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sur 972 notes
Installé en Argentine depuis 1928, Vicente Rosenberg a laissé derrière lui, en Pologne, sa mère et son frère. Sa soeur a, quant à elle, choisi la Russie. Vicente s'est construit une vie en Argentine avec sa femme, Rosita et leurs trois enfants. Mais en ces troubles années 1940, alors que l'Europe entière s'embrase, les nouvelles qui lui parviennent de Varsovie sont terriblement inquiétantes. Et Vicente doit bientôt se rendre à l'évidence : sa mère ne sortira pas vivante de l'enfer qui s'est abattu là-bas et s'étend progressivement. Rempli de remords et de culpabilité, Vicente se retranche dans un silence que ni sa femme, ni ses enfants, ni ses amis ne parviennent à briser.

Santiago H. Amigorena nous plonge ici dans l'intimité d'un homme rongé par le sentiment d'avoir abandonné les siens. Alors que Vicente avait choisi l'exil pour construire une vie loin de sa mère, il comprend petit à petit que l'histoire va le priver pour toujours de celle qui lui donné la vie. Et que, plus que la mort de cet être qu'il chéri malgré les conflits qui ont pu les opposer, c'est surtout l'idée des souffrances qu'elle endure et qui lui apparaissent dans toute leur horreur au fur et à mesure que les nouvelles qui lui parviennent d'Europe se font plus précises, qu'il ne peut accepter alors que lui-même vit protéger dans ce pays qu'il a choisi.

Santiago H. Amigorena nous fait vivre les grandes dates qui ont marqué le ghetto de Varsovie et les terribles décision qui ont conduit à la mort de ses habitants à travers le regard épouvanté de Vicente. Les privations, la violence, la faim, la maladie que Vicente apprend au fur et à mesure, souvent à retardement et qui vont crescendo dans l'horreur. Les lettres qu'il reçoit de manière sporadique de la part de sa mère entretiennent aussi l'effroi et la culpabilité, ce sentiment terrible d'impuissance.

L'auteur aborde à travers ce récit autobiographique, puisqu'il raconte l'histoire de son grand-père, le poids de l'héritage familial mais aussi le sentiment d'appartenance à un peuple, une histoire, une religion et la manière dont cela peut se construire à partir d'une épreuve comme celle-ci. Car Vicente, qui ne s'est jamais réellement pensé comme étant juif, sent au fil du drame qui se joue si loin de lui naître ce besoin de se raccrocher à ses racines, aux souffrances endurées par les siens.

C'est un récit puissant, chargé d'émotion, qui donne un éclairage intéressant sur le besoin de silence face à quelque chose qui nous dépasse, à l'impuissance des mots pour traduire ses sentiments (culpabilité, honte, remords), à cet enfermement volontaire de ceux qui toujours penseront « pourquoi eux et pas moi ?», « qu'aurais-je pu faire de mieux, de plus ? », ceux qui vivront avec cette ombre au-dessus d'eux, la transmettant souvent de génération en génération.
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Je l'ai terminé hier.
Je ne sais pas quel livre commencer aujourd'hui. Je ne sais pas si je peux en commencer un autre d'ailleurs. Ni quand exactement.
Depuis hier je n'ai plus envie de rire. Ça reviendra bientôt.

