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Calligrammes ou la guerre d' Apollinaire.
Le poète dessine ses textes, avec ou entre ses vers cadrés.
Comme pour mieux marquer sa sidération devant l'inouïe cruauté d'un conflit qui s'enlise... Cette guerre de certains aspects merveilleux et beaux.
La Guerre, avec sa musique-propre et son humaine inhumanité.
Apollinaire continue d'écrire, de tracer ses poèmes dans la boue des tranchées et avant la fureur de l'assaut.
C'est ce qu'Apollinaire sait faire, lui le poète engagé dans cette folie collective.
D'autres raconteront, témoigneront de façon plus classique.
Calligrammes, de Guillaume Apollinaire, amène un regard autre: Celui d'un poète déjà mûr.
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Apollinaire me semble être un peu le Picasso –dont il était d'ailleurs l'ami- de la poésie du XXème siècle : comme lui virtuose et créateur, précurseur, mais mort trop tôt en 1919, il aura participé à lancer le surréalisme, participant à l'émergence du dadaïsme et du cubisme. Ses calligrammes, dont il est l'inventeur, peuvent ainsi nous faire penser aussi bien aux haïku japonais qu'à l'art naïf du Douanier Rousseau, et illustrent bien sa recherche permanente à la fois d'inventivité et de spontanéité, d'authenticité.

Dans mon parcours personnel, après la lecture des poètes maudits et romantiques, et avant les surréalistes, son oeuvre poétique est l'une des plus abouties, des plus équilibrées. Malgré son côté parfois expérimental, sa poésie ne perd jamais le contact avec l'intuition , la sensation, ce qui la rend très abordable. Passé le premier mouvement déstabilisant face au poème-dessin qu'on ne sait par où aborder, il est aisé de se laisser porter par sa propre inspiration… par un mouvement de libération de la lecture comme de l'écriture, voulu et pensé par Apollinaire.

Ce recueil, qui ne comporte en fait de poèmes-dessins que pour moitié, est aussi composé de poèmes en vers libres, de sonnets déstructurés, comme chez Blaise Cendrars. Beaucoup traitent de son expérience de guerre, alternant avec l'espoir d'un retour à la paix… et ses amours, riches et inspirant nombre de ses poèmes. La colombe et l'obus, l'appel de la femme et celui du voyage, s'opposent et s'entremêlent, en mots comme en images.

L'écriture elle-même oscille entre un lyrisme somme toute classique, qui nous parle du temps, des saisons, des étoiles et de l'oiseau qui chante, nous chante la ville et la campagne, et puis la cassure survient : le mégaphone crie, la mitrailleuse claque, le riz brûle, et « la souris verte file parmi la mousse ».

Volontiers malicieux, Apollinaire dévoile son intention dans le dernier poème du recueil :

« Vous dont la bouche est faite à l'image de celle de Dieu
Bouche qui est l'ordre même
Soyez indulgents quand vous nous comparez
A ceux qui furent la perfection de l'ordre
Nous qui quêtons partout l'aventure
Nous ne sommes pas vos ennemis
Nous voulons vous donner de vastes et d'étranges domaines
Où le mystère en fleurs s'offre à qui veut le cueillir
Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues
Mille phantasmes impondérables
Auxquels il faut donner de la réalité
Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait
Il y a aussi le temps qu'on peut chasser ou faire revenir
Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières
De l'illimité et de l'erreur
Pitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés

Belle découverte, mais j'ai quand même préféré Alcools...
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Une belle innovation que ces Calligrammes, publiés en avril 1918! Un mot formé à partir de deux autres: calligraphie et idéogrammes. Mais l'accueil a été mitigé. Sous-titré poèmes de la paix et de la guerre 1913-1916, ce recueil a été trouvé trop léger par certains, surtout pour évoquer les combats. Et ces dessins n'ont pas toujours été bien compris.

Pourtant, la créativité d'Apollinaire s'exprime pleinement ici, et le livre ne présente pas que des calligrammes. Certains poèmes comme " Reconnaissance" ou " le Départ sont émouvants , superbes.

Quant aux calligrammes, certains sont tellement connus qu'on les retrouve régulièrement dans les livres scolaires, " La colombe poignardée et le jet d'eau" ou " Il pleut". D'autres le sont moins mais tout autant imaginatifs, comme " coeur, couronne et miroir".

Novateur, s'intéressant à tout, et surtout aux inventions comme le cinéma ou la radio ( le mot TSF est utilisé dans un des textes), Apollinaire aurait sans doute aimé découvrir leur évolution. Sa blessure de guerre l'affaiblissant, en contractant la grippe espagnole, ne lui en a pas laissé le temps.

