble des valeurs qui étaient les fondations de leur éducation. Il n'est pas question ici de nostalgie de l'URSS - chacun ayant vécu le drame des privations de libertés, le retour en arrière n'est pas une option - mais plutôt d'un déracinement culturel violent. Ce sont des exilés en leur propre pays.

Lire ces récits publiés il y a presque une décennie dans cette période de guerre en Ukraine et tout en traversant la frontière ouest de l'ex-URSS a sans doute exacerbé ma sensibilité. La littérature montre ici son pouvoir de nous aider à mieux nous connaître et je perçois à travers la façon dont cette lecture m'a bouleversée qu'il y a là, cachée entre ces lignes, une explication de mon attirance pour ce territoire.

Un des textes qui m'a le plus marquée est celui des amis d'Igor, un collégien de 14 ans qui s'est donné la mort et qui se termine ainsi:

"Vous avez compris? Je vous ai parlé d'Igor... de notre génération perdue, avec une enfance communiste et une vie capitaliste. Je déteste les guitares! Si vous voulez, je peux vous faire cadeau de la mienne..."

Cette édition est enrichie du discours de Stockholm prononcé par l'auteur lors de la remise du prix Nobel de littérature en 2015.
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Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature 2015, journaliste, a parcouru l'ex- URSS pour recueillir le témoignage de personnes qui ont vécu sous le régime soviétique. Elle leur a demandé de raconter leurs souvenirs, non seulement sur des événements politiques, mais aussi et surtout sur leur vie quotidienne à l'époque, leurs joies, leurs peines, leurs amours. Ce livre est la transcription de tous les enregistrements effectués, sans aucune intervention de sa part. C'est très intéressant mais surtout bouleversant.
Lors de l'invasion russe en Ukraine, beaucoup d'entre nous, occidentaux, se sont étonnés que Poutine ait gardé le soutien d'une partie importante de ses compatriotes. Ce récit permet de mieux comprendre cette réaction, sans la justifier bien sûr.
La plupart des soviétiques ont accueilli avec joie la perestroika de Gorbatchev, suivie de la libéralisation du régime sous Elstine. Ils allaient enfin pouvoir vivre autrement, acheter voitures, téléviseurs, lave-linge, manger et se loger décemment, découvrir le monde en voyageant. Mais ils ont finalement découvert un capitalisme où les riches sont encore plus riches, les pauvres souvent tout aussi pauvres. Leur déception fut à la hauteur de leurs espérances. Ce n'est pas pour rien que le bouquin est sous-titré « ou le temps du désenchantement ». D'autant plus que l' « homo sovieticus » a besoin de se sentir citoyen d'un grand pays, d'un empire pour lequel il serait prêt à sacrifier sa vie. C'est plus important pour lui que la liberté. Il est un idéaliste romantique, un peu naïf, certes aveugle car il sait maintenant ce que fut le régime de Staline, mais préfère ne pas y penser. Bon nombre de personnes interviewées ont encore la nostalgie du « père des peuples » : l'être humain oublie vite ! Et pourtant il en a connu des horreurs : tortures, assassinats, enfants arrachés à leur mère…
L'implosion de l'URSS a montré aussi le côté sombre de l'hommme soviétique, sans doute de l'être humain en général. Les populations du Caucase, de races et de religions diverses, vivaient en accord correct auparavant, soumises aux mêmes lois, aux mêmes règles du régime. Dès la fin de l'URSS, elles ont réclamé et souvent obtenu leur indépendance – c'est très bien- mais se sont empressées d'entrer en guerre contre leur voisin, et ces hostilités furent violentes et cruelles. Ainsi la Géorgie contre l'Abkhazie, l'Arménie chrétienne contre l'Azerbaïdjan musulman.
Tous les témoignages recueillis bouleversent tant ils prouvent qu'il y a loin du rêve à la réalité. Deux images du peule russe resteront aussi gravées dans ma mémoire : la première est celle des hommes (presque tous) qui se saoûlent à la vodka et qui battent leur femmme, la seconde, plus drôle, prend la forme d'un saucisson, qui semble là-bas être le symbole d'une alimentation correcte !
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