Je ne peux vous expliquer, ainsi que je l'ai ressentie, la force de ce roman. C'est assez personnel la lecture… Certaines nous rongent, nous habitent, nous hantent. La puissance de celle-ci m'accompagnera un long moment.
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Au café Tortoni, ce 13 septembre 1940, Vincente Rosenberg va rejoindre ses amis Ariel et Sammy.
C'est un lieu à la mode et qui voit passer les célébrités, José Luis Borges, Arthur Rubinstein, Roger Caillois…venus à Buenos Aires pour fuir ce qui se trame en Europe.
En ce jour, la conversation tourne autour de deux sujets : les mères juives et la guerre en Europe.
Vincente est arrivé bien avant les évènements en 1928, juste à la recherche de son indépendance.
« C'est ce qu'on fait depuis la nuit des temps, non ? On aime nos parents, puis on les trouve chiants, puis on part ailleurs…C'est peut-être ça être juif… »
La vie est passée vite depuis son installation dans ce pays, il s'est marié, il a trois enfants, un magasin de meuble à faire tourner, les journées sont bien occupées et le temps a filé.
Sa mère et son frère sont toujours en Pologne, sa soeur elle est en Russie. Cela fait trois mois qu'il n'a pas eu de nouvelles.
Sammy avait fui le vieux continent avec toute sa famille et Ariel avait réussi à convaincre les siens de venir depuis 1937.
Vincente depuis douze ans n'a pas tenu sa promesse d'écrire toutes les semaines, comme il n'a pas réussi à convaincre sa mère et son frère de fuir. A-t-il assez insisté ?
« S'éloigner de sa mère en 1928, l'avait tellement soulagé — être loin d'elle, aujourd'hui, le torturait tellement. »
Le 9 décembre 1940 enfin une lettre. Plutôt alarmante, il y répond et réitère sa proposition de les faire venir à Buenos Aires.
« Wincenty, mon Wincenty, mon coeur, mon enfant,
Tout est devenu compliqué ici. Beaucoup de voisins de l'immeuble sont morts ces derniers mois. Berl soigne des gens pour quelques zlotys, mais la plupart n'ont plus de quoi payer. On ne sait pas ce qu'on va devenir. Il y a bien Shlomo qui nous aide parfois un peu, mais même pour lui les choses sont devenues difficiles. Les Allemands ne nous parlent plus, ils nous traitent comme des animaux. »
Lui qui avait délaissé la lecture des journaux, traque la moindre information, il lit tout ce qu'il trouve. Il rejoint de plus en plus souvent ses amis au café et pourtant participe de moins en moins. Comme s'il avait besoin de leur présence pour se réchauffer sans pour autant pouvoir livrer ce qui obstrue toutes ses pensées.
Il se heurte sans cesse à son incapacité à réussir à sauver les siens.
C'est indicible et finalement impossible de reconnaître l'inacceptable.
Alors le silence l'enveloppe l'emporte loin de son présent.

L'auteur amorce son récit en trouvant un biais original car le sujet a été l'objet de multiples essais et romans etc. Ce qui est surprenant c'est la douceur qui se dégage de l'ensemble pour dire l'indicible, l'horreur sans jamais user ou abuser de scènes horribles.
Cela ne fait que concentrer l'attention du lecteur, ce silence est ressenti dans toute la splendeur d'un retentissement qui nous fracasse les oreilles, nous noient les yeux et va nous nouer le ventre jusqu'à la dernière ligne.
Dire avec force l'origine du silence, de la culpabilité qui se propage aux descendants.
Nous ne saurons jamais si Gustawa…
« Si jamais elle a été arrêtée, j'espère qu'elle a réussi à garder son châle. C'est tout. Juste ça : son châle en laine rose. Je demande que ça, mon Dieu en qui je n'ai jamais cru. Je demande que maman, si elle a été arrêtée, soit tombée sur un soldat allemand assez humain pour comprendre que ce châle en laine rose ne pouvait faire de mal à personne. »
Vincente est un corps errant, difracté de sa famille et de ses amis, un esprit exilé qui rejoint les siens dans le ghetto intérieur même s'il ne peut avoir qu'une vague idée des horreurs de la réalité.
L'auteur redonne la voix à son grand-père, c'est puissant, troublant et déchirant.
©Chantal Lafon