" Une belle Minerve est l'enfant de ma tête
Une étoile de sang me couronne à jamais"..., écrivait-il, dans ce recueil...
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Calligrammes est un recueil de poèmes à avoir absolument dans sa bibliothèque. Nombre de poèmes sont inspirés de la vie de cet auteur génial et prolifique. Bien que Guillaume Apollinaire ne les ai pas inventés, les calligrammes existaient déjà au cours de l'Antiquité, mais les siens ont célèbres. L'auteur fait ainsi vivre son texte de manière originale, dynamique, émouvante parfois et souvent décalée, redonnant de la sorte à la poésie des figures nouvelles.

D'ailleurs à leur propos, l'auteur déclarait : "(.) ils sont une idéalisation de la poésie vers-libriste et une précision typographique à l'époque où la typographie termine brillamment sa carrière, à l'aurore des moyens nouveaux de reproduction que sont le cinéma et le phonographe" .
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Tous les chemins de la poésie mènent à Guillaume Apollinaire
Avec Alcools, Calligrammes (poèmes de la paix et de la guerre 1913-1916) est son recueil que j'apprécie le plus.

Publié en 1918 aux Éditions du Mercure de France, Apollinaire l'a écrit à son retour de guerre. Blessé, « le poète à la tête étoilée » revint très éprouvé du conflit, mais l'esprit encore plein de projets de création. Calligrammes en est la plus belle des preuves.

Calligrammes* justement, ce mot valise né de la contraction de calligraphie et idéogramme définit l'idée nouvelle d'une poésie graphique, d'une simultanéité dans laquelle se confondent la forme et le thème du poème.
Par ces poèmes épris de forme (La cravate et la montre, Il pleut, La colombe poignardée et le jet d'eau, La mandoline, l'oeillet et le bambou,…), Apollinaire interroge le rapport au texte. Ce que l'oeil perçoit dans le calligramme doit toucher l'esprit. La vision globale de l'écrit, concentré dans le dessin, pour révéler au mieux son idée, son concept.

Les calligrammes composent une partie seulement du livre. Ils sont pour la plupart intercalés entre des poèmes en vers libres ou de forme plus classique avec usage de la rime et le respect de la métrique.

Dans les textes, les références d'Apollinaire au quotidien de sa vie de soldat sont évidemment les plus nombreuses, mais d'autres touchent aux thèmes de l'amour, de la nature et du monde de l'art, parisien en particulier. Si dans ses poèmesApollinaire emprunte le registre de l'élégie où apparaît l'effroi face à l'épreuve de la guerre, on y décèle aussi une certaine nostalgie, un espoir diffus, un élan qui donnent à son écriture une véracité et une générosité vraiment singulières, comme une parole retrouvée, débordante.

« Mais entêtons-nous à parler
Remuons la langue
Lançons des postillons.
On veut de nouveaux sons de nouveaux sons de nouveaux sons
On veut des consonnes sans voyelles
Des consonnes qui pètent sourdement
Imitez le son de la toupie
Laissez pétiller un son nasal et continu
Faites claquer votre langue
Servez-vous du bruit sourd de celui qui mange sans civilité
Le raclement aspiré du crachement ferait aussi une belle
consonne
Les divers pets labiaux rendraient aussi vos discours claironnants
Habituez-vous à roter à volonté
Et quelle lettre grave comme un son de cloche
A travers nos mémoires
Nous n'aimons pas assez la joie
De voir les belles choses neuves
O mon amie hâte-toi
Crains qu'un jour un train te t'émeuve
Plus
Regarde-le plus vite pour toi
Ces chemins de fer qui circulent
Sortiront bientôt de la vie
Ils seront beaux et ridicules
Deux lampes brûlent devant moi
Comme deux femmes qui rient
Je courbe tristement la tête
Devant l'ardente moquerie
Ce rire se répand
Partout
Parlez avec les mains faites claquer vos doigts
Tapez-vous sur la joue comme sur un tambour
O paroles
Elles suivent dans la myrtaie
L'Éros et l'Antéros en larmes
Je suis le ciel de la cité
[…] » **

Calligrammes est un ensemble composite de souvenirs, d'impressions, mais aussi d'expérimentation polysémique. Malgré les références, les emprunts, les sources d'inspiration dont était friand Guillaume Apollinaire, il y a toujours dans sa poésie quelque chose qui nous est familier, de foncièrement proche.

J'aime cette poésie qui va à l'unisson des mots et des images, qui vide son sac de la réalité du dehors pour le remplir d'une intériorité jamais épuisée, d‘une réserve d'humanité jamais éteinte.

