Djaïli Amadou AMAL.
Les impatientes.
Ce livre lu en deux jours m'a bouleversé. Puis-je vous poser une question ? Dites-moi : sommes-nous au Moyen-Age ? A quelle époque vivons-nous ? Que de révélations assénées à grands coups de bâton. Oui, nous sommes au XXIème siècle et Djaïli nous narre des faits réels qui se sont déroulés il y a une dizaine d'années et qui vraisemblablement se reproduisent au quotidien encore de nos jours…. Oui même en 2021 ! Je sais cela nous paraît surréaliste.
Trois jeunes femmes, plus exactement deux jeunes filles de dix-sept ans et la mère de l'une, âgée de la trentaine nous content leur vie de femme, imposée par les hommes, pour satisfaire les instincts de ces derniers. C'est abject, révoltant. Les multiples sévices que subissent ces femmes, au sein de la cellule familiale, avec l'approbation du père, de l'oncle, du frère, me révoltent.
Ramla, dix-sept ans, encore lycéenne, sa demi-soeur, Hindou, également dix-sept ans se marient, non on les marie le même jour. Un époux imposé, aussi bien à l'une qu'à l'autre. Quelle tristesse. Mais c'est la coutume, la tradition, le poids de la société ! Ramla devient la coépouse d'un cinquantenaire qui a déjà trois femmes ; Hindou, épouse son cousin germain, le fils d'un de ses oncles. Safira, la mère d'Hindou, a été contrainte à épouser un homme non désiré. Il faut établir la lignée afin de noter les pères et mères de ces enfants et de retracer la généalogie de toute cette fratrie, demi-fratrie qui vit dans une concession, avec une demeure pour chaque coépouse. Safira a également subi un mariage forcé : elle a pris , non on lui a imposé le mari de sa soeur lorsque cette dernière est décédée. Quel imbroglio !
Ce roman, basé sur des faits réels que même l'auteure a subi me glace. J'ai été attiré par la couverture. Sur fond jaune, trois femmes, noires, vêtues de riches boubous, semblent défier le temps, les hommes : elles nous offrent un regard altier, un port de tête franc. Non ce sont des femmes soumises au bon vouloir de leur maître et seigneur. Elles leur doivent respect, déférence, estime, vénération. Ce sont eux qui les maintiennent sous leur joug : ils travaillent et rapportent de l'argent à poignées pour faire vivre la tribu. J'ai jeté un oeil sur Wikipédia afin de mettre un visage sur Djaïli, de connaître sa vie, son origine. Elle a connu ce qu'elle décrit et aujourd'hui, cette féministe lutte, au niveau mondial pour l'émancipation des jeunes filles. Ce récit fait maintenant partie des classiques au Sénégal : il est inscrit dans le programme des études du secondaire. Combien de décennies seront nécessaires pour obtenir l'égalité, homme femme dans tous les pays empreints de ces traditions séculaires ! Combien de femmes, de jeunes filles seront encore violentées, répudiées, excisées, martyrisées, bafouées, etc.… Et cette narration se déroule dans un milieu aisé, chez les Peuls. Je vous laisse imaginer ce qui se passe dans des milieux défavorisés. Chacun, ferme les yeux, lorsqu'un homme maltraite son épouse. C'est insoutenable, cependant, je vous invite à vous plonger dans cet ouvrage, véritable reflet de la culture polygamique,communautaire, qui j'espère va disparaître…. Je me berce d'illusions…. Ce roman a obtenu le prix Goncourt des Lycéen en 2020. Il aurait pu bénéficier de l'autre Goncourt….
( 25/0/2022).