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Très beau roman.
Le personnage principal ne peut pas envisager le pire pour sa famille restée en Pologne.
Il finit par se construire sa propre prison intérieure,qu'on peut mettre en parallèle avec la construction du ghetto de Varsovie,en se taisant et en étant absent à sa propre vie.
Sa souffrance profonde nous fait réfléchir à la culpabilité qu'ont pu éprouvée les survivants aux tragédies contemporaines (guerres,génocides,attentats)
Un ouvrage dont on ne sort pas vraiment indemne,à l'écriture fine et ciselée.
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Dans ce roman, nous suivons Vicente qui vit en Argentine tout en ignorons les tragiques événements que connaît l'Europe à cause de la montée du fascisme et du nazisme. L'auteur nous offre un récit d'exil qui nous montre la vie mélancolique de cet homme qui essaie de s'adapter à la vie a l'étranger pour surmonter la destruction de sa famille.
Un récit très poignant et bouleversant qui nous raconte l'histoire vraie des grands parents de l'auteur.
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En 1928,Vicente,fuit son pays : la Pologne ,pour s'exiler en Argentine, préssentant ce qui va se passer,il abandonne sa mère, son frère et sa soeur.
En Argentine à Buenos Aires ,il rencontre Rosita qui deviendra sa femme ,et ils auront quatre enfants.
Il retrouvera aussi deux amis de jeunesse exilés comme lui: Ariel et Sammy.
Vicente et Rosita ,grâce aux parents de celle-ci ,vivent dans l'aisance .Le père de Rosita tient un magasin de meubles que reprendra par la suite Vicente.L économie de l'Argentine se porte bien contrairement à l'Europe qui est en pleine crise économique.
Vicente reçoit peu de nouvelles de sa famille et de son côté en donne peu, ils vivent dans un bonheur parfait,il insistera auprès des siens pour les faire venir en Argentine mais ceux-ci refuseront.
Et puis de mauvaises nouvelles arriveront très tardivement,ou on y parle de ghetto,où la solution finale est entrevue;Vicente et ses amis lisent différents journaux mais contrairement a Vicente eux, ont leur parents a côté d'eux.
Vicente est seul,et les rares lettres de sa mère sont alarmistes.
À partir de ce moment, il va s'enfoncer dans un silence de plus en plus pesant: Ne plus savoir,Ne plus penser,et essayer d'oublier vont être ses objectifs,
Il s'éloigne de sa femme,de ses enfants,se réfugie dans le poker,au casino et y perd des fortunes.
C'est un sentiment de honte ,de culpabilité, d'impuissance,qui le ronge,jour après jour,il "descend" inexorablement dans un mutisme dévastateur,totalement coupé de la réalité,agissant par automatisme.D'où le titre:Le ghetto intérieur.
Ni sa femme qui l'adore,ni ses enfants ne parviendront à lui faire retrouver sa joie de vivre .
Une très belle histoire ,vraie puisque l'auteur parle de ses grands-parents.Un témoignage aussi,puisqu'à travers la vie de Vicente ,on voit la montée du nazisme et les méthodes appliquées pour ce que les nazis ont appelé: La solution finale.
C'est un livre dur ,c'est vrai mais qui retrace bien cette période de l'histoire,et ce décalage, entre l'argentine .où il fait bon vivre,et le contraste avec l'Europe en guerre m'a beaucoup plu.
Étant moi-même ,fille de déporté, ce livre m'a beaucoup touché, car nous portons dans nos gènes,malgré tout,une partie de cette page d'histoire qui,si ,depuis ,beaucoup de pages ont été tournées, il ne faut pas oublier.⭐⭐⭐⭐
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Qu'aurais-je fait ? Qu'aurais-je ressenti ? Qui aurais-je été ? Et comment cela fut-il possible? Ce sont toujours les mêmes questions. Et c'est toujours la même absence de réponse. Je reste sans réponse car je ne parviens pas à expliquer la haine que les Hommes peuvent éprouver. Comment ? Pourquoi ? Je ne comprends pas car la haine échappe à la raison. Elle la fuit, l'esquive, s'en libère en implantant ses racines dans un dehors impénétrable, insaisissable. D'où vient la haine de l'Autre ? La haine se nourrit de la raison pour se justifier et se renforcer mais elle émerge hors d'elle. Où exactement ? Qui le sait ? Seule l'amour - de soi, des autres, des Hommes et plus largement de l'humanité - résiste à la haine mais quand il n'est plus ? Quand il se fait rare ? Comment s'en sort-on ?

En lisant Santiago H. Amigorena, je me suis demandée ce que j'aurais fait moi à la place de son grand-père. Dans quel état me serais-je retrouvée ? Anéantie, meurtrie, forcément. Mais après ? Me serais-je, comme lui, emmurée dans un silence ? Me serais-je retirée de la vie ? Aurais-je fini par y mettre un terme ? Les Nazis ont tué, par milliers, par millions. Ils ont anéanti, détruit, exterminé. Et ils ont meurtri à jamais celles et ceux qui sont restés en vie. Dans quel état se retrouvent ceux-là ? La littérature est là pour nous raconter mais elle ne suffit malheureusement pas pour empêcher car les Hommes sont ce qu'ils sont, capables du pire comme du meilleur. Et ils ne savent pas tant qu'ils n'ont pas vécus, éprouvés. Autant dire que la haine a encore un bel avenir devant elle.