« Carte postale -

Je t'écris de dessous la tente
Tandis que meurt ce jour d'été
Où floraison éblouissante
Dans le ciel à peine bleuté
Une canonnade éclatante
Se fane avant d'avoir été »


(*) Si Apollinaire a popularisé le calligramme, il ne fut pas le premier à l'utiliser ; on en retrouve trace au XVIème siècle, chez François Rabelais dans La Dive bouteille.  
(**) extrait de la Victoire in La Tête étoilée. - p. 181
(***) extrait de la Tête étoilée. - p.165

.
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Apollinaire ne se contente pas de moderniser la poésie par la forme (le poème-dessin du calligramme) et les thèmes. Il associe l'élévation et un lyrisme singulier à des thèmes inhabituels (effectivement, la guerre, les techniques modernes,...). Il parvient ainsi à redécouvrir le mystère de la vie dans une société en pleine transformation, en marche vers un avenir qu'il voit radieux - même sous les obus de la Première Guerre mondiale.
Celui qui se désigne souvent comme la "flamme rousse", "torche que rien ne peut éteindre", est brûlé par la vie, mais utilise ce feu étincelant pour alimenter sa poésie, "comme une flamme / Dont tu as toute la souffrance / Toute l'ardeur et tout l'éclat"
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Ce recueil, écrit pour l'essentiel pendant la guerre (et dédié à un ami d'enfance mort en 1917) rassemble des poèmes dont la première partie (Ondes) a été écrite avant la déclaration de guerre, à un moment où Apollinaire se sentait plein d'énergie créatrice et d'enthousiasme. Les parties suivantes ont une toute autre tonalité, même si la forme des calligrammes les unit. le plus célèbre et un des plus beaux c'est La colombe et le jet d'eau : quel dommage qu'il soit impossible de citer un calligramme ! « De souvenirs mon âme est pleine le jet d'eau pleure sur ma peine » Cependant il n'y a pas que des calligrammes dans ce recueil, mais aussi beaucoup de poèmes en vers libres ainsi que des sonnets déstructurés. Même sous les obus de la Première Guerre mondiale il veut entrevoir un avenir radieux et se saisit de tout, du son des mots, des formes qu'il crée pour faire naître poésie et rêve. Il cherche l'inspiration poétique là où il est, sur le front, ainsi que dans des objets du quotidien et de la modernité. C'est par ces sujets autant que par la forme que ce recueil est remarquable. A lire absolument, en passant les calligrammes dans un premier temps si leur forme gêne la lecture, il y a tant d'autres choses dans cet opus.
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Passé complétement à coté des poèmes formant le recueil "Alcools", je dirais que "Calligrammes" m'a fait découvrir Guillaume Apollinaire.
Peut être aussi parce que cette période de l'Histoire qu'est la première guerre mondiale m'a toujours impressionné et qu'elle est restée longtemps remémorée avec les derniers Poilus chaque 11 novembre.
De nos jours, encore, des romans tels qu' "Au revoir la-haut" de Pierre Lemaitre arrivent à nous émouvoir.
Si Calligrammes à su me plaire, c'est aussi par son inventivité, sa modernité immuable qu'apporte une grande diversité de forme, de ton, de rythme, de sujet et qu'ainsi on ne peut s'y ennuyer.
Le rôle du poète au sein d'un conflit est aussi abordé. Parfois stupéfiant... Trouver de la beauté à une pluie d'obus éclairants, comparer le bruit que font les douilles en tombant à un joli chant de cloche peut dérouter à première lecture.
A coté de cela la guerre est froidement décrite, avec beaucoup de réalisme, comme dans le poème "Il y a" qui procède à un décompte de ce qui constitue le quotidien du poète :
Il y a mille petits sapins brisés ...
Il y a un capitaine ...
Il y a un cimetière ...etc ..
Bref, une telle palette nous est offerte qu'on y trouve forcement son bonheur. Difficile de passer à coté cette fois.

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Si Apollinaire n'a rien inventé avec ses "Calligrammes", il a toutefois permis de mettre en lumière ce procédé associant littérature et arts visuels. Mais quand le langage écrit devient le matériau du tableau-poème, la linéarité et l'horizontalité de lecture sont quelque peu lézardées. On pourra donc reprocher à ces calligrammes leur manque de lisibilité. Mais il ne faudrait pas réduire ce célèbre recueil à un procédé. La majorité des poèmes garde la classique forme linéaire. Et au-delà de la forme, la modernité des poèmes d'Apollinaire résidait dans leurs sujets : les progrès technologiques, à la fois dans ce qu'ils avaient de meilleur pour la communication (gramophone, TSF, photographie et cinéma), mais aussi dans ce qu'ils avaient d'atroce dans leurs usages guerriers et destructeurs. Ce témoignage d'un changement de société dû aux nouvelles technologies est captivant. Je me suis amusé à imaginer Apollinaire confronté à l'univers d'Internet. Qu'aurait-il pu en faire ? … Aurait-il pu placer un calligramme sur babelio.com ?
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» Les audaces formelles de ces poèmes-dessins furent froidement accueillies en leur temps . Elles témoignent pourtant de l'inventivité débridée de leur auteur et de sa capacité à échapper à l'horreur de la boucherie de la guerre par la créativité. Cependant , les poèmes n'atteignent pas les sommets d'Alcools ou des poèmes à Lou. Dans ma carrière d'enseignant ils ont été un magnifique support pour aider les élèves à accéder à la poésie et à donner une forme à leur imaginaire.
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