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Le ghetto intérieur " de
Santiago H. Amigorena
aux éditions POL.
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Quand mon mari regarde à la télévision des reportages sur la deuxième guerre mondiale et les nazis , je quitte souvent la pièce car je n'arrive pas à les regarder ; trop douloureux, trop présents encore dans mon esprit . C'est pourquoi, lorsque j'ai reçu "
Le ghetto intérieur " dans le cadre du #grandprixdeslectriceselle2020, qu'est ce que j'ai appréhendé cette lecture. Et puis , page après page, je me suis laissée emporter par la beauté du texte, par tous ces sentiments qui explosent au fil des phrases. Tantôt la joie, le bonheur, l'amour, tantôt le doute, la crainte, la peur, la honte, la détresse, la tristesse, le chagrin, la douleur...
Vincente était le grand-père de Santiago ; c'est un pan de son histoire que celui-ci nous raconte. Des années terribles. Ce jeune homme juif polonais , réfugié en Argentine, marié et père de 3 enfants va se trouver confronté à une telle culpabilité qu'il va se murer dans le silence . Plus de mots, plus de phrases, plus d'expressions sur son visage... Plus rien...
Vincente a fui la Pologne en 1928. Plus exactement, il s'est éloigné de sa mère et d'un pays où il ne se sentait plus heureux. Il aurait pu faire venir sa mère et le reste de sa famille ( frère, soeur, et leurs conjoints ...) mais il n'a jamais vraiment insisté pour que cela se fasse. Il a même eu du mal à tenir sa promesse d'écrire souvent à sa mère.
Et puis la guerre arrive et tout s'accélère en Europe; la Pologne souffre à son tour. Même si les informations arrivent très en retard en Argentine et si les journaux ne disent pas tout ce qui se passe en Europe , Vincente prend peu à peu conscience des traitements infligés aux personnes juives. Commence alors dans sa tête un long questionnement : qui est-il ? est-il encore un juif ? Mais qu'est-ce ça qu'être un juif ? Est-il polonais? Est-il argentin? Pourquoi peut-il manger à sa faim, lui ? Pourquoi vit -il des moments agréables, heureux ? Alors que le reste de sa famille souffre loin de
lui et qu'il est impuissant ,qu'il ne peut rien faire...
Et puis tout s'accélère. Des lettres de plus en plus terribles arrivent; sa mère évoque le sort qui leur est réservé dans Varsovie et son ghetto: la faim, la peur, la mort qui est tout autour d'eux, la violence. Alors Vincente n'en peut plus de penser, d'entendre son cerveau lui parler. Il va se déconnecter de tout, de sa vie familiale, de son travail, de ses amis , il va se taire.
Les journaux finissent par évoquer ce qui se passe : les trains,les convois, les camps ; Vincente s'enfonce de plus en plus et comme son épouse, nous sommes impuissants face à sa souffrance . Nous la comprenons mais ne pouvons l'aider. Et c'est très éprouvant pour le lecteur d'assister à sa descente. Jusqu'où va-t' il aller? Jusqu'au suicide? N'y a t 'il rien ni personne pour arriver à briser ce mur de silence ?
Heureusement, le 8 mai 1945 marque la VICTOIRE de la France et ses alliés contre les bourreaux nazis.Toute l'horreur de cette guerre éclate encore plus au grand jour, et le nom de Shoah sera finalement choisi pour l'évoquer.
Et Vincente va revenir tout doucement à la vie , se remettre à parler .
Ce roman figure dans la sélection pour le Goncourt. Je ne sais quel sera le choix de l'Académie, mais ce que je sais, c'est que ce roman fera parler de lui quoiqu'il arrive. Impossible de rester indifférent face à ce magnifique témoignage.