Abécédaire de Marcel Duchamp

L’air a souvent servi à Duchamp de métaphore pour désigner la liberté et l’insouciance qu’il n’a cessé de revendiquer jalousement contre tout esprit de sérieux : « Vous pourriez dire que je passe mon temps à respirer, je suis un respirateur. » Avec un humour noir, une note se départit cependant de cette légèreté en annonçant notre situation de façon prémonitoire : « Etablir une société dont l’individu ait à payer l’air qu’il respire (compteur d’air) ; emprisonnement et air raréfié en cas de non-paiement, simple asphyxie au besoin (couper l’air). »

Marcel rejoint en 1904 ses frères aînés à Paris, où il suit les cours de l’Académie Julian. …. Le monde de l’art est alors en pleine effervescence, une avant-garde succédant à l’autre. La peinture de Marcel Duchamp évolue à la même vitesse, tour à tour cézannienne, fauve, cubiste.
…
L’année 1912 marque un coup d’arrêt dans cette production : son tableau « Nu descendant un escalier » est retiré du Salon des Indépendants par crainte qu’il ne discrédite les artistes présentés. Cette décision, prise avec l’assentiment de ses frères, précipite des décisions radicales : Marcel Duchamp s’exile pendant plusieurs mois à Munich, où il vit dans l’isolement.
…
Marcel Duchamp s’installe en 1915 à New York, où il rencontre Man Ray … Vivant de leçons de français… brillant, adulé, il est rapidement le centre d’une société se vivant comme un foyer pour les avant-gardes alimentée par la fortune du couple de collectionneurs Walter et Louise Arensberg. Il produit l’essentiel de ses ready-mades dans ces années, jouant avec les frontières de l’art.

Le dévoilement après sa mort de l’œuvre sur laquelle il travaillait en secret depuis vingt ans, « Etant donnés : 1. La chute d’eau 2. Le gaz d’éclairage, création complexe qui place le spectateur dans la position du voyeur d’une scène de crime sexuel, place Duchamp une fois de plus à l’avant-garde de l’art de son temps, qui découvre alors un nouveau genre : l’installation.

Marcel Duchamp, fait citoyen américain en 1955 sur la recommandation d’Alfred Barr, fondateur du MoMA, voit sa postérité assurée. Cette position est confortée la décennie suivante grâce à l’édition par Arturo Schwarz des ready-mades dont la plupart des originaux ont disparu, ce qui permet à son œuvre d’entrer dans les grands musées d’art moderne.

La pratique des échecs à un niveau professionnel tient alors une place considérable dans sa vie, au point de l’absorber pendant de longues périodes. Lors de ses retours en France, il se reconnecte aisément aux milieux d’avant-garde, pour lesquels il devient rapidement une figure de légende.