Mais revenons à ce livre ; nécessaire forcément comme tous les livres qui parlent de la violence du monde. Il y a dans ses pages un désespoir, une culpabilité, une disparition progressive. Il y a un homme qui se retire du monde car ce monde le prive de sa beauté. Il y a un homme qui meurt car il perd beaucoup. C'est triste, forcément. C'est tragique, indubitablement. C'est un drame, véritablement. Bémol, toutefois. J'aurais aimé que l'auteur, puisqu'il parle de ghetto intérieur, montre avec plus de précisions encore le cheminement qui amène un homme à épouser le silence éternel. Que ressent-on concrètement ? Que se passe-t-il au plus profond de soi ? Pourquoi continue-t-on à vivre si la vie a perdu de sa beauté et de son goût ? Qu'est-ce qui nous maintient encore en vie si cette vie n'est plus que tristesse infinie ? J'aurais voulu que l'auteur aille plus loin encore dans sa démarche mais aurait-il pu le faire ? Peut-il vraiment savoir lui qui n'a pas connu la seconde guerre mondiale, qui n'a pas vraiment connu son grand-père ? Peut-il ?
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Santiago H. Amigorena nous propose d'écouter, en silence, celui de trois générations. Avec des sommets de pure terreur, les cauchemars de la mémoire s'engluent dans le récit historique et les répétitions troublantes, nous enfermant entre ces quatre murs.
Cadenassé entre honte et réminiscences, le protagoniste se trouve seul face à un terrible dilemme : le mutisme contre le souvenir, la culpabilité imminente face à l'amnésie éternelle, nommer le crime ou en oublier les victimes.
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En 1929, Vicente jeune juif polonais s'enfuit de cette Pologne dure et triste où l'ombre d'Hitler plane déjà en laissant derrière lui sa mère et ses frère et soeur. Il va se faire une vie meilleure en Argentine . Bien intégré avec une famille et une situation il n'a pas très envie de se souvenir de son passé. Il ne s'est jamais senti juif, pas plus polonais qu'allemand ou maintenant argentin . C'est un homme élégant, sympathique mais « hors sol », peu de choses l'atteignent et il se renseigne peu sur son pays, les journaux parlent rarement des horreurs qui commencent à émerger en Europe.. Une lettre
de sa mère va le choquer profondément mais au lieu de réagir il va s'enfoncer progressivement dans un mutisme total ne faisant part à personne de ses sentiments, de sa culpabilité. Il lit peu les journaux mais la réalité explose aux yeux de tous et il refuse de mettre des mots, des images, celles de sa mère décharnée allant à l'abattoir.
Incapable d'affronter la réalité, il va peu à peu « disparaître «  étouffé par sa culpabilité et l'impensable devenu réalité.. il ne sortira pas de ce silence abyssal.
Je crois qu'aucun livre ne m'a fait voir aussi crûment le déroulement des atrocités jusqu'à la solution finale.
Heureusement, les arrières petits-enfants feront naître un espoir en comprenant avec le recul du temps ce qui s'est réellement passé en Europe et vont comprendre aussi le destin de cet arrière grand-père devenu fantôme.
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Vicente Rosenberg a quitté la Pologne en 1928 ; autant pour fuir l'antisémitisme que pour fuir sa mère. Parvenu en Argentine il s'y installe, se marie, fonde une famille, se fait des amis et se construit une vie professionnelle.

A mesure que l'Europe s'enfonce dans la guerre, et les horreurs de la Shoah, le nouveau monde se relève économiquement.

Vicente reçoit des nouvelles de sa mère, de moins en moins souvent néanmoins, mais ne répond pas très assidûment.

A mesure qu'il a des nouvelles de plus en plus alarmantes à propos du sort de sa mère, prisonnière du Ghetto de Varsovie, Vicente s'enferme à son tour dans son propre Ghetto. Il se drape dans un silence en se coupant de ses amis, de sa famille et de son épouse. Rien, il ne dira rien de ce qui le hante, de la culpabilité qui le ronge au fil des jours.

Vicente, c'est le grand-père de l'auteur.

Je découvre ainsi la plume d'un auteur dont j'avais assez peu entendu parler avant qu'il ne reçoive le Prix des libraires de Nancy.

J'ai beaucoup aimé cet opus, sobre dans sa construction et son écriture, de plus intense. L'auteur s'est emparé avec brio de la psychologie de Vicente qu'il relate avec justesse et puissance. Ce qui frappe, c'est le contraste entre Vicente qui sait et se tait, et les autres qui ne savent pas, ne peuvent pas savoir et vivent comme si de rien n'était. Ils ne comprennent pas Vicente, lui-même incapable de se ″soulager″, ou pour le moins d'extérioriser sa culpabilité.

